Hestia

Nous partîmes le soir même. Apollon nous fis traverser un portail magique. Je détestais toujours autant cette sensation de me transformer en particules puis de me resolidifier. Lorsque nous arrivâmes mes oreilles étaient bouchées et j’avais la nausée.

Nous étions dans une sorte de zoning industriel. De grand entrepôts étaient érigés un peu partout d’immense grues en métal nous surplombaient et il y a avait des camions en tout genre disséminé sur les parkings des sites. A cette heure de la nuit il n’y avait pas un chat.

Apollon se saisit de ma main et nous guida jusque dans une zone clôturée. Il escalada la barrière avec agilité et me fit signe de faire la même chose.

Danaos s’approcha vers moi pour m’aider et je le remballai.

—Je peux me débrouiller ! Je ne suis pas infirme ! fis-je d’un ton sec.

Il recula l’air outré et je grimpai sur la grille. Une fois au sommet, je passais mes jambes de l’autre côté et je sautais dans le vide, Apollon me réceptionna avec douceur. Ses mains s’attardèrent un peu trop sur mes hanches et je me dépêchais de m’éloigner de lui, car ses prunelles dorées me brulaient la peau de leur ardeur, cela me mettait mal à l’aise.

—Où est-ce que vous nous emmenez ? grogna Danaos tout en aidant Rallyeso à franchir la barrière.

Ses yeux étaient devenus ombrageux et sa mâchoire était contracté de rage.

—Dans un endroit où personne ne pensera à vous chercher, expliqua Apollon d’une voix calme. Nous ne sommes plus très loin, mais il faut nous dépêcher avant d’être repéré, beaucoup de surnaturels vivent ici.

—Ah ouais, qui nous dit que vous ne nous emmenez pas directement dans un piège !

—Danaos, ça suffit ! Tu te tais et tu avances ! assenai-je exaspérée par sa conduite.

—Hestia, c’est louche tout ça ! Sauf que tu es trop émerveillée par lui pour t’en rendre compte, maugréa-t-il ses yeux lançant des éclairs de fureur.

—Arrête de faire ta crise de jalousie comme un enfant capricieux, tu nous ralentis ! répliquai-je avec froideur.

Rallyeso posa sa main sur le bras de Danos, il se calma instantanément et lui adressa un regard reconnaissant. Je ne savais pas ce qu’il s’était passé entre eux quand j’étais dans le coma et je ne voulais pas le savoir. Leur soudaine proximité et complicité me gênait quelque peu, j’avais l’impression d’être devenue une indésirable.

—Allons-y ! s’exclama Apollon en saisissant mon poignet.

Nous le suivîmes en silence jusque devant une porte blindée en fer. Il composa le code pour la déverrouiller et le battant émis un bip sonore avant de s’ouvrir. Nous nous engouffrâmes à l’intérieur. Il faisait sombre et le couloir dans lequel nous nous trouvions s’éclairait par intermittence d’une faible lumière rouge : l’alarme. Devant moi, le seigneur du soleil s’illumina. Le halo qui le recouvrait nous permettaient de nous déplacer sans trébucher sur des obstacles cachés par les ténèbres. Nous nous enfonçâmes dans les profondeurs abyssales du bâtiment. Je n’aimais pas cela, j’avais besoin de lumière du jour, or là il semblait qu’il n’y avait aucune fenêtre donnant sur l’extérieur.

Et si Danaos avait raison ?

Et si …

—Nous sommes arrivés ! déclara Apollon d’un ton enjoué, en éclairant le hall dans lequel il nous avait amené.

Il n’y avait rien, pas de meuble, pas d’objet, rien que des murs en béton.

—J’avais raison, il nous a trompé et sa beauté t’a aveuglé Hestia ! vociféra Danaos hors de lui.

Je ne répondis pas et me tournai vers le seigneur de la guérison qui me contemplait avec attention, les sourcils froncés.

—Me fais-tu confiance, petite fleur ? me demanda-t-il.

Je haussais les épaules, incertaine de son honnêteté. Il prit cela comme un assentiment car il rejoignis le centre de la pièce. Il ferma les yeux, s’agenouilla sur le sol et chanta :

Quand l’invisible devient visible.

Quand l’intangible devient tangible.

Quand l’imperceptible devient perceptible

Alors tout es possible !

Nous te voyons.

Nous te touchons

Nous t’entendons.

Nous te percevons.

Des mèches d’un blond doré vinrent effleurer son visage taillé à la serpe. Il continua son invocation jusqu’à ce qu’un tourbillon commence à se former autour de nous. Je m’accrochai à Rallyeso et Danos nous entoura de ses bras, nous évitant d’être emporté.

Lorsque le vent arrêta de se déchaîner sur nous, je risquai un œil aux alentours. L’émerveillement s’offrit à moi. Nous étions dans un jardin enchanté. Des oiseaux de toutes les couleurs et de toutes les espèces gazouillaient, l’eau ruisselait dans des fontaines en marbre blanc, les fleurs embaumaient l’espace de leur senteur aphrodisiaque. L’air était à la température idéale, je me dépêchai d’enlever ma veste et mon pull pour sentir sa douce caresse. Rallyeso aussi était éblouie par la splendeur du paysage.

Seul Danaos affichait un air revêche et il ne tarda pas à le faire savoir.

—C’est quoi cette connerie ?! Où sommes-nous ?! tonitrua-t-il en embrasant d’un ample geste ce qui nous entourait.

Il oubliait à qui il s’adressait. S’il continuait à contredire Apollon, il risquait de se mordre les doigts, et je ne l’aiderait pas, il l’avait bien mérité. Le seigneur de la musique se releva en fulminant. Le comportement de Danaos commençait à lui taper sur le système.

—Mon garçon si tu persiste à m’insulter de la sorte, je vais te transformer en volatile, tu n’arrête pas de jacasser telle une poule ! le menaça-t-il de son index.

Je me mordillai la lèvre pour ne pas glousser face à l’absurdité de la menace. Apollon m’adressa un sourire charmeur en voyant mon manège, je fis semblant de rien pour ne pas lui donner de faux espoirs.

Danos allait répliquer, mais un homme de grande taille fit son apparition au détour d’un taillis. Il portait dans son dos deux épées aux pommeaux rutilants. Une hache pendait à une ceinture qui entourait ses hanches étroites et des poignards étaient disposés autour de ses cuisses musclées. On pouvait dire qu’il était armé jusqu’aux dents et qu’il se préparait pour une bataille sanglante.

Danaos se positionna devant nous, pour nous protéger et dégaina le poignard magique que je lui avait offert pour son anniversaire. Il actionna le ruby et des flammes vinrent lécher la lame tranchante.

—Arrière, je n’hésiterai pas à m’en servir, grogna-t-il tel un enragé.

Je levai les yeux aux ciels, agacée par son attitude. Si l’homme avait voulu nous attaquer il l’aurait déjà fait !

—Gamin, range ton cure dent ! Tes amies ne sont pas en danger avec moi, énonça l’inconnu d’une voit forte.

Ses bras aux veines saillantes étaient couturés de cicatrices blanches qui tranchaient sur sa peau halée. Son menton carré était recouvert d’une barbe sombre et drue et ses yeux d’un bordeaux très foncé semblaient nous examiner, moi en particulier.

—Qui êtes-vous !? le sommais-je d’un ton péremptoire en contournant Dano, afin d’être face à l’homme imposant.

Le géant pivota vers Apollon un rictus moqueur au coin des lèvres.

—C’est elle ?

—Oui, lui répondit le seigneur du chant.

—Elle est un peu maigrelette et pâlotte, mais ses yeux sont sublimes, exposa le colosse d’un air satisfait.

Je fronçai les sourcils, outrée par ses allusions.

—Je vous ai posé une question et j’attends une réponse ! fis-je en tapant du pied.

—Oh, elle ne se laisse pas faire, j’aime ça ! Et avant que tu ne me brûle avec ton regard, je suis Arès Seigneur de la guerre pour te servir Trésor, déclama-t-il goguenard.

Il me fit un clin d’œil charmeur et j’écarquillai les yeux de stupeur. Il était l’un des douze et aussi le plus dangereux. Cependant, il semblait bienveillant, aucune animosité de s’échappait de sa personne.

Je m’avançai jusqu’à Ares et lui tendit la main :

—Enchantée de faire votre connaissance, maître de la stratégie.

Il serra ma main avec fermeté et beaucoup de douceur.

—De même, ma colombe.

Mes amis me regardèrent d’un air étrange, et je n’en eu cure. Je devais me faire des alliés et Arès allait en devenir un.