La princesse voleuse - petite histoire
Il était une fois, dans un royaume fort lointain, une jolie princesse blonde nommée Diamonda. Elle était la fille du roi Meronnios et de la reine Héza, des souverains respectés et aimés de leurs sujets. Le royaume entier adorait leur fille unique et seule héritière et Diamonda ne se privait pas de demander tout ce qu’elle voulait jusqu’à l’obtenir sans trop d’efforts. Meronnios et Héza étaient fiers de leur fille, tout en essayant de lui faire inculquer les bonnes manières, sachant qu’elle aurait aussi son rôle à jouer en succédant à son père au bout de plusieurs années. Pour l’instant, la princesse, seulement âgée de quatorze ans ne s’en préoccupait guère. Elle aimait les belles robes, passer de longues heures à se promener et rire de tout et de rien. Mais lorsqu’elle désirait absolument quelque chose, elle n’hésitait pas à se montrer capricieuse et commettre les pires chantages possibles, notamment celui de vouloir couper la longue natte rousse d’une servante si cette dernière ne lui faisait pas la coiffure en forme de chignon tressé qu’elle voulait tant. Diamonda avait une certaine emprise sur la cour et ses proches et elle ne se gênait pas de l’utiliser à ses fins. Elle pouvait même devenir cruelle quand elle le voulait et les quelques remontrances de son père ne faisaient qu’amplifier son comportement de princesse capricieuse.
Or, la vie de Diamonda prit une toute autre tournure le jour de son dix-septième anniversaire. Afin de comprendre le pourquoi du comment, il faut revenir la veille de la fête fatidique. Ce jour-là, notre princesse partit se promener à cheval dans la campagne environnante avec deux dames de compagnie. Diamonda voulait cueillir plusieurs fleurs et s’en faire un bouquet, En s’aventurant hors des jardins du palais familial, elle trouverait bien quelque chose de nouveau puisqu’elle s’était déjà servie parmi les rosiers de sa mère. Une petite heure plus tard, la princesse et ses dames arrivèrent près d’une petite maisonnée. Un peu plus en contrebas, se trouvait un jardin non loin d’un petit ruisseau. Le jardin présentait une bonne kyrielle de fleurs avec leurs beautés propres. Mais ce qui surprit d’entrée la princesse, c’était un rosier, planté à proximité d’un groupe de géraniums et qui possédait des roses d’une splendeur incomparable. Elles surpassaient largement celles de la reine Héza mais également les autres variétés de fleurs présentes. La princesse descendit aussitôt de son cheval et s’approcha tout doucement du rosier, sa longue robe couleur crème ondulant gracieusement au gré de ses mouvements.
« - Je n’ai jamais rien vu d’aussi magnifique ! Je vais en cueillir quelques unes… »
Une des deux dames de compagnie, potelée et au regard fuyant, lui dit d’une voix tremblante :
-Votre altesse, peut-être que ce rosier appartient à quelqu’un. Il y a une maison juste à côté…
-Qui es-tu pour me parler sur ce ton ? Je suis une princesse et si je veux quelque chose, alors je l’aurai. Prends garde à ta langue ! »
La dame de compagnie eut un mouvement de recul et s’éloigna. La seconde, grande et l’air hébétée, la suivit sans demander son reste. La princesse reprit sa conquête du rosier et se servit sans modération jusqu’à s’en faire un énorme bouquet. Lorsqu’elle eut enfin terminé, elle revint vers son destrier et ordonna à la grande dame de compagnie de lui garder précieusement son bouquet, le temps du trajet de retour. Une fois rentrées, Diamonda récupéra ses chères et tendres fleurs et les emmena dans ses appartements. Les préparatifs de son anniversaire étaient finis et le lendemain, la princesse fêterait ses dix sept-ans avec faste…
Le jour suivant, vers midi, toute la cour était rassemblée dans les jardins du palais. Diamonda, rayonnante dans une robe bleue azur, était la reine de cette fête, même le roi Meronnios, pourtant imposant par sa taille et son léger embonpoint, faisait pâle figure. Une farandole de repas, tous plus succulents les uns que les autres furent servis. Puis vinrent tous les cadeaux que Diamonda attendait avec impatience : des bijoux, de nouvelles robes et un nouvel ensemble de mobilier pour remplacer ceux qui décoraient déjà ses appartements princiers. Tout le monde mangeait et buvait lorsque soudain, un éclair apparut et aveugla les jardins et la cour toute entière. Puis, une femme aux longs cheveux noirs fit son apparition. Vêtue d’une robe en dentelle blanche et ornée de plusieurs perles dorées, elle se dirigea lentement vers le roi et la reine, tous deux hagards. En la voyant s’approcher, le souverain reprit contenance et lui lança d’une voix glaciale :
-Qui êtes-vous et comment osez-vous interrompre l’anniversaire de notre fille ?
-Tout d’abord, votre majesté, répondit la femme en faisant une révérence, mon nom est Andrina et je ne suis pas qu’une simple femme du commun. Je suis une fée. Veuillez me pardonner si je débarque au mauvais moment mais…il se trouve que votre fille m’a dérobé quelque chose. Et sauf votre respect, je voudrais qu’elle me le rende comme il se doit. »
Méronnios et Héza échangèrent des regards avant de se tourner vers Diamonda. Celle-ci, quelque peu prise au dépourvu, répliqua :
« - Et alors ? Je suis une princesse…ces roses me plaisaient. Je n’ai pas pu résister !
-Très bien…je crois qu’il est temps d’y aller! »
Avant que Diamonda n’ait eu le temps d’ajouter quoi que ce soit, Andrina pointa la main droite dans sa direction. Aussitôt, un éclair argenté en jaillit et soudain…plus de princesse…elle avait disparu sans crier gare ! Andrina se dématérialisa à son tour, empêchant le roi de la rattraper.
Diamonda ouvrit les yeux, allongée sur une pelouse soyeuse. Reprenant peu à peu conscience, elle commença à se redresser et toujours assise, elle observa les alentours. Elle remarqua que sa robe bleue était déchirée du côté de son pied gauche et elle poussa alors un cri de surprise. Puis, elle regarda à nouveau autour d’elle et reconnut immédiatement l’endroit. Il s’agissait du jardin où elle avait découvert le rosier avant d’en voler ses roses à foison. La maisonnée, quant à elle, n’avait pas quitté son emplacement. Elle fit volte-face lorsqu’elle entendit la voix d’Andrina derrière elle :
« -Enfin tu te réveilles…c’est déjà ça ! »
La fée aux cheveux noirs se tenait derrière elle, droite et altière. Elle l’examinait de ses yeux gris perçants et semblait attendre la réponse de la princesse comme pour tester sa réaction prochaine. Et celle-ci ne se fit pas attendre.
« - Vous allez le regretter ! Qu’est-ce que vous me voulez ?
-Diamonda, ou plutôt princesse Diamonda, tu devrais te détendre, sinon tu ne tiendras pas longtemps à toutes les leçons que j’ai préparées spécialement pour toi.
-Vous n’avez pas le droit de me retenir prisonnière ici ! Je suis une princesse !! Les soldats de mon père vont venir me délivrer !!
-Te délivrer ? Premièrement je ne t’ai pas enlevée et tu ne risques rien. Deuxièmement, si tu es ici, c’est que tu as beaucoup à apprendre. Tu es une princesse mais tu ne sais pas te tenir. Depuis ta naissance je t’ai observée, Diamonda, et tu étais tellement attendue par tes parents que ces derniers n’ont rien pu te refuser…il y aura beaucoup de travail. »
Diamonda ne sut quoi répondre. Les paroles de la fée la rendaient perplexe. Andrina poursuivit :
« Tu es une voleuse. Les roses que tu m’as dérobées ont été créées puis entretenues par ma mère et sa mère avant elle. Elles aussi étaient des fées. Pour réparer cela, je vais t’apprendre des choses et des valeurs que tu ne possèdes pas encore. Si tu veux devenir une souveraine respectée et juste, la moindre des choses c’est d’être éduquée et d’apprendre l’humilité.
-Et si je refuse ? Lui demanda Diamonda, sur un ton de défi.
-Tu peux toujours essayer. Mais sache une chose. J’ai des pouvoirs dont tu ignores l’existence et la puissance et si jamais tu me dupes ou si tu tentes quelque chose contre moi, je serai cruelle et tu le payeras très cher. Tu ne peux rien contre moi, Diamonda, rien du tout ! Tu vas d’abord réparer ton erreur, à savoir, replanter mon rosier. Ne t’inquiète pas, je te montrerai et c’est très simple. Ensuite, je t’enseignerai tout le reste. »
La princesse, toujours face à la fée, se risqua à lui poser une dernière question :
« -Pourquoi faites-vous cela ?
-Parce qu’un royaume aura toujours besoin d’un souverain juste et loyal envers ses sujets…c’est ainsi. Un jour tu succèderas à ton père et bien plus tôt que tu ne le penses. C’est pour cette raison que tu dois être prête.
-Mon père…cela signifie qu’il va mourir ?
-En effet…dans quelques années. Prédire l’avenir fait également partie de mes pouvoirs. Je n’étais pas sensée le dire mais par franchise il vaut mieux pour toi que tu le saches maintenant. »
Depuis ce jour, Diamonda apprit à devenir quelqu’un d’autre, du moins, une meilleure personne. Si elle devait régner, elle n’avait pas d’autre choix que de s’y plier. Lorsqu’elle avait apprit par Andrina que son père mourrait dans quelques années, un nœud s’était formé au fond de sa gorge. A l’heure actuelle, Héza et Méronnios devaient être fous d’inquiétude. Elle les reverrait, mais pas avant d’avoir reçu la meilleure des instructions et des enseignements possibles. Diamonda la capricieuse et la voleuse de roses devait disparaître pour laisser place à une future noble reine.
Deux ans s’étaient écoulés. Dehors, la pluie battait son plein et le roi Méronnios, assis sur son trône, tentait tant bien que mal de contenir la sévère toux qui ne le lâchait plus depuis quelques mois. Son épouse, blanche comme un linge et le regard perdu, ne parvenait plus à calmer ses crises d’angoisse. Leur fille était toujours portée disparue et les chances de la retrouver s’amenuisaient toujours plus. Ils n’avaient plus d’héritier et pour eux, l’avenir du royaume devenait une question de vie ou de mort. C’était ce qu’ils croyaient…
Le sommeil commençait à gagner le roi quand un garde fit irruption dans la salle et hurla bien fort, sans prendre le temps d’appliquer le protocole de politesse.
« -Sire, votre fille est de retour !!!
-Qu’est-ce que tu me chantes là ? Parle !
-La princesse Diamonda est dans les jardins du palais. Elle…elle arrive ! »
A ces mots, le roi et la reine se regardèrent, les sourcils froncés. Puis le roi se leva, bien décidé à voir les choses de lui-même. Lorsqu’il eut atteint le haut du grand escalier qui menait aux jardins, le roi reconnut sa fille en bas des marches. Cette dernière avait muri et à présent ce n’était plus une enfant. Elle était plus belle que jamais et son visage affichait une certaine sérénité, empreinte d’assurance. Le roi, trop heureux de la revoir, se précipita vers elle, son épouse sur ses talons et la serra dans ses bras. Une violente quinte de toux le reprit et il dut desserrer son étreinte, le temps de reprendre son souffle. Diamonda prit la parole :
« -Père, mère…sachez que je vais bien. Je n’ai subi aucun traumatisme. Si j’ai disparu c’est parce que c’était nécessaire. Ne vous en prenez pas à la fée car elle m’a énormément appris. Père, je sais que vous êtes souffrant et je me devais d’être prête pour faire ce qui est juste, le jour où vous ne serez plus parmi nous. J’ai compris que je devais changer et être humble. Je remercie encore la fée Andrina pour ses enseignements. »
Diamonda continua de vivre heureuse avec sa famille, même lorsqu’elle devint reine. Elle épousa un prince venu d’un royaume voisin et tous deux vécurent heureux jusqu’à la fin de leurs jours.
La fée Andrina était heureuse elle aussi et de temps en temps, elle observait de loin ce qu’il advenait de Diamonda. Comme sa grand-mère, qui n’était autre que la Fée Marraine, protectrice de l’illustre Cendrillon, ainsi que sa mère juste avant elle, Andrina avait mené à bien sa mission et elle n’était pas prête de prendre sa retraite.
Annotations
Versions