Rien, vraiment ?

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Rien. Quatre lettres seulement, et pourtant une multitude de possibilités. Une multitude, ou bien une insuffisance. Du noir. Juste du noir. Aucune lumière, rien à voir, rien à sentir, rien à dire. Est-ce cela, rien ? Un sentiment de vide qui vous entoure, vous envahit, vous absorbe ? Si je m'assoie dans le noir, cela suffit-il à estimer qu'il ne se passe rien ? Le calme règne. Aucun bruit, aucune parole, aucune odeur. Et je pense. Je ne pense à rien. Malheureusement, mon esprit ne peut s'empêcher de chercher la petite bête (notons que s'il n'y a rien, il ne peut pas y avoir de petite bête). Mais mon esprit la trouve, comme beaucoup d'esprits l'ont déjà trouvée auparavant. Cette petite bête, aussi minuscule soit-elle, renferme un paradoxe des plus titanesques. Si je ne pense à rien, je pense tout de même à quelque chose, à rien. Le rien est donc quelque chose. Mais dans ce cas, le rien n'est plus rien vu que c'est quelque chose. Alors que le rien m'entoure, que rien ne se passe ou plutôt que je m'efforce de croire qu'il ne passe rien, il se déroule pourtant bien quelque chose : je ne pense à rien. Penser à rien, c'est faire quelque chose en soi.

Est-ce donc possible qu'il ne se passe rien ? Changeons de lieu et d'histoire. Un champ. Les grands écrivains ne pourraient s'empêcher d'écrire le bruissement du vent dans les blés, le chant des oiseaux qui le survolent, les insectes qui s'y aventurent... Moi, je ne peux pas. Il ne doit rien se passer. Juste un champ, avec rien qui bouge, rien qui chante, rien qui bruisse... D'aucun dirait qu'il ne se passe rien. Mais ce n'est pas parce que nous ne parlons pas de ce qu'il se passe qu'il ne se passe rien. Exemple : les blés poussent, l'air circule. Même s'il ne se passe rien, pour le moment en tout cas, les blés pousseront et l'air circulera. Pardonnez cet exemple capillotracté, mais il était nécessaire.

Nouveau changement de situation. John et Pierre sont à côté dans un couloir, ou une salle d'attente, qu'importe. Ils ne se connaissent pas, ne se sont jamais vus et ne se reverront sans doute jamais. Là, il ne se passe rien n'est-ce pas ? Et bien non, Pierre, convaincu qu'il peut rien se passer, tente de contredire ma démonstration. Il essaye donc de ne rien faire, les mains sur les cuisses, le regard droit devant, il fait le vide, ne fait rien. Comme démontré plus tôt, il fait en réalité quelque chose. John, lui, inquiet d'avoir un voisin aussi bizarre, le contemple, en long, en large, en travers. Qu'il fasse cela ou qu'il essaye de ne rien faire, cela ne change pas grand-chose puisque, de toute facon, ils ne feront jamais rien, et il ne se passera jamais rien. Ou plutôt, il est impossible que rien ne se passe.

S'il devait y avoir une morale à cette démonstration peu scientifique, ce serait sans doute celle -ci :

Il n'y a rien de pire que d'écrire à propos de rien.

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