Chapitre 4 – Celle qui murmure la nuit

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La nuit était tombée sur l’immeuble comme une couverture humide.
La pluie avait cessé, mais le ciel restait bas, tendu comme une toile grise.
Anna n’arrivait pas à dormir.

Elle s’était retournée au moins dix fois sous sa couette, les draps emmêlés autour de ses jambes comme des lianes. Le bruit de l’horloge dans le couloir résonnait trop fort. Et la boîte l’appelait.

Elle la sortit doucement, sans allumer la lumière.
Ses doigts connaissaient déjà la texture, la fragilité du ruban.
Elle l’ouvrit.

Une odeur de vieux papier, légèrement sucrée, monta. Un parfum de grenier, de souvenirs entassés.
Elle tira encore une lettre.

Le papier était plus épais, presque cartonné. L’écriture penchée, familière maintenant, semblait danser dans l’ombre de sa chambre.

“Je t’ai frôlée ce soir, dans le miroir de la salle de bain.
Tu n’as pas eu peur.
Merci pour ça.”

Anna relut la phrase, lentement.

Elle se rappela.
Oui.
Ce soir même, avant d'aller se coucher, elle s’était arrêtée devant le miroir, comme hypnotisée.
Un bref instant, elle avait eu l’impression… que son reflet avait cligné des yeux un peu après elle.

Elle avait mis ça sur le compte du manque de sommeil.

“Tu as toujours été courageuse, même toute petite.
Tu ne t’en rappelles plus, bien sûr.
On t’a appris à ne pas poser de questions.
Mais tu le fais quand même.
C’est pour ça que tu me retrouveras. Suzanne”

La lettre tremblait un peu dans sa main.

Elle sentit une boule se former dans sa gorge. Pas de peur.
Une tristesse sourde, celle qu’on ne comprend pas mais qui vous serre sans relâche.
Comme si elle avait perdu quelqu’un sans jamais l’avoir connu.

Elle plia la lettre et la reposa doucement.
Puis elle se leva, marcha à pas nus jusqu’à la salle de bain.

Elle alluma.

Le miroir lui renvoya son reflet.
Ses cheveux emmêlés, son visage pâle, ses cernes sous les yeux.

Elle pencha la tête.

Dans la glace, elle jura que, pendant une fraction de seconde…
le reflet ne bougea pas.

Elle recula. Le cœur cognant.

Elle resta là, à se fixer dans les yeux, longtemps.
Puis, sans vraiment savoir pourquoi, elle murmura :

— Tu es là ?

La salle de bain était vide. Le miroir aussi.

Mais quelque part, en elle, quelque chose répondit.

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