Lettre tirée : D
Prénoms : Daniel et Diego
Végétal : Dattier
Localité : Dublin
Artiste : Demis Roussos
Verbes : dissoudre et détruire
Chose honteuse : destruction
Et quelques autres surprises...
Danny apprit le décès de Diego par un dégueulasse dimanche de décembre. Il était occupé à dissoudre une vieille entreprise familiale concurrente pour l'intégrer à l'empire de son père lorsqu'il reçut un appel venu de très loin. A l'autre bout de la ligne, Deirdre. Un prénom venu des tréfonds d'une mémoire presque effacée. Il écouta son ton froid, distant lui expliquer les détails de la disparition.
Là-bas, dans les profondeurs du désert de Djibouti, Diego, lui l'intrépide explorateur, toujours animé par son esprit rebelle, sa soif de défis, avait déclenché une rixe auprès d'une tribu nomade. Des djihadistes. " Quel demeuré ! " se dit Dan, abasourdi et déçu par le comportement puéril de son vieil ami. Lui qui clamait qu'il mourrait du dard d'un scorpion, c'est décapité qu'il avait fini.
Quand Deirdre raccrocha, Dan se demanda depuis combien il n'avait pas eu de nouvelles de Diego. Au moins une décennie. Puis le deuil et la nostalgie l'assaillirent, ramenant à la surface de drôles de souvenirs.
Comme la fois où ils avaient détruit la voiture de son ex à grands coups de batte de base-ball. Diego avait poussé le bouchon jusqu'à déféquer sur les sièges en cuir. Du daim si Danny se souvenait bien. Ensuite, il avait dessiné un double D entrelacé sur le capot, la copie du symbole de Daredevil pour Danny et Diego.
Les obsèques avaient eu lieu quelques semaines plus tôt et malgré l'avertissement de Deirdre de ne pas venir en raison de leur brouille, Danny décida de quitter Dublin la pluvieuse pour Djibouti la brûlante. Il ne pouvait se résoudre à renoncer à un dernier hommage même si les deux hommes ne parlaient plus ensemble depuis une éternité. Il se sentait dans l'obligation d'un ultime recueillement, un adieu à la fois formel et intimiste.
Danny rejoignit les rives de la Mer Rouge, la chaleur sèche l'écrasait, dévorante et terrible. Diego reposait dans la terre ocre, à l'ombre d'un gros arbre qui ressemblait à un cocotier en plus râblé. Danny ne pleura pas, vidé. Il n'avait pas trouvé le sommeil pendant le vol et il avait écouté en boucle du Demis Roussos.
Une pensée le heurta : " A l'ombre d'un dattier, je te retrouve pour un jour qui fera date dans ma vie. Adios, amigo. "