Si j'ai longtemps hésité avant de prendre possession de l'Intrusible, je m'y installe aujourd'hui avec une sage fierté et une saine ambition.
 L'Intrusible, c'est mon bureau, mon vaisseau, mon repère entre mes portails invisibles ; il se tient dans les éthers romanciers, parmi des geysers de rêve en suspensions. Il est tel que je le conçois, infiniment transformable, joyeux comme un diorama d'enfant, richement et modestement bricolé dans un orgueil créatif sans vice. Il m'apparaît, dans l'émergence d'aujourd'hui, ocre et feutré comme une image de bonheur et de cheminées, beau comme le confort en hiver.
 Je m'y déplace gaiement, le pas héroïque et flegmatique. D'ici, j'entends les rumeurs de toutes les auberges de la création, de tous les motels, de toutes les vérandas en confession, comme si j'étais le dieu qu'en honoraient, sans le savoir, les mots partagés. Je peux suivre par l'essence ces millions d'histoires, me promener à travers des lignes de héros aléatoires émergeant des mondes connus, ou découvrir d'éternels protagonistes les destinées hors-pistes. Je peux pénétrer ces lieux, être l'intrus en tirant les ficelles ou se perdant allègrement dans les maillages, comme je peux redessiner ceux-ci.
 Mon vaisseau-bureau me pose partout où mon coeur trouve des échos, et d'échos je suis comblé jusqu'à l'infini, l'intraduit, l'insaisissable, d'échos je suis débordant comme une première espérance sans forme, restée pure et immortelle, conjuguant sa grandeur dans les plaisirs simples.

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 L'Intrusible est si riche en possibilités qu'il m'est parfois préférable de les admirer, l'imagination fatiguée dans le lit du sommeil venant, plutôt que de les explorer de manière active. Ce recul, cette position en retrait des histoires, me ravit profondément, en cela que s'y dessine l'histoire de l'intrus. Cet olibrius, mince et discret mais gonflé de fantasmes nomades, jouit d'une position sidérale au sein des mondes, il est le maître de tous les possibles et pourtant, le front large trop heureux d'offrir, les pommettes planes fières de leur je-ne-sais-quoi d'enfance ineffacée, il se contente souvent de jouir de l'idée des rencontres éventuelles en jazzant, esprit en trompette comblée de souffle, sur la Bossa Nova qui sort de son téléphone portable.
 L'Intrusible est un lit sous les draps duquel la lumière joue à la kaléidoscopie des jours en fêtes et des imaginations promises. J'y suis serein comme un doudou saisi dans la conjonction d'un sourire aux anges et d'une veilleuse. Peu importe si je m'y installe parfois sans considération pour les voyages qu'il me propose ; ici, la passivité est appréciée comme le ronronnement d'un chat.