26 - Le téléphone de Nicole

6 minutes de lecture

CHAPITRE 26 – LE TELEPHONE DE NICOLE –

Résumé des chapitres précédents – 1 à 25 :

Soupçonnant son ex mari Paul de l’avoir agressée, Diana Artz se remémore le comportement étrange de celui-ci. C’est alors qu’elle reçoit la visite d’une gendarme qui enquête sur la mort de Nicole Dunham. L’accompagnant, elle apprend que Nicole était jalouse de Grace Rockwell, laquelle courait après son fiancé et se fournissait en cannabis auprès de Blur. Grace assume son incartade avec Andreas, le petit ami de Nicole. Elle n’est pas au courant d’une vidéo dévoilant son homosexualité qu’aurait possédée l’étudiante assassinée. Dans la foulée, la doyenne de la fac dit s’être disputée avec Grace pendant la fête. Le gardien confirme avoir vu le scooter de Grace quitter la propriété et la doyenne la suivre dans la nuit. A propos de nuit, Paul rend visite un soir à Diana, et celle-ci, qui ne sait plus où elle en est, se réconcilie charnellement avec lui. Olivia et Diana vont à la grotte où a été retrouvée Nicole Dunham. Le corps était disposé en fœtus dans une crevasse tapissée de pétales. Un professeur d’anthropologie leur apprend que ce genre de rite était pratiqué par les sociétés primitives de la fin de la préhistoire.


26


Mon portable vibra au coin de la table. C’était Olivia. Elle me ramenait à la réalité de l’enquête. Il était bien tôt. Mes fantasmes ne la regardaient pas. Elle devina mon humeur grincheuse.

– Vous m’avez dit l’autre fois que vous étiez matinale, Diana…

– Mais pas de souci, Olivia. J’aime avoir de vos nouvelles. La nuit a été un peu agitée.

– Des nouvelles de l’enquête aussi, j’espère, dit mon amie. Hier, j’ai bien travaillé. Grâce à vous…

– A moi ?

– L’auto qui était sur le chemin, vous vous souvenez ? Le type qu’on a surpris toutes les deux en train de rôder près de la grotte. Vous aviez mémorisé les numéros de plaque. C’est pour ça que je vous appelle. Vous savez donc qui est le propriétaire ?

– Mais non ! m’exclamai-je, et je meurs d’envie de le savoir.

– Andreas Öpfe ! annonça fièrement Olivia.

– Andreas ?

La nouvelle m’impressionnait.

– Oui, lui-même. L’étudiant qui ne ferait pas de mal à une mouche, railla la gendarme. Bon, il s’était absenté, mais hier soir j’ai pu le rencontrer et lui parler. Vous vous doutez que je lui ai redemandé dans le détail tout son emploi du temps. Rien de nouveau en fait. Alors j’ai voulu le coincer en lui parlant de sa présence à la grotte. Il est devenu rouge et il a balbutié qu’il s’intéressait beaucoup à la paléoanthropologie, et surtout qu’il n’arrivait pas à oublier le calvaire de Nicole. Il s’en veut toujours à mort. En fait, acheva Olivia sur un ton qui avait baissé d’intensité, j’avoue que de ce côté c’est un peu décevant…

– C’est vrai que tout cela, il nous l’avait dit le premier jour.

– Possible, estima la gendarme. Il a eu le culot de me dire que c’était moi qui avais fait allusion à la sépulture étrange de Nicole à plusieurs reprises devant lui, quand on s’est vu à Aix, et que c’est pour cette raison qu’il est retourné sur le site. Le bandeau d’interdiction du périmètre ne l’a pas arrêté. A côté de ça, enchaîna Olivia qui faisait mine de repousser un certain agacement, je vous appelle aussi pour autre chose…

En réalité, elle désirait ménager son effet de surprise. Son ton devint soudain joyeux.

– Quelque chose de phénoménal pour nous, poursuivit-elle mystérieusement. Et cette fois, Andreas a bien collaboré.

– Alors, vous dites, Olivia ? exclamai-je pleine d’impatience.

Mais quelle comédienne, quelle taquine.

– C’est à propos du téléphone de Nicole, celui qu’elle cherchait durant la soirée chez la doyenne…

– Hé bien ?

– Nicole le cherchait partout, personne ne l’avait retrouvé jusqu’à maintenant. Vous savez où il était ?

Je poussai cette fois un cri.

– Donc, vous l’avez ?

– Affirmatif, répondit Olivia sur un ton de triomphe. Il m’a suffi de le demander à Andreas ! Enfin, il faut dire que je lui ai mis la pression, avec cette histoire de grotte où il n’avait rien à faire, et puis je présume que son secret était trop lourd à porter.

– C’est lui qui l’avait ?

J’étais médusée.

– Oui, tout simplement. L’après-midi, juste avant la fête, Nicole lui a montré les images de Grace avec une autre femme, vous vous souvenez ? Cela semblait tellement déplaire à Nicole qu’Andreas a eu peur qu’elle attende la fête le soir pour sortir sa vidéo devant d’autres personnes et faire un scandale. Du genre, si Grace et lui s’abordaient, - Nicole apparemment avait des soupçons, et lui en vrai tacticien anticipait la sauterie - elle ferait un scandale avec la vidéo. Alors il s’en est souvenu, et dès le début de la fête, il est allé dans son sac pour lui subtiliser ton téléphone. Elle l’a cherché toute la soirée, la pauvre. Du reste, c’est peut-être pour ça que Nicole dans la nuit a soupçonné Andreas ou Grace de le lui avoir chipé à cause du film, et c’est en les cherchant qu’elle les a surpris au milieu de leurs ébats. Andreas n’a pas été fin pour le coup. Il l’a avoué, Nicole n’était pas non plus un monstre de colle. Il a été l’arroseur arrosé : il voulait bétonner en bon stratège et éviter le risque d’un scandale, et protéger celle qui le tentait, la divine Grace, l’inaccessible Grace qu’il m’a dit – et il s’en est pris un autre de scandale en pleine figure en se faisant prendre dans l’action avec elle. Bien fait pour lui, c’est un cynique. Enfin, il était deux heures du matin. Peut-être que personne n’a su qu’il s’envoyait en l’air. Mais il y a par conséquent un ennui.

– Lequel ? fis-je en étant suspendue aux dires d’Olivia.

– Nicole a été assassinée sans son téléphone. Elle ne l’avait pas quand elle a quitté la fête. Ce n’est donc pas grâce à lui que nous saurons exactement quand et où a pu avoir lieu son assassinat. Est-ce du côté de la grotte, ou plus loin, près de chez la doyenne ? Dans la nuit, ou le lendemain ?

Mon amie avait raison. Quel punch démontrait-elle dès le matin, songeais-je.

– Mais… enchaîna-t-elle.

– Quoi encore ? demandai-je le plus vivement du monde.

– Ayant le téléphone de Nicole, j’ai mis la main sur ses messages. Je peux vous dire qu’ils sont houleux avec Andreas. Et il y a aussi la fameuse vidéo de Grace avec une autre demoiselle…

– Qui, Olivia ? Oh, allez, dites ! l’implorai-je.

– On ne voit pas, répondit-elle. C’est flouté et assez sombre. On distingue juste les corps et le visage de Grace. Les deux femmes sont nues, et l’inconnue a mis un porte-jarretelle. J’aimerais bien savoir si la doyenne Duguet porte ce genre de chose. Il faudrait que je me renseigne, je ne sais pas encore comment... Bon moi, je vous avoue, je n’en ai mis que deux fois, une pour essayer et une pour mon mariage. Et pour le mariage, c’était juste une jarretière. Et vous ?

Olivia éclata de rire à ce moment-là. La jovialité de la jeune femme me donnait des frissons. Elle n’avait peur de rien dans les échanges du quotidien. Heureux les gens naturels et sans reproche ! Mais s’il y avait bien une chose avec laquelle je n’avais pas envie de plaisanter ce matin-là, c’était bien avec les sous-vêtements féminins et autres fadaises. Non, je n’en avais jamais portées. J’imaginais les cuisses potelées d’Olivia, les élastiques tout blancs, la dentelle saphique. Je désirais remettre les compteurs à zéro, quitte à me mentir à moi-même. La vision de Paul me revint encore, ce Paul qui incarnait à mes yeux cette force vitale dont j’avais besoin en ce moment, dont j’avais faim.

– Je vais faire un saut chez Grace Rockwell tout à l’heure, reprit mon amie. Vous en êtes ? Je suis en forme maintenant. Et bébé n’a pas à se plaindre, vu ce que je mange. D’ailleurs, après l’accouchement, ça va être dur de ce côté-là. Bon, j’ai promis une seule investigation par jour à mon mari, en sortant du bureau. Le médecin m’a encore réduit mes heures de primigeste inconsciente. Ça marche pour vous ?

Quelle question. A condition que je conduise, lui intimai-je. Je désirais prendre soin de sa maternité en devenir.

Annotations

Vous aimez lire Delia ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0