Chapitre 27

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Hestia

Je lévitai dans un épais brouillard qui me recouvrait. Rien n’était discernable, rien n’était palpable, car il n’y avait rien d’autre que le vide.

Le néant n’était qu’une absence, mais sa seule présence était étouffante et oppressante.

Le temps lui me narguait de son insolence. Il s’écoulait sans que j’en ais conscience et cela me plongeait dans la tourmente.

Le silence était une sentence. Ma seule naissance en était une conséquence, sans cela mes proches seraient encore des âmes vivantes.

Le froid me mordait avec violence, tant son appétence était grandissante.

Étais-je morte ou inconsciente ?

Me menez-t-on sur le chemin de la prison ou la rédemption ?

Reverrai-je un jour la lumière ou seulement les ténèbres ?

Milles et une interrogations me tourmentaient. Mes pensées n’étaient pas en paix. Mon cœur, lui, était brisé.

J’exécrerais ce jour funeste, à jamais !

Je pleurerais ma famille, à jamais !

Je maudirais mon bourreau, à jamais !

Le tourant que venait de prendre ma si plaisante existence me laissais dans l’amertume. Je vacillais d’incertitude. A quoi bon m’accrocher ? Ils ne cesseraient pas de me hanter et lui ne cesserait pas de me traquer.

J’étais la mal-aimée, la malchanceuse, la maudite fille d’un seigneur qui me haïssait. Mon ventre portait la marque de cette haine injuste et cruelle. Pourquoi tant d’acharnement sur une simple mortelle ? Nul n’était éternel, car tout avait une fin, la mienne était proche. !

Une lueur perça la brume et me fit sortir de la tempête dans laquelle j’étais plongée. Mes yeux se plissèrent face à l’agressivité de son éclat. Le faisceau lumineux trônait au loin tel un appât. Il m’attirait, mais je résistais, et si c’était un piège ?

Viens, chuchota une douce voix lointaine

Elle semblait chaleureuse, mais ma confiance s’était étiolée.

—Laissez-moi mourir, répondis-je en me recroquevillant sur moi-même.

Je ne te veux aucun mal, ma douce, n’aie pas peur.

Son timbre était chantant et je n’avais qu’une envie me blottir dans les bras de cette personne. Sauf que je ne pouvais accorder de crédit à une inconnue et refusait encore une fois.

—Je ne vous connais pas ! Foutez-moi à la paix, allez-vous-en ! l’adjurai-je d’un ton éreinté.

Je refermai mes paupières douloureuses et mon esprit reparti dans des pérégrinations dépressives. Je pensais que l’inconnue s’en était allé, mais je me trompais.

Une main délicate se posa sur mes cheveux et une agréable chaleur se diffusa dans mon corps meurtri.

Laisses-moi admirer tes prunelles, cher trésor ? me demanda-t-elle

—Pourquoi vous ne me laissez pas tranquille ? pleurai-je en ouvrant les yeux.

Une forme éthérée se tenait près de moi. La beauté et de la bonté transparaissait sur ses traits gracieux. Elle me sourit et mon cœur s’apaisa quelque peu.

Je ne souhaite que t’aider, ma chérie, il faut me croire.

Je cru en la véracité de ses propos, incapable de me méfier de cette femme qui avait l’air bienveillante.

—Qui êtes-vous ? la questionnai-je en admirant sa chevelure auburn.

Je suis toi et tu es moi. Nous formons un tout indiscernable, m’exposa-t-elle en me souriant.

Mes sourcils se froncèrent d’incompréhension.

—Je ne comprends pas, fis-je confuse

Elle prit une grande inspiration et commença son récit.

Je suis la reine Hestia, la maitresse du ciel et de la terre. Fille ainée de Chronos et sœur de ton père. Zeus mon autre frère, n’a pas supporté que je lui tienne tête lorsqu’il a commencé à devenir un tyran. Je l’ai mise en garde à de nombreuses reprises qu’il était en train de faire comme notre père et il est devenu irascible et jaloux. D’autant plus que sur terre, le peuple m’aimait plus que lui. De nombreux temples ont été érigé pour moi et les mortels souhaitaient que je sois leur nouvelle souveraine, ils se sont même soulevés pour ce faire. Hélas, Zeus a envoyé ses monstres les anéantir et il m’a lâchement tué. Ce qu’il ne sait pas, c’est que mon essence vitale elle n’est pas décédée. Cela fait des années que j’ère à la recherche de la personne a qui je donnerait mon pouvoir. Il s’avère que cette personne, c’est toi, la fille du seul de mes frères qui s’élevé face au Tyran.

J’étais abasourdie par ces révélations. La perfidie de Zeus n’était pas une chose nouvelle, il avait peur que quelqu’un lui prenne sa place, si je comprenais bien.

—Pourquoi, m’avoir choisie, alors ?

L'oracle de Delphes avant d'être tué nous a laissé une dernière prophétie, me dit-elle.

Ses pupilles se voilèrent et ses cheveux s'élevèrent. Elle était dans une sorte de transe, plus rien ne semblait l’atteindre. Elle commença à se balancer d’avant en arrière. Ses mains s’illuminèrent et une sorte de boule dorée se mit à se hisser au-dessus de nos têtes. Sa voix changea de tessiture et elle psalmodia :

En ces temps obscurs

Une naissance est à annoncer

Le trône n'est plus sûr

Car cet enfant amènera enfin la pureté

Centaures, Nymphes et Satyres

Tenez-vous prêts

Car il vous frappera de son ire

Pour vous être rebellez

Tout règne à une fin

La sienne ne tardera point

Le fils ou la fille de l'un des siens

Y mettra le poing

Et n'oubliez pas

L'aînée assassinée

La mère de nos foyers

Sonnera son trépas

Cette prédiction semblait être une menace à l'encontre du seigneur des cieux. Elle signifiait qu'une guerre allait éclater.

La reine revint à elle et ses améthystes me sondèrent avec gravité.

—Vous semblez oublier que les autres seigneurs ont aussi eu des enfants. Pourquoi c'est moi que l'on attaque ?

Elle secoua la tête faisant virevolter ses mèches cuivrées.

Zeus a fait tuer tous les descendants des douze et même ses propres enfants, répondit-elle avec rancœur, tu es la seule qui sois encore en vie !

—Plus pour très longtemps, je suis en train de mourir.

Mon neveu a guéri tes blessures physiques, la décision finale te reviens.

—C’est faux, les Parques ont déjà vu ma mort.

Non mon enfant, car ta destinée est incertaine. Nul ne peut la prédire. Tu es la seule maitresse de ton destin !

—Mais à quoi sert la vie, sans les êtres que l’on chérie ?

—L’existence est faite d’obstacle que tu devras surmonter chaque jour.

Ses paroles étaient pleines de sagesse, je m’en imprégnais pour surmonter la peine que me grignotai. Ma détermination remonta à la surface. Ma rage me sorti de l’état léthargique dans lequel j’étais ensevelie.

J’accomplirai cette prophétie. Je me vengerai de lui et par la même occasion, je vengerai celle qui venait de m’aider. J’étais la réincarnation de la Reine Hestia, celle que l’ont avait aimé puis oublié.

—Je veux me battre, déclamai-je avec aplomb.

—Qu’il en soit ainsi !

Elle me prit dans ses bras protecteurs et aimant, embrassa mon front avec douceur et …

***

J’avais chaud et j’étouffai. J’entrouvris un œil puis l’autre. La pièce dans laquelle je me trouvais était plongée dans la pénombre. J’étais enfouie sous un amas de couverture. Etant encore faible, je n’arrivai pas à m’en dépêtrer.

Je pivotai la tête sur ma gauche. La silhouette de Danaos se découpait sur un fauteuil. Il était profondément endormi. Son visage était appuyé sur l’une de ses mains et ses cheveux étaient tout ébouriffé.

—Dano, chuchotai-je d’une voix éraillée.

J’avais la gorge sèche et ne souhaitais qu’une seule chose : un grand verre d’eau et un peu d’air frais aussi.

Il ne semblait pas m’avoir entendu car un ronflement sonore se fit entendre. Je tentai encore une fois de m’extirper du lit et n’y parvint pas. Mes muscles à force d’inertie s’étaient amollis.

—Dano, criai-je dans l’espoir qu’il m’entende.

Il fit un bond spectaculaire et se retrouva à terre, le visage chiffonné et la mine hagarde. Il essayait de comprendre ce qu’il lui était arrivé.

—Dano, j’ai vraiment très soif et chaud aussi, tu veux bien m’aider ? lui demandai-je.

Le choc se lit sur son visage lorsqu’il constata que j’étais éveillée. Il se précipita dans ma direction, me souleva et me plaqua contre son torse. Il enfouis son nez dans mes cheveux et me sera encore plus fort. Il ne parlait pas et moi non plus, je me sentais bien entre ses bras. Des larmes inondèrent mes joues sans que je m’en rende compte.

—Oh Hestia, je suis tellement désolé, me murmura-t-il à l’oreille.

Il me fis m’assoir sur ses genoux et j’épanchai ma peine et ma tristesse dans son cou. Il me berça avec tendresse, jusqu’à ce que mon chagrin se tarisse. Ses pouces virent essuyer les dernières gouttes qui perlaient sur par peau et il m’embrassa avec douceur.

Je me laissai porter par ce baiser salvateur, mais mon gosier asséché, réclama sa pitance.

—Tu peux me donner à boire.

Danaos tendit le bras et attrapa la bouteille d’eau qui se trouvait sur la table de chevet.

—Tiens et ne bois pas trop vite, me prévint-il.

Je hochai la tête et portai le goulot à ma bouche tremblante. Cette boisson rafraîchit ma cavité buccale me procurant un bien fou.

J’avais avalé trop d’eau et cela me fit tousser. Danaos tapota mon dos pour m’aider à mieux respirer, mais cela me fit plus de bien que de mal. Ma quinte de toux m’épuisa et entourée par a chaleur de mon ami, je plongeais dans un sommeil réparateur.

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