Chapitre 1 Le signe

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An 52 avant Jésus Christ. Quelque part dans les Cévennes…

S’enfonçant dans la fraîcheur du soir, des unités de cavalerie ouvrent la voie à une longue colonne humaine à travers le dédale rocheux encore enneigé. Ils sont fatigués, mais ils marchent, inlassablement, au rythme des tambours et des ordres de leurs supérieurs qui leur donnent la cadence. Il n’y a pas si longtemps encore, ils quittaient leur caserne en grandes pompes, pris par l’excitation de la perspective du combat. Ils allaient enfin à la rencontre de leur plus redoutable adversaire : la Gaule.

Le sol vibre sous les pas d’un troupeau humain, bardé de fer et de bronze. Ils ont des engelures aux pieds et leurs yeux sont sur le point de geler, mais l’endurance humaine, poussée à ses limites, peut vaincre les montagnes.

Un homme monté à cheval observe la scène, impassible. Il s’agit du glorieux général, qui six ans plus tôt, avait vaincu les helvètes et les germains : Jules César. Face à une occupation romaine de plus en plus pressante, les tribus gauloises avaient finie par former une coalition contre Rome, chose qui ne s’était encore jamais vue dans toute l’histoire de la Gaule. Pas même du temps où Brennos assiégeait Rome, quatre siècles plus tôt. Mais ce temps-là est révolu. César le sait, l’homme qui ose le défier aujourd’hui, n’est pas Brennos, mais Vercingétorix, un chef bien plus redoutable.

Le général en est conscient, il ne doit pas s’arrêter. Tant qu’il n’a pas rejoint le gros de son armée, stationné à l’ouest, en territoire Lingon, il est vulnérable à la moindre attaque. Pour le moment, il n’a que deux légions sous son commandement, avec lesquelles il est contraint de parcourir des centaines de kilomètres en plein territoire ennemi.

César est alors rejoint par son jeune lieutenant, faisant face aux prétoriens qui le maintiennent à distance. César l’interpelle :

« Marc Antoine ! Que se passe-t-il ?

L’homme salua le général, comme l’exige le protocole militaire romain avant de présenter son rapport.

-Mon général ! Une tempête se lève, les hommes ne veulent plus avancer !

-C’est inacceptable ! S’arrêter ici signerait notre arrêt de mort !

-Monsieur, ils disent que c’est un signe des dieux.

-Et nous allons les rejoindre si nous restons ici. Signe des dieux ou non, nous devons continuer ! »

Mais à peine a-t-il terminé sa phrase qu’une mystérieuse flèche de lumière le survole, effarouchant son cheval qui hennit de terreur. Les prétoriens, se rassemblant autour de leur commandant, calment l’animal et observent à leur tour le ciel. Ce qu’ils y voient les dépasse, Même César et son lieutenant en reste sans voix.

D’une cime à l’autre, tout en haut des montagnes, d’étranges lueurs ardentes traversent la voute céleste à une vitesse phénoménale. De puissantes lumières bleutées évoluant dans le ciel outremer de la nuit tombante.

Les romains en comptent six au total, elles semblent émettre un léger vrombissement dans l’atmosphère tout en changeant de direction. Elles volent en formation tout en se rapprochant de plus en plus de la colonne qu’elles survolent doucement, causant la panique dans les rangs. Leur lumière est si puissante que la nuit en parait aussi lumineuse et claire que le jour.

« Qu’est-ce que les dieux essaient de nous dire ? Cria Marc-Antoine.

-Je l’ignore ! Répondit le général. Ils veulent peut-être nous mettre en garde.

-Ils ont le pouvoir de faire bouger les étoiles ! Il vaudrait mieux ne pas insister.

-Je regrette, mais je ne peux pas rentrer à Rome et laisser la victoire à Pompée. Va dire aux hommes que les dieux bénissent notre expédition. »

Faisant son possible pour dissimuler son anxiété, Marc Antoine jette un dernier regard vers le ciel, puis exécute l’ordre de César.

Soudain, des colonnes de lumière bleue, parfaitement droites, apparaissent autour d’eux, depuis le ciel qui s’assombrit. Apeurés, désorientés, quelques légionnaires s’agenouillent, d’autres préfèrent s’enfuir. Seuls quelques fous tentent de lancer leur javelot contre les colonnes. Ceux-ci passent au travers et disparaissent sans laisser de traces. Les colonnes se déplacent, comme guidées par les lumières célestes, déposant sur leur passage un rideau bleuté à demi transparent. Les soldats se sentent à présent comme les poissons pris au piège dans un étrange filet. L’étau de lumière se resserre, englobant les légions romaines. Celui-ci les traverse sans le moindre mal pour se contracter en un point avant de disparaitre brutalement.

Une à une, les lueurs célestes s’éteignent, plongeant l’armée romaine dans une nuit d’encre. Le phénomène est passé, le vrombissement a cessé, seules les voix des soldats tentant d’expliquer ce qu’ils viennent de voir résonnent dans l’obscurité.

César fait allumer quelques torches enflammées et passe ses troupes en revue afin de ramener l’ordre. Soucieux que ces mystérieuses lueurs n’aient pas attiré les gaulois vers lui, il décide de reprendre la marche sur l’heure.

Quel message les dieux cherchent-ils à délivrer ? Nul ne le sait. Ils sont apparus dans la nuit, ont éclairé la route des soldats et sont immédiatement repartis. Bon ou mauvais présage, l’origine de ces lumières reste une énigme pour les romains. Leur route s’annonce longue et semée d’embûches, mais ils reprennent la marche comme si de rien n’était.

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