Douce folie trompeuse

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« Tu m’entends ? » « Tu es fou… » « Tu es dangereux… » « Tu m’entends ? » Et cela continu… Toutes les nuits une voix me murmure ces tristes vérités qui rythment ma vie depuis bientôt un an. Au début, je me sentais simplement un peu désorienté, j’avais quelque trou de mémoires, j’avais des gestes que je ne contrôlais pas. Rien de transcendant en soit, un simple mal qui passerait vite, je me disais. Mais un jour j’ai retrouvé Julia, ma femme, allongée au bas des escaliers. Elle n’était pas tombée, je l’avais poussé. Et je ne m’en souvenais pas.

Trois jours après, je me faisais interner de mon plein gré dans un hôpital psychiatrique, situé à  Bordeaux. Ma femme m’accompagnait et m’aida pour toute la partie administrative. Son aide fut précieuse et je ne l’en remerciais que plus après ce qu’il c’était passé. Une fois les papiers remplis, les affaires personnelles mises de côté et les adieux faits à ma femme, on me présenta au Docteur Swindle, mon médecin attitré. Un homme grand, aux yeux aussi foncé que sa chevelure et avec une classe et un maintien digne des plus grands lords britanniques.

C’est à peine une semaine après mon arrivée que la voix vint me quêter. Et elle ne me laissa plus une nuit de paix… Compagne de mes rêves, elle me répétait sans cesse les mêmes paroles, avec parfois quelques variantes. Mais toujours honnête, elle me répétait inéluctablement ma folie, grandissante au fil des jours. Le Docteur Swindle était compréhensif, je notais le matin ce dont je me souvenais et en parlais avec lui l’après-midi. Jamais il ne me jugea, jamais il ne rit, jamais il ne sembla las de mes histoires. Et quand je lui demandais s’il pensait que j’étais vraiment fou, il répondait toujours : « Tant que vous en douterez, il restera un espoir. »

Aujourd’hui, cela fait un an pile que je suis dans ma prison de glace. Une année de médicaments quotidiens, de séances de groupe à parler de la vie, de la famille, du bonheur et de la maladie qui nous barrait la route à tout ça. Une année de visites nocturnes, auxquelles il était impossible d’échapper. Changer de chambre ? Elles me suivaient. Dormir le jour et vivre la nuit ? Elles s’adaptaient. M’empêcher de dormir ? Elles guettaient la moindre faiblesse. Même le Docteur et tous ses diplômes scientifiques, n’y pouvait rien.

Le pire dans tout ça, je crois, c’est que je m’y habitue… J’ai même l’impression qu’elles font partis de ma vie à part entière. Pourquoi ne pas rentrer dans ce cas ? Je ne représente aucun risque, je suis juste malade. Quand l’après-midi arrive, j’en parle donc au Docteur Swindle. Il me regarde à la fois surpris et pensif, puis après quelques secondes de réflexion, il rétorque :

- Vous vous sentez prêt alors ?

- À reprendre ma vie vous voulez dire ?

- Oui… Ou faire face si un problème survient à nouveau. Si votre femme retombe accidentellement, par exemple… Continue-t-il en mimant des guillemets avec ses mains.

- Je… Pourquoi y aurait-il un problème ? Il n’y a pas eu de soucis depuis que je suis ici.

- Non, en effet, dit-il en se mettant debout et marchant pensivement le long de la pièce. Simplement, comme vous le savez, le risque zéro n’existe pas.

- Vous dites vrai. Le plus important pour moi est la sécurité de ma femme.

- Bien… Je voudrais vous proposer une expérience, m’indique-t-il en se rasseyant face à moi. Vous rentrez chez vous pour quatre jours. Vous n’abandonnez pas votre carnet et on fait un point ensemble à la fin du temps impartis.

- Ho merci docteur ! Je suis vraiment sensible à la confiance que vous m’accordez.

- Mon but est que vous alliez mieux, rien d’autre.

Après cette conversation, je rejoins ma chambre pour faire mes valises. À mi-chemin, je m’arrête à l’office des infirmières pour appeler Julia et l’informer de l’excellente nouvelle. Elle paraît d’abord surprise et je la comprends, mais après s’être assurée que le docteur Swindle était d’accord, elle se montre pleinement enthousiaste. À nouveau exalté par sa ferveur, les cinq heures restantes de la journée se transforment en cinq minutes. Ah relativité je te bénie !

C’est à 19 heure pétante que Julia se gare dans l’allée de l’hôpital. Elle sort de la voiture à vive allure et vient me serrer dans ses bras de toutes ses forces. Les trois médecins derrière moi rient sous cape devant le spectacle, mais je n’en n’ai cure : j’ai retrouvé ma femme. Les visites étant très limitées, cette année sans elle fut horriblement longue. Mais elle m’a attendue, aimant et patient ange de ma vie.

La voix du docteur Swindle dans mon dos entraîne un sursaut de notre part, du quel nous rions délicatement. Il se rapproche de nous et nous dit :

- Bien, tous les papiers sont signés, vous pouvez y aller.

- Merci encore docteur d’avoir aidé mon mari, vous avez sauvé notre couple, le gratifie ma douce femme.

- Je vous en prie madame. Aller, vous devez avoir hâte de vous retrouver !

- C’est bien vrai. Au revoir docteur, à vendredi ! Lui crié-je en m’approchant de la voiture.

Un peu plus d’une heure plus tard, nous sommes enfin de retour chez nous. Tout m’a manqué, ma femme, ma maison, notre chien. Julia tenant évidemment la place principale dans mon cœur. Mais j’avoue que retrouver mon canapé douillet n’est pas pour me déplaire. La soirée se passe de la manière la plus romantique qu’il soit : dîner aux chandelles, avec un bon vin et un plat préparé avec amour, musique d’ambiance et la robe décolletée de Julia en bonus. Puis elle se fini dans notre chambre à coucher, où nous nous retrouver enfin vraiment et pleinement.

Mais alors que le sommeil peine à me gagner, dans le silence de la chambre, je discerne un son bien trop familier. « Tu n’es qu’un meurtrier… » « Un sauvage. » « Un bon à rien. » Et encore la même rengaine… Toujours la même. Encore une fois les paroles changent mais la voix reste, quoique quelque peu différente…

Le plus étonnant est que je suis sûre de ne pas dormir. D’habitude, les voix arrivent pendant mon sommeil et je ne les entends qu’à travers un songe. Là elles sont plus présentes, plus claires. L’impatience me gagne et je me retourne vers Julia pour m’appaiser en la regardant dormir. Ce que je n’avais pas prévu c’était de la voir complètement éveillée, en train de me regarder. Il semblerait que je viens de trouver l’origine de mes voix. Mais alors que, dans une incompréhension totale, je m’apprête à lui demander une explication, je sens une douleur froide et vive dans mon ventre.

La douleur grandie, elle se propage dans tout mon corps.

Je m’arrive plus à bouger, ni à parler. Je ne peux que baisser les yeux et apercevoir un couteau planté dans mon abdomen, avant de sombrer à jamais.

 

 

« Allo Bill, c’est moi.

Oui, un gros problème même…

Non.

Si.

Je n’avais pas le choix !

Ho tu n’as rien à me reprocher, c’est toi qui a commencé avec tes conneries de voix la nuit.

Je me fous de tes expériences ! Merde, le but était de le rendre dingue et que je touche l’assurance après un accident !

Non je ne me calmerais pas ! Je vais finir en taule bordel…

D’accord.

D’accord.

Evidement que je t’attends, je ne vais pas faire un footing !

Dépêche-toi, je t’en prie. »

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