Chapitre 18 : L'ombre du 21e arrondissement
Conformément aux explications d’Alistar, les Chuchoteurs étaient absents du territoire des Parieurs. Cela s’expliquait par la rivalité de longue date entre Dorothée et l’Homme Trouble, dont les valeurs étaient diamétralement opposées. Cependant, même en usant de tous les moyens à sa disposition, la vieille dame ne pouvait refouler toutes les ombres de son adversaire. Si les mendiants ne pouvaient pénétrer ses terres, difficile d’identifier ceux ayant passé un pacte avec lui. Tous ceux ayant eu affaire avec les ténèbres du 21e arrondissement étaient autant d’oreilles indiscrètes, espion malgré eux.
— Mon envie de rencontrer ce type diminue à mesure que j’en apprends plus, soupira Varis.
— Je crains que notre contact prochain avec ses sbires ne vous refroidisse toujours plus, l’avertit Alistar.
— Pourquoi ça ? Ce ne sont que de pauvres gars en haillons ! s’étonna Marcus.
Le rire de l’aristocrate n’avait rien d’heureux, bien au contraire.
— Cher ami, les légendes les plus noires circulant au sujet de l’Homme Trouble naissent d’abord du comportement des Chuchoteurs. Vous aurez bientôt l’occasion de le comprendre…
L’aristocrate jeta un bref coup d’œil du côté d’Elias. Si les autres mercenaires lui avaient fait jusqu’à présent une bonne impression, le demi-vampire le mettait étrangement mal à l’aise. Si l’explication rationnelle était à chercher du côté de sa précédente attitude, il sentait bien que le trouble était plus profond que ça. Ce qui sommeillait par-delà le vertigineux abysse de ces deux pupilles sombre comme la nuit était une chose bien plus terrifiante que les rumeurs entourant le maître des secrets. Sans le comprendre, Alistar était certain que ces ténèbres étaient la seule chose authentique au sujet du demi-vampire, le reste n’étant que fioritures et balivernes.
Si.ʁjy. Méfie-toi du Μῶμος.
— Tss.
Alistar effleura brièvement son front en étouffant une grimace. Cette maudite voix, qui l’accompagnait depuis sa nouvelle vie, s’intensifiait depuis son arrivée sur Paris. Bien qu’il ne pouvait nier sa grande fiabilité, certains mots disparaissaient de son esprit dès l’instant où ils naissaient.
— Ouch ! C’est quoi ce cirque ?
Bousculé par une passante dans la quarantaine, Marcus se retrouva sur le sol, le visage contrarié. D’un bond, il se releva, attrapant la responsable qui s’éloignait sans demander son reste.
— La moindre des choses, c’est de vous excuser ! s’indigna-t-il.
— Héhéhé…
Piqué au vif, le moustachu contraignit la femme à lui faire face. Mais en découvrant son visage, son sang se figea dans ses veines. Sur les traits creusés par l’anxiété, la faim et la fatigue ruisselait un torrent de larmes interrompu. Pourtant, ce n’était pas la tristesse qui dominait dans ses yeux gonflés, mais bien la démence.
— HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA !
Abasourdi, Marcus desserra son étreinte, permettant à la femme de reprendre sa folle course, indifférente aux gens autour.
— Bordel, c’était quoi ça ? souffla-t-il.
— Ici, désigna sombrement Varis. Voilà le responsable.
La demi-elfe pointait du doigt une silhouette recroquevillée dans un coin de la rue, recouverte de la tête au pied d’un tissu noir vétuste. Le seul bout de chair émergeant de ces haillons était une main mendiant en silence.
— Je rejoins votre avis au sujet de l’Homme Trouble, annonça Marcus à l’attention de sa collègue. Hé, attendez !
Ignorant l’injonction du moustachu, Goran s’était immédiatement rapproché du mendiant.
— Est-ce bien vrai que vous pouvez répondre à toutes les questions ? demanda-t-il en sortant une pièce de sa bourse.
— Posez-la d’abord, répliqua le Chuchoteur, dont la seule figure impassible était maintenant perceptible.
Pendant que les autres se précipitaient à ses côtés, le Traqueur s’était déjà exécuté, déposant une pièce dans la main.
— Les ravisseurs d’enfants, connaissez-vous l’emplacement de leur base ?
Les doigts squelettiques effleurèrent la surface métallique de la pièce, avant de se retirer sous le tissu sombre. Les mercenaires comprenant mieux à présent la crainte et les rumeurs sinistres entourant le maître des secrets du 21e arrondissement. Au-delà de la maigreur et des traits dépourvus d’émotions, une aura indescriptible émanait de cette silhouette famélique. Le corps demeurait superbement immobile, rien n’attestait d’un cœur qui bat, d’une vie qui brille. Normalement, même en se concentrant, un humain ne pouvait réfréner d’infime mouvement, que ce soit par le langage corporel inconscient ou tout simplement la respiration ou le clignement des yeux. Mais cette chose en était complètement dépourvue, à l’image d’un pantin dont on aurait coupé les fils. Alors que s’intensifiait le malaise à mesure que s’écoulaient les secondes, le mendiant se redressa subitement, plongeant un regard inexpressif dans ceux des mercenaires.
— Goran Atski, Marcus Gerricault, Elias Antroplov, Varis Nairo et Alistar Godwinson.
Cette succession de noms les laissa sans voix. Indifférent à ces réactions, le Chuchoteur poursuivit.
— Nous répondrons à votre requête, si vous acceptez les trois conditions qu’impose le Maître.
— Alors, vous connaissez l’emplacement ?! s’excita Goran en secouant les maigres épaules avec vigueur.
— Rien n’échappe à notre regard, nulle parole ne peut se soustraire à nos oreilles, assura l’homme sans l’ombre d’un trouble.
— Minute papillon, intervint Varis. Vous avez parlé de trois conditions.
Le Chuchoteur pivota vers la demi-elfe sans esquisser le moindre geste superflu. En découvrant l’iris vide son interlocuteur, la demi-elfe fut prise d’un frisson.
— Exactement. La première est de rencontrer le Maître. Quant aux autres, il se chargera personnellement de vous les présenter.
Les craintes d’Alistar se confirmaient. Conscient des enjeux, et surtout de la situation des mercenaires, l’Homme Trouble pouvait imposer son jeu sans la moindre concession.
C’est le pire cas de figure. Mais avons-nous seulement le choix ?
En écho aux pensées de l’aristocrate, Goran avait déjà capitulé.
— Alors, mène-nous à lui, abdiqua-t-il.
— Je serai votre guide, suivez-moi, annonça une autre voix monotone.
Alistar et les autres découvrirent avec stupeur un second mendiant derrière eux, grandement similaire au premier. Seuls quelques traits du visage, ainsi que des centimètres supplémentaires, permettaient de difficilement les distinguer, tant leur attitude était identique. Sans attendre de réponse, celui-ci tourna les talons et commença à marcher, pendant que le premier reprenait sa position de nécessiteux, comme si rien ne s’était produit. Une ombre passa sous le nez de l’aristocrate : Goran s’était élancé, sans hésitation, à la poursuite du Chuchoteur.
— Allons-y, déclara sobrement Varis.
Celui qui les guidait se glissa dans la foule telle un spectre, forçant les mercenaires à s’employer pour ne pas le perdre. Empruntant des chemins de moins en moins fréquentés, la structure des rues évolua progressivement à mesure qu’ils s’enfonçaient sur les terres des Chuchoteurs. La ruine s’amenuisait à mesure que disparaissaient les dernières âmes errantes, jusqu’à offrir un spectacle inattendu pour le 21e arrondissement : celui d’une cité antique intacte, mais sinistrement déserte. Les bâtiments intacts reflétaient un passé glorieux, figé dans le temps, à l’ambiance lourde. Naturellement doué dans l’art des illusions, Alistar en était certain, tout était parfaitement réel. Mais l’air imprégné de cette sombre magie ne le trompait pas : ce n’était plus tout à fait leur monde. Instinctivement, il resserra son étreinte autour de sa canne.
Pas de doute, c’est un vestige de l’Âge des Dieux. Et le maître des lieux doit être l’image de ce plan : effroyable, atroce.
Arrivant à destination, le mendiant s’arrêta devant le portail d’une grande propriété. Seul le toit de la demeure était visible, les tuiles sombres et les arcs métalliques ouvragés lui donnaient un charme funeste. Le reste de la bâtisse était caché par une haute haie, dont les feuilles vertes tiraient sur un noir repoussant. Du coin de l’œil, Alistar observa Marcus retirer brusquement sa main après qu’elle eut effleuré la végétation.
Le guide, immobile devant le portail, fixait le vide devant lui, avant de faire volte-face et de s’éloigner à pas lents sous le regard interloqué des mercenaires. Goran s’apprêtait à le suivre, quand le grincement de la ferraille troubla la torpeur ambiante. Un autre mendiant, similaire aux précédents, invita les cinq comparses à entrer d’un simple geste. Immédiatement, Elias se mit en retrait.
— Après vous, chers amis !
Jusqu’ici absorbé par l’ambiance spéciale des lieux, l’aristocrate remarqua à nouveau le décalage entre le demi-vampire et les autres. Contrairement aux autres, il semblait peu affecté par l’atmosphère pesante, affichant un optimisme en décalage total avec la situation.
Il possède son propre Mystère, et il est suffisamment dense pour l’empêcher de se perdre dans celui du voile. Je ne connais pas grand monde dans l’Association capable d’un tel exploit, c’est d’autant plus surprenant venant d’un inconnu.
S’il ne possédait pas de système de défense aussi efficace, Goran avait pour lui sa détermination et son courage. La tête bien droite, il pénétra dans un jardin parfaitement entretenu, dont l’herbe et les fleurs arboraient une robe similaire à celle à la végétation de la haie. Le chemin en gravier serpentant entre les buissons et parterres de plantes s’arrêta au perron d’un immense manoir. Le mendiant secoua trois fois la cloche suspendue à côté de l’entrée, puis s’écarta pour les laisser passer.
Le vestibule s’ouvrait sur un long couloir plongé dans une inquiétante pénombre, constellé de multiples portes. Tout en avançant, des Chuchoteurs présents de part et d’autre du chemin désignaient sans un mot l’endroit où se trouvait le propriétaire des lieux. Si le silence irrespirable qui régnait érodait les convictions et prônait le doute, les cris et gémissements qui surgissaient parfois des pièces adjacentes instillaient la terreur dans les cœurs. Alistar se surprit à ressentir la chair de poule. Il était pourtant habitué aux situations dangereuses et effrayantes, mais cet endroit avait quelque chose de fondamentalement différent. Bien que ce soit impossible, il avait la sensation de humer l’odeur de la souffrance, de la ressentir par tous les pores de sa peau.
Calme-toi, Si.ʁjy. Ces émotions ne viennent pas de toi, elles appartiennent aux âmes damnées ayant pactisé avec l’Autre. Seule la colère est tienne.
Au plus profond de son âme germa la fleur aux pétales flamboyants, qui, en éclosant, consuma les ténèbres. Ouvrant des yeux pleins de lucidité, et remarquant le malaise chez ses compagnons, il toucha instinctivement leurs épaules. Désorientés par le retour à la réalité, ils ralentirent en essayant de vainement comprendre ce qui venait de se passer.
— Continuez de marcher, chuchota Alistar.
N’en fais pas trop, ou l’Autre saura qui nous sommes. Tu n’es pas en état de lui faire face.
Les mots et les questions qui en découlaient s’effacèrent aussi vite qu’il était apparu dans son esprit. Seule persistait l’idée.
Un large escalier les attendait au terme de couloir. Au sommet des marches, une simple porte en bois. Pourtant, malgré son apparence banale, tout le monde en était certain. La source de tous les maux se trouvait derrière. Mais il était trop tard pour rebrousser chemin. Lentement, sans que personne ne l’ait effleurée, la porte répondit aux ambitions des mercenaires. Lorsque tout le monde l’eut franchie, un sinistre grincement annonça sa fermeture, enfermant le groupe dans une salle plongée dans une semi-pénombre. L’unique source de lumière provenait d’une fenêtre cachée derrière un épais rideau. Le mobilier se réduisait à un bureau, installé juste en face. Autant de sobriété permettait à l’hôte des lieux de capturer immédiatement l’attention de ses visiteurs.
Se tenant bien droite au centre, la silhouette de l’Homme Trouble était, à l’image de ses subordonnés, entièrement dissimulée derrière une longue robe sombre. Les comparaisons s’arrêtaient cependant là. De denses volutes de fumée sombre s’échappaient de la capuche, cachant les traits de son visage. Pas un doigt ou un cheveu n’était visible, accréditant les rumeurs d’inhumanité qui entourait le maître des secrets. Déglutissant, l’aristocrate s’apprêtait à prendre la parole, lorsqu’un son grave, profond surgit des ténèbres.
— Bonjour, Alistar Godwinson.
La voix avait beau être masculine, elle était dénuée de toute chaleur, de toute vie. Les mains de l’aristocrate se crispèrent sur sa canne, alors qu’il luttait pour ne pas s’effondrer. Un coup d’œil du côté des autres suffit pour lui faire comprendre que personne n’en menait large. Mais, dans son cas, il n’était pas seul. La lumière réconfortante des pétales rayonna plus fort, lui permettant de prendre une longue inspiration.
— Je suppose qu’il est inutile de vous exposer la raison de notre venue.
— En effet, je suis déjà au courant.
Il se tue, plongeant la salle dans un silence funèbre.
— Et donc ? Quelles sont les deux autres conditions en échange de l’information que nous souhaitons ? demanda Alistar.
— Premièrement, vous aurez l’interdiction de parler de cet entretien, ainsi que de communiquer l’emplacement de la base à Dorothée. Elle ne doit pas être au courant que vous m’avez rencontré.
Cette condition, loin d’être restrictive, ne perturba pas Alistar. Ce n’était pas vraiment un paiement, mais plutôt une sorte de garantie. L’Homme Trouble s’assurait de l’isolement des mercenaires dans le 21e arrondissement, sans possibilité de recevoir une aide.
Il y a de fortes chances que la dernière soit en lien avec les Parieurs, analysa l’aristocrate.
— Très bien, acquiesça-t-il. Qu’en est-il de l’autre ? J’imagine que c’est la plus contraignante.
— Cela dépend du point de vue. Vous devez retrouver et m’amener quelqu’un. Rassurez-vous, vous pouvez accomplir ce pour quoi vous êtes descendu avant de recevoir l’identité de cette personne.
— Alors, nous n’avons aucun compte à vous rendre pour le moment ?
— C’est ainsi que fonctionnent mes services. Le client d’abord, le règlement ensuite. Cela vous convient-il ?
Il n’y avait pas lieu à se concerter. La résolution de tous avait été prise avant même leur rencontre avec les Chuchoteurs.
— Nous n’avons aucune objection, acquiesça Alistar.
— En ce cas, veuillez signer ce document.
Il se mit sur le côté, révélant la surface du bureau sur lequel était posé un papier. Aucune explication supplémentaire n’était nécessaire sur la nature de celui-ci.
Un Contrat Noir.
— Sommes-nous réellement obligés d’en passer par là ? essaya l’aristocrate.
— C’est ainsi que nous fonctionnons. Libre à vous de décliner.
Alistar se retourna vers ses camarades pour les consulter du regard. Alors que les autres hésitaient, Goran dépassa l’aristocrate pour signer le document d’un geste leste. Alors qu’il reprenait place en arrière, Alistar songea que la résolution du Traqueur témoignait d’un grand courage, mais aussi d’un esprit peut-être trop suicidaire.
— Kurwa ! pesta Varis.
Jetant un regard noir à son collègue, la demi-elfe suivit néanmoins son exemple. Vinrent ensuite les tours de Marcus et Elias, la lassitude du premier contrastant avec l’amusement du second. Ne restant plus que lui, Alistar se retrouva alors être le centre des attentions, notamment celle, étouffante, de l’Homme Trouble.
— Il me faut les signatures de tout le monde, insista calmement la sinistre silhouette.
Poussant un long soupir, l’aristocrate abdiqua et coucha son nom sur le papier. Il ressentit un léger picotement au niveau de la main alors qu’apparaissait un sceau ésotérique sur la peau.
— L’affaire est donc conclue. Posez-moi votre question.
Goran s’avança spontanément, ayant attendu ce moment avec une grande impatience.
— Où se trouve la base des ravisseurs d’enfants ? demanda-t-il.
Tel un spectre, l’Homme Trouble se dirigea vers le bureau d’une démarche flottante. Il ouvrit un tiroir et en sortit une carte qu’il tendit au Traqueur.
— La position exacte y est inscrite. Peu d’endroits échappent à l’influence des quatre gangs, mais celui-ci en fait partie. Prenez garde, la base est lourdement gardée par des mercenaires expérimentés.
Les autres se rapprochèrent pour prendre connaissance de l’emplacement, situé à l’extrême ouest du 21e arrondissement. Légèrement en retrait, le moustachu paraissait réfléchir quand il prit soudainement la parole.
— Par hasard, si j’étais prêt à me lier à un nouveau Contrat, seriez-vous en mesure de m’offrir l’identité de Zn Succin ?
L’initiative surprit ses collègues, tant l’idée était à la fois simple et logique. Alistar devait lui reconnaître une certaine audace. Malgré le risque, c’était une tentative qui valait le coup.
— Je connais la réponse à cette question, mais je ne puis la donner.
— Oh… Puis-je savoir pourquoi ?
L’énigmatique figure sombre laissa filer quelques secondes avant de répondre.
— Deux raisons à cela : premièrement, vous avez déjà signé un contrat pour m’apporter la seule chose que je souhaite. C’est pourquoi je ne désire rien de ce que vous pourrez m’offrir de plus. Deuxièmement, quelqu’un le protège, une personne que je n’ai nulle envie de contrarier.
— Vous venez pourtant de révéler quelque chose d’important à son sujet, nota Alistar.
— Le jeu en vaut la chandelle. D’ailleurs, ce n’est pas une donnée si répréhensible, pas suffisante en tout cas pour déclencher une guerre ouverte entre lui et moi. L’allié de Zn Succin à tout autant à perdre que moi dans une confrontation, si ce n’est plus, je doute donc qu’il amorce les hostilités uniquement pour ça.
Comprenant qu’ils n’en tiraient rien de plus, Alistar et Marcus n’insistèrent pas plus.
— En gage de bonne foi, laissez-moi ajouter quelque chose sans contrepartie, reprit l’Homme Trouble. Zn Succin et son gardien sont tous deux liés à la tragédie du 9e arrondissement.
La mention du 9e arrondissement éveilla une vive lueur dans le regard du moustachu, qui n’échappa pas à l’aristocrate. Pendant qu’il le dévisageait, les sourcils froncés, Varis récupéra la carte avant de s’adresser tant au maître des secrets qu’à ses camarades.
— Nous prenons congé.
— Au plaisir de refaire affaire avec vous.
La demi-elfe crut percevoir de l’ironie dans ces mots, mais son étonnement fut balayé par le grincement de la porte derrière eux. Pressée de quitter ce manoir empestant le malheur, elle tourna les talons, suivit à la trace par les autres. Dans le couloir, les Chuchoteurs s’étaient alignés pour former une haie d’honneur jusqu’à la sortie. Ce grossier spectacle les poussa à accélérer, les démarches ne ralentissant pas même une fois dehors. Ce n’est qu’une fois loin, après avoir retrouvé l’agitation des rues bondées, que s’atténua le rythme de leur course. Pendant qu’ils reprenaient leur souffle, Varis agrippa subitement Goran au col, pour le plaquer contre un mur.
— Nom d’un chien ! Pourquoi avez-vous signé ce papier sans nous consulter ? cracha-t-elle.
L’intéressé se contenta de fixer dans les yeux sa collègue, les bras ballants.
— Je l’ai déjà dit, qu’importe le prix à payer, je trouverai les disparus, expliqua-t-il calmement.
À bout de nerf, la colère de la demi-elfe explosa. Elle projeta son poing vers le visage de Goran, mais à l’instant fatidique, modifia sa trajectoire pour qu’il percute le mur juste à côté.
— PUTAIN !
Alors que Marcus intervenait pour les séparer, Alistar soupira longuement avant de prendre la parole. Ce n’était clairement pas le moment pour qu’éclate la cohésion du groupe.
— Ce qui est fait ne peut être défait, argua Alistar, inflexible. Focalisons-nous plutôt sur les affrontements à venir ; après tout, nous ne pourrons pas compter sur le soutien de Dorothée.
— Absolument ! ajouta Elias. D’ailleurs, que diriez-vous de faire preuve de solidarité dès maintenant ?
L’éclat d’une lame brillait sous la gorge du demi-vampire, qui avait levé ses mains bien en évidence.
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