Chapitre 24

7 minutes de lecture

Hestia

Lorsque je pénétrai la pièce, la dure réalité me frappa de plein fouet. Sans plus attendre, je me portai au secours de Zéphyr qui était figé dans une immobilité inquiétante.

Avec frénésie, je tâtonnai son cou à la recherche de son pouls. Je cru qu’il était mort tant sa peau était glacée, mais un faible battement se fit ressentir sous la pulpe de mes doigts. Un sanglot s’échappa de ma bouche et les larmes que j’avais retenu jusque là se mirent à pleuvoir.

—Zéphyr mon ange, réveille-toi ! Tout est fini, murmurai-je au creux de son oreille.

Il cligna avec fragilité ses lourdes paupières.

—Maman, quémanda-t-il en pleurant.

— C’est Hestia mon chéri. Tout va bien, d’accord ? Je te protège. Laisse-moi examiner tes bobos.

Avec précaution je soulevais son pull de pyjamas. La lueur du lampadaire du couloir me permit de constater l’ampleur de ses blessures.

Je retins un cri d’agonie pure. Ce monstre n’avait pas menti en me disant que ses griffes étaient empoisonnées. La peau du ventre de Zéphyr était percée de six trous aux bords noircis et où du pus vert s’écoulait. Ce n’était pas beau à voir et je commençais à paniquer. Quelle sorte de poison avait été utilisé ? Je n’étais pas guérisseuse et je n’avais pas la moindre idée de la façon dont je devais le soigner.

Son front était perlé de sueur, à cause de la fièvre qui le consumait, sauf qu’il émanait de son corps un froid glacial.

—Hestia…j’ai mal, fit-il d’une voix hachurée par des hoquets. Sa respiration était très lente, trop même.

—Je sais mon ange, je vais te soigner. Laisse-moi juste aller chercher la mallette à soin.

Je me précipitai hors de la chambre et dévalai en vitesse les escaliers en oubliant mes côtes brisées et mes blessures dégoulinantes. Je m’emparai du téléphone fixe et composait le numéro de Danaos, je ne savais appeler personne d’autre. Les tonalités commencèrent à retentir dans le vide.

—Décroche, décroche, suppliai-je en me rongeant les ongles. Au bout de la sixième sonnerie, je m’apprêtais à raccrocher pour retourner au chevet de Zéphyr, sauf qu’une voix ensommeillée me répondit :

—Allô ?

—Dano, tu dois venir tout de suite !!! On… a été… attaqué, une plainte s’échappa de mes lèvres. Décerto…est morte et…Zéphyr a été empoisonné…, je ne sais pas quoi faire pleurai-je en m’effondrant sur le sol.

—Attends, répète Hestia, je n’ai pas tout compris, me demanda-t-il.

—Viens je te dis, nous avons été attaqués et Zéphyr a besoin d’aide, hurlai-je dans le combiné.

Je n’attendis pas sa réponse et plaquai le téléphone sur son support pour retourner auprès de Zéphyr. Au passage, j’entrais dans la salle de bain à la recherche d’une trousse de secours. J’ouvris le placard en jetant tout sur le sol et enfin je mis la main sur ce que je cherchai.

Zéphyr se mit à crier de douleur, je m’emparai de la trousse et couru aussi vite que possible. Il était en train de se démener.

—Je suis revenue mon ange. Ne bouge plus, je vais désinfecter tes plaies.

Il agrippa les draps entre ses mains aux jointures blanchies.

—Ça brûle, j’ai mal, beugla-t-il de plus belle, les larmes s’écoulant de ses prunelles.

Son corps s’arc-que-bouta avec violence sur le matelas et il se mit à vomir un liquide rouge vermeille. Complètement désemparée, je le regardai en train d’essayer de reprendre son souffle en vain. Il commença à être assailli de soubresauts incontrôlables. Comprenant que les produits humains ne pourraient rien pour lui, je décidais de tenter le tout pour le tout. Je l’attrapai par les bras et l’attirai avec fermeté contre mon buste. J’insufflai une once de pouvoir lié à la terre pour tenter d’endiguer l’avancée du poison. Hélas, mes réserves de magie avaient été durement touchées lors de mon combat avec l’aigle géant, surtout lorsque j’avais fait apparaitre la boule de feu. Je ne parvins qu’à anesthésier sa souffrance, son corps se décrispa et il poussa un faible soupir soulagé.

Nous restâmes quelques minutes ainsi enlacés. Mon regard resta fixé au miroir en face de nous, qui me renvoya notre reflet. Je faisais peur à voir et Zéphyr était trop pâle, on voyait les veines sur son visage.

Je le ressentais au plus profond de mon âme. Il était sur le point de me quitter et je ne pouvais rien faire pour le sauver. Je dû encore une fois, retenir ma pine qui menaçait à chaque instant. Il n’avait que cinq ans, et c’était le plus gentil, le plus mignon et le plus intelligent des petits garçons. Les reines Parques étaient surement en train de couper le fil de sa vie. J’aurai voulu exploser ma colère et ma tristesse à la face de ces mégères sans cœur. Hélas, je n’avais aucune idée de la manière dont je devais les contacter et le destin d’un être humain lorsqu’il était écrit ne pouvait plus être changé.

—Hes…tia, chuchota-t-il péniblement.

Je lui caressai ses mèches ébènes trempées de sueurs.

—Oui mon chéri ? l’interrogeai-je

—Tu ve..ux bi..en chan..ter, s’il..te..plait.

Il se mit à tousser et un filet de sang coula le long de son menton. Je l’essuyai avec douceur les mains tremblantes.

—Bien sûr mon trésor. Tu veux que je chante « Le lac aux reflets » ?

Il cligna plusieurs fois ses paupières en signe d’assentiment. Je fermai mes yeux douloureux et commençais la berceuse :

Près du lac aux reflets

Se tenait une silhouette

Allongée dans un champ de blés

Elle guettait telle une alouette

Sa chevelure blonde

Que le vent faisait voler

Ruisselait telle une onde

Près du lac aux reflets

Se tenait une fée

Assise sur un rocher

Elle pleurait tel un bébé

Ses ailes irisées

Que le soleil réchauffait

Tremblaient telles des ombres

Près du lac aux reflets

La pluie se mit à tomber

Faisant se cacher

La silhouette et la fée

Et sous le couvert de la forêt

Elles se mirent à danser

Grâce a l'eau qui chantait

Près du lacs aux reflets

Se tenait deux amies enlacées

Que la vie avait réunit

Un jour de pluie

Ma voix se brisa sur le dernier couplet et mes larmes de mirent à se déverser.

Il venait de me quitter.

Son cœur ne battait plus.

Sa respiration s’était tue.

Son corps avait été vaincu.

Plus jamais je ne verrai la chaleur de son sourire.

Plus jamais je ne contemplerai la beauté de ses yeux.

Plus jamais je ne caresserai le soyeux de cheveux.

Plus jamais…

—Zéphyr…gémit en serrant son corps sans vie contre moi.

Un sanglot déchira ma poitrine, suivit d’un autre et encore un autre. Un torrent d’eau salé se répandit sur mes joues.

J’étais anéanties. Les personnes auxquelles je tenais le plus au monde étaient mortes. Si je n’avais pas partagé leur existence elle serait encore là ! Tout était de ma faute !

—Pardonne moi, mon ange.

En tenant à peine sous mes jambes tremblantes, je transportais Zéphyr jusque dans la chambre de Décerto. Mes pieds rencontrèrent ses organes et je retins la nausée qui menaçait de me submerger. Je fis bien attention à ne pas regarder le corps décharné de la nymphe et plaçait Zéphyr tout contre son flanc. Ensuite, j’allais chercher une couverture dans le placard afin de les recouvrir avec délicatesse. Il me restait une dernière chose à accomplir…

Je fouillai la boite à bijoux de Décerto et mis la main sur des drachmes en or. J’en pris deux et les posais dans leurs mains droites. Cela leur permettrait de payer Charon lors de la traversée du Styx et ils iraient ainsi directement aux Champs Elysée, le paradis.

Je me recueillis un instant sur leurs dépouilles.

—Je suis tellement désolée Décerto. Pardonne-moi, chuchotai-je au bord du gouffre.

J’étais la fille du Roi des morts, mais je n’étais pas capable de ressusciter les être qui m’étaient chers. Pourquoi est-ce que j’étais encore en vie ?

Pourquoi ?!

Je récupérai sur le lit de Zéphyr son ours en peluche préféré qui portait sa douce odeur d’enfant et me dirigeait dans le jardin. Mon enveloppe corporelle était sur le point de me lâcher, déjà que mon ouie était diminuée, maintenant mes yeux semblaient me jouer des tours, je voyais des ombres partout. Le poison sinuai lentement dans mes veines me tuant à petit feu.

J’ouvris la porte fenêtre et posai mes pieds sur l’herbe. L’air me fouetta par sa morsure glaciale. Je parvins à atteindre le milieu du jardin et je m’effondrais à genoux sur l’herbe mouillés.

Dans un dernier sursaut de désespoir, je crachais au ciel ma hargne et ma douleur :

—Zeus, si tu m’entends, j’espère qu’un jour tu iras pourrir en enfer comme ton père.
Tu n’es qu’un lâche ! Pourquoi avoir envoyé tes sbires ? Tu as peur de moi, une petite fille ? hurlai-je à la nuit les bras grands ouverts.

Un éclair s’abattit à quelques mètres de ma personne.

—Oui, viens et tues-moi ! Je suis faible et vulnérable ! Espèce de monstre ! Comme ta fille la fait pour moi, je te maudis et ta femme aussi !!! Allez tous crever !!!

La pluie, comme dans la berceuse se mit à se répandre. Hélas, aucune petite fée n’était là. J’étais seule…
Un grondement sourd retentit et puis ce fut le néant…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Selmarin 19 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0