CROIRE

60 minutes de lecture

Le tueur... On n'aurait pas dû... 16 Juillet 1996 (JOUR 1) Craig Stone Se répéter sans cesse la même chose n'est pas très méthodique, surtout que m'apitoyer sur mon sort ne sert à rien. On aurait jamais dû, et pourtant on a suivi la voie de l'héritage, une simple arnaque qui peut parfois vous coûter une vie ou un cœur...D'abord, laissez-moi revenir quelques temps en arrière pour vous simplifier ma désolation. Tout ç’a s'est passé en juillet, au temps d'été, un après-midi estival si tranquille. Le soleil semblait particulièrement grossir à mesure que le van bleu familial roulait le long du boulevard. Le paysage était emporté à l'arrière, en revenant sous une autre forme, bien plus aiguë. L'habitacle de la voiture était brûlant: on annonçait du 45°C dans la soirée alors que pas même la nuit n'échappait à la fraîcheur d'habitude! Les voitures garées le long du trottoir avaient des reflets éblouissant de l'étoile qui grossissait dans le ciel azur et les réverbères étaient clos comme dans un polar horrifique. Nous étions en après-midi, le 16 Juillet 1996. Et tout s'annonçait comme une belle journée. Mais ce ne fut pas le cas. Le van s'arrêta quelques mètres plus loin, là où le ciel commençait à s'ombrager partiellement, et le râle du vent vint soudain me rafraîchir. Ce que je me souviens, c'est que là où nous nous étions arrêté, ce n'était guère dans une rue pavillonnaire aux longs dessins champêtres et aux petits voisins exigus. Non. C'était devant un cimetière, un cimetière maussade où trônait des allées entières de tombes de granit et des carrés insalubres de pelouse. J'entends encore mon père grommeler avec autant d'insistance que de fureur : Quelle est cette arnaque?! De toute façon, ni mon père ni aucun envoyé du ciel n'aurait pu répondre à ma peur malfaisante : et si comme il le disait si bien, nous nous étions égaré dans les menus d'arnaqueurs. C'était une infâme curiosité qui me parcourait à chaque vision de ce nouveau décor : l'hiver en plein été. Je me souviens de cette vieille Audi grisâtre qui bifurqua dans notre direction avec autant de fierté que son conducteur, ses phares esquissant des sourires malfaisants. L'Audi s'arrêta à quelques centimètres de mon propre corps, le moteur fut coupé, et plus rien ne se déroula. Pendant cinq longues minutes à arpenter les tombes et ce véhicule d'une vue déroutante du propre monde, Il me sembla une éternité avant qu'un événement ne se passe sous mes yeux étonnés. La portière, à sa grande torpeur, s'ouvrit sur quelques centimètres, dévoilant des jambes, puis un buste gonflé, puis une tête chauve à l'horizontale, où la seule trace de poil fut le bouc. Bouc comme Bouc-émissaire, songeai-je en l'observant. Il s'arrêta devant moi, à quelques millimètres, son costard se mêlant à mon visage empourpré (précisément devant moi, je pus sentir amèrement son eau de Cologne Milles Merveilles). Il était d'un ton si pâle qu'on aurait pu le comparer à Frankenstein, sa calvitie n'était que passagère comparé à la barbe qui lui poussait rapidement du bout du menton, et ses yeux gris envoyaient des éclairs à ceux de mon père. Un pur maître en la matière, sachant secourir aux besoins des clients. Il passa une lèvre sur les doigts et les passa sur ses cheveux inexistants. Une manie, me dis-je.











D'un ton neutre, il fit, souriant : Bonjour, vous devez être la famille Stone. Enchanté, je me nomme Pitt. Pitt Brown. Pitt Brown. L'agent immobilier qui nous sortit de l'horreur au bon moment, au mauvais endroit. Il aurait très bien pu figurer dans un starbuck ou dans un service comptabilité, mais non, il était là, à quelques millimètres de mon visage, parlant à la façon stupéfiante d'un petit arrogant en sourire Gibbs. Il se baissa devant moi, souriant toujours, et je pus de près l'examiner, alors qu'il dit : Bonjour toi. Tu dois être Craig Stone, l'enfant unique. Tu dois être fier de toi ! Non. Je n'étais pas fier de moi-même, encore moins qu'il soit juste là, à prioriser mon affaire plutôt que la sienne. Je me nomme Craig Stone, j'ai 27 ans, 16 au moment des faits, et bien sûr, j'étais plus grand pour mon âge et plus fort pour ma minorité que n'importe quel quaterback de quelconque équipe du Texas. D'ailleurs, me voilà, ayant rejoint l'équipe des Lions d'Austin, au lycée Michael Stewart. J'avais bonne tronche à l'époque, dirais-t-on cela dans vingts ans ? Ne souriant plus, Brown se releva et croisa les doigts comme pour réfléchir. Une fois sorti de sa réflexion, il s'écria, fièrement : Ne regardez pas par là, ici vous êtes à la résidence Burlington, au numéro 13 : le cimetière n'est qu'une phase, l'autre demeure se trouve de l'autre côté. Il avait dit ç’a si fermement. Il me parut que même un polar horrifique aurait souligné ç'a en italique, comme ceci «de l'autre côté ». Je le regardai, et plus je balayais mon regard sur cet homme, plus son aura me sembla familière. Il semblait si...si puéril et étrange. Pourtant, n'étais-ce qu'un bureaucrate, dans une affaire méconnaissable, une agence immobilière qui l'avait trouvé à son aise. Il nous invita à traverser la pelouse fraîchement coupée, entre deux collines qui montait en pic dans les airs. La stupéfaction ne pouvait s'empêcher de me tremper de sueur, à mesure que l'on piétinait les plates-bandes de la propriété. Pour ainsi dire, nous marchâmes une bonne dizaine de minutes dans un cimetière insalubre avant d'atteindre un long chemin parementé de buissons. Si je ne me suis pas taillé, j'me demande bien comment. Et après toutes ces épreuves, la voici ! Propret, médiévale, inférieure à toute demeure que je n'eus connu dans ma vie. La voici ! Une demeure du XVIe siècle, agrémentant tout le terrain d'une bonté méconnaissable. C'est tout juste si cela ne me coupa pas court le souffle. Voici la demeure Burlington, au numéro 13, Forêt des Olympiques-Politicus. Voilà, vous voulez une visite ? Une visite ? Bien sûr que nous la voulions. Mon père resta sur le palier, hébété et ahuri. Il ferma quelques fois les yeux, mais à chaque fois, le rêve devenait réalité. Mais un rêve peut devenir un cauchemar ? Un rêve peut devenir un cauchemar, Papa, lui ai-je soufflé dans son horreur... Il a gémi et a marmonné : C'en est déjà pas un ? Un rêve-cauchemar, vraiment !!! Papa, pourquoi tu dis ç'a ? Mince, on a même un salon-d'hiver pour les mouflets de Maman !! Des plantes, rectifia-t-elle, exaspérée par mes réflexions. C'est des mouflets comme moi, j'te dis ! J'te jure, tu les as payé à quinze balles mais c'est des gosses en plus à nourrir ! Sauf que les gosses, on les nourrit pas à l'engrais et à l'eau : on les nourrit à la bêtise et à l'ennui !







Que je l'aimais ma mère ! Elle était cool. Mais pas toujours...L'ennui et la bêtise, ses deux mots... La visite se déroula en deux temps : d'abord, Brown examina chaque prise, chaque centimètre de plâtre, chaque chambre et chaque lampe pour tout noter dans son calepin à couverture de cuir, comme s'il se doutait de quelque chose de louche. Puis il revint vers nous en deuxième temps, et nous présenta silencieusement l'anti-chambre (« la seule, Madame-Monsieur, jamais ouverte ni visitée, c'est une pièce où nous abritions jadis un lourd secret médiéval, avec des armures de métal brillantes et une tout autre richesse jamais vue ! »), les six nombreuses chambres des six preux empereurs ayant bâti leur empire ici (« Sir Lord Black, Sir Clark Spitnell, Sir Louis 2 de Varsovie, Lord Luneus Bicknell et les jumeaux Dackstone, connus sous le nom Stone. Pour ainsi dire, chacune des chambres les définit le mieux, avec des tapisseries datant d'au moins cinq cents ans ou bien des vraies boites de Pandore jonchant toutes les pièces. »), la cuisine principale et le salon d'hiver avec la salle principale et le buffet (« La cuisine possède cinq fours avec douze plaques chacun et vingts boutons sur chaque minuteur, le buffet possède tous les alcools possibles inimaginables – je songe que Monsieur se délestera d'un petit whisky fumé, non ? - et puis passons au salon d'hiver avec salle des fêtes, là où noces-mariages-banquets étaient fêtés par les quelques rois-empereurs habitant le château. Je doute que la place ne va poser quelconque problème à vos petits hobbies végétaux, Mademoiselle Stone »). Puis il jouxta avec quelques autres pièces qui me parurent appauvries par les anciens locataires – des canapés sous draps, des meubles tapissés de grafitis, des murs gribouillés au crayon et une sale odeur rance de monoxyde de carbone et de renfermé – qui pour ainsi dire reflétait un vrai bazar inimaginable. Enfin passons-nous à la cave. Juste, petit conseil d'ami que je vous donne : n'ouvrez jamais cette porte plus de deux fois...Et n'y entrez surtout pas ! Son humeur changea, son visage se renferma, des perles de sueur longèrent son front, il recula d'un bond de la porte avant d'y insérer la clé principale. Il me semblait atrocement détruit et il me repoussa, injustement : Non, vraiment, n'allez jamais dans cette cave, et que le gosse n'y aille pas : c'est dangereux. Et pourquoi ? Demanda mon père, les bras croisés. Parce que...Parce que c'est un peu en bazar, qu'il y a beaucoup d'objets de valeur d'époque et que je ne voudrais pas que votre fils se coupe avec la lame d'une épée... Son sourire nerveux ne m'inspira pas la vérité. Au fond de moi, je savais qu'il ne disait pas l'entière vérité. But why ? Pourquoi ? Qui voudrait interdire l'accès à la cave alors que c'était l'endroit le moins dangereux de la maison, le plus bénéfique en cas de fin du monde ? Qui ? Je restai à l'étroit du haut du palier de la cave, observant cette engouffrante pénombre envahir les silhouettes sinueuses de l'agent immobilier et de mes parents. Et si ce vieux shnoque s'imaginait vraiment que j'allais les laisser acheter la maison, il se trompait. Et si ce n'était qu'un petit criminel ? S'il n'était pas ce qu'il prétendait être, qu'il faisait parti d'une quelconque affaire infantile, et qu'il nous mêlait à son erreur du passé ? Et si la maison était un vol ? Je suis parti, particulièrement écoeuré par les foutus boniments des adultes et de leurs sales règles sans raisons. De toute façon, je n'avais plus rien à perdre dans cette demeure qui me mettait plus la trouille qu'autre chose. J'ai retraversé le chemin épineux, j'ai longé terre et ciel juste à côté des tombes de granit. L'Audi grisonnante et le minibus familial dormait comme de petits piailleurs du samedi soir.








Un petit panneau, quelques mètres plus loin, à l'orée du bois, indiquait « $ de chez Vert, vous aurez tous à prix d'enfer ! ». La forêt était si sinueuse et si sombre que pas même un félin n'aurait pu s'y aventurer : seuls quelques bruissements de feuille et quelques bruits suspects très lointains semblaient montrer un quelconque signe de vie – et encore ! Je savais, en inhalant l'air frais de la fin d'après-midi, que c'était pas propre faute suppliante si l'on avait déménagé. Je le savais au plus profond de moi-même, je le pensais clairement. Pourtant, ce ne fut que parce que mon père fût comptable au Texas Instruments & Co et ma mère secrétaire à la même enseigne que l'on s'était retrouvé à milles pieds de toute terre habitée, dans cette Forêt Olympiques-Politicus. Affreusement vrai, songeai-je. Je me rappelle parfaitement du jour où mon père s'est fait licencié. On était un joyeux mercredi, automne 1994. Mon père lui-même était en train de s'épancher sur des dossiers financiers quelque peu importants, si ce ne fût qu'il les produisit à la machine à écrire en tapant de longs intervalles d'écriture. Ma mère astiquait et récurait au Turtle Wax la vaisselle, sans arrêt en train de faire le ménage, de m'aider à mes devoirs, ou d'écouter les vieux titres à la vieille chaîne audio à transpondeur. Le chien – car on en avait encore un -, un teckel roux-brun, aboyait aux moindres traces de garnements et de facteurs indécis, et le sentiment d'infériorité des gens comparé à lui me parut étrangement injuste. Je me réconciliais avec le collège et ses nombreux devoirs. Quand la lettre apparut. Elle était souillé de traces de cire, et anormalement, elle était jaunie. Habituellement, ma mère l'aurait jetée et balancée aux ordures. Mais quand elle lut à haute voix le nom « DAVID GERALD STONE – 17 OCTOBRE 1994 », elle ne put s'empêcher de nous la laisser et de retourner à son occupation. Mon père déchira lentement le papier, enleva le cache de cire, et d'une peur compréhensible, il sortit un long parchemin des années 40, là où l'on avait signé et rentré l'accusé. La lettre fut lit à haute voix elle-aussi : « CHER MONSIEUR STONE, NOUS AVONS LE REGRET DE VOUS ANNONCER QUE VOTRE CONTRAT A LONG TERME CHEZ TEXAS INSTRUMENTS & CO A ETE ROMPU APRES RELECTURE TOTALE DE NOTRE RESULTAT DE FINANCES. LES COMPTES DANS LE ROUGE, LA FINANCE BAISSANT DE PLUS EN PLUS, NOUS AVONS DECRETE LE LICENCIEMENT DE DIX DE NOS EMPLOYES, DONT VOTRE MALHEUREUX CAS, MON TRES CHER. POUR VOUS LE REPETER : VOTRE TRAVAIL EST D'UNE EXCELLENTE PERSEVERATION, MONSIEUR STONE, MAIS LA VRAIE RAISON POUR NOUS DE VOUS RENVOYER EST LE FAIT DE LA SURPOPULATION D'EMPLOYES DANS L'ENTREPRISE, ET AINSI UNE BAISSE INCULCABLE DES FONDS FINANCIERS. MERCI A VOUS BARRY SWEATHER »














Mon père avait regardé la lettre avec une bouche béante et des yeux se décidant entre la peur et l'horreur. Il l'avait lâchée et la regardait se répandre sur le sol. Ma mère avait lâché le Turtle Wax et la radio s'était répandue en miettes sur le sol, calmant un dernier soupir du King. Ce jour-là, la vie chez nous changea. Finis les meilleurs jours de la bonne année. Bonjour l'horreur. A partir de ce jour, mon père éplucha dans les vieux magazines, se bourra de coke matin-et soir – autant vous expliquer l'emploi du temps chargé d'un chômeur – et trouva à chaque nouvelle proposition un nouvel argument – trop explicite, trop dangereux, trop de travail, trop peu de travail (IMAGINE LA FAILLITE), trop de stades, et même trop expressif jusqu'à trop idéaliste. Il trouvait pour tout une bonne ligne de mots qui se déjouait de ses plans : il partait de comptable et tombait au chômage sans ne bien savoir que faire... Ma mère travaillait à temps plein et son emploi du temps chargé nous empêchait de la voir, mais son salaire salé – 5000 Dollars par mois – nous permettait de vivre et payer la petite maisonnette du décor champêtre de Houston. Les regards apitoyés des épouses qu'elle rencontrait très tôt aux réunions d'administration permettait aussi de savoir que toutes la plaignait à leurs façons (Ô ma pauvre, comme tu dois souffrir et être malheureuse, viens me voir, tu verras, tu seras si joyeuse !). Pour moi, j'étais jeune encore, je savais bien ce que le DIVORCE voulait dire, ce que définissait la raison du chômage et donc de la RUPTURE de la femme avec l'Homme, je savais parfaitement réciter à mes copains comment ma famille souffrait sans arrêt et se tourmentait à l'idée de ne plus avoir d'argent. Je pensais être riche, avoir l'argent de tout le monde comme m'avait expliqué une fois Maman. Mais je me trompais idéalement. Vint Novembre 1995, quand mon père ne trouvât finalement aucun travail à son goût, et que ma mère se retourna à chaque repas et à chaque visite le même problème. Ce n'est pas le goût qui compte, c'est ce que tu gagnes, DAVID !! Tu peux aller jusqu'à 10 000 Dollars parfois ! Le prix d'une Mustang 1969 aujourd'hui, mince alors ! Ce n'est pas ma faute, tiens ! Regarde par toi même, toi qui sais tant tout l'avenir de ma vie, tiens, regarde espèce de garce : Technicien de surface, 1000 Dollars par mois, besoin d'aucun diplôme...Mais je m'en fous, je ne veux pas être techno, j'ai jamais été fort en technologie au collège ! Ce n'est pas la question, enfin...Ne t'énerve pas... Et elle relançait le même débat chaque soir. Une polémique du travail... Les disputes se firent plus fréquentes et plus violentes – la vaisselle lancée aux murs, les verres de whisky-vin noir qui s'empilaient en centaines sur la table et dans l'évier, les sautes d'humeur de mon propre paternel. La dose s'augmentait le soir mais aussi fût-il question de mes soirées alors. Et alors le week-end n'eût plus de limites. Puis par une soirée d'alcoolisme, ma mère quitta son boulot. « Problème d'ivresse, avait-elle répliquée dans un élan d'agressivité. » Non. Son patron l'avait mise la porte pour exhibitionnisme devant lui alors qu'elle rédigeait ses propres dossiers de factures, et il avait surpris alors les bouteilles de vin qui jonchaient le sol derrière elle. Vous êtes viré, avait-il sifflé si fort qu'elle en avait glissé de sa chaise. [1] : Courses Sportives Internationales de chevaux, légales et en toute impunité autorisée aux jeux du hasard.










Puis vint question du déménagement. Alors là il était nécessaire de ponctuer le silence de petits « J'ai TROUVE » et de « JE N'AI PAS TROUVE ». Finalement, ils eurent une maison... Un déménagement, c’est comme un cadeau à savourer. On découvre de nouveaux paysages et de nouvelles saveurs, de nouvelles sensations. Mais on garde aussi en soi les traces de son passé, les liens de son présent, et les rêves de son futur...Enfin, pour eux. Pour moi, un déménagement était comme les pages d'un roman qu'on tourne : aucune façon de retourner en arrière... J'ai décidé de prendre par la petite route marécageuse par laquelle étions nous arrivé. Par ce temps caniculaire, j'aurais tant aimé boire un coke devant les Courses Sportives Internationales[1]. Mais j'étais à courir sous ce soleil tapeur, sur un même bitume qui descendait le long de la rue. Le long de la route se terminait une intersection éblouie par sa torpeur. La vivacité de mes jambes me permirent de courir plus vite que n'importe quel footballeur sur un terrain, mais ce fut avec horreur que je découvris l'atroce vérité : la ville ne devait pas exister car il n'y avait aucune rue au pied de la colline soutenant notre demeure. Les racines qui eurent poussées sous le plancher tremblant de la maison était la colline, et la route s'obscurcissait à l'orée du bois qui montrait un panneau usé gribouillé au crayon noir « RAVEN DALE, LA VILLE DES CORBEAUX LA VILLE DEMONIAQUE » En quoi une ville chaude peut-elle être démoniaque ? J'allais bientôt le découvrir : je m'évertuai le long de ce chemin impassible qui me menaçait des ses grosses griffes en branches et de ses feuilles gratteuses. La boue enveloppa mes Nike ce qui en soi n'était pas un vrai problème car elles avait déjà été usées par ma vitesse de coureur. Ce qui me rendit aussi triste que jamais, ce fut mes jambes ensanglantées et mes bras griffés par les épines des buissons de la forêt. La forêt, plus on avançait, semblait se refermer sur elle même et la végétation. Au bout de celle-ci, je me découvris dans la pénombre, sans n'y voir grand chose. J'étais presque à croire que j'allais heurter quelque chose quand mon nez frôla de près un gros mur de béton délimitant toute la végétation sinueuse. D'un petit trou formé dans le mur, on pouvait à peine y distinguer un mince filet de lumière se dessiner au sol, les branches s'entortillant sinueusement comme les lianes d'une forêt amazonienne vierge. Il n'y avait plus de bruit dans cette partie de la forêt, comme si on m'avait enfermé dans une pièce isolée de tous. Le vent ne ronflait plus ici même et je ressentis même un mince souffle de chaleur m'envelopper le visage. C'est là que j'ai compris. J'ai tâté du bout des doigts le béton froid et que mes doigts ont traversé dans une espèce de lévitation complète les briques empilées. Dans une totale opacité, une partie du mur avait soit été dévoré par les coups ou bien avait disparu.










Mon cœur ne s'arrêta même pas de tourner en voyant ce mystère incompréhensible. Je mis un pied dans ce qui dut être une marche, puis traversai mon buste et puis ma tête... Je ne m'attendais pas à ce que je vis. Une pièce totalement isolée et renfermée par la sombre obscurité, devant une sinistre bâtisse de la World CUP. Une usine à pétrole, juste derrière là où j'avais observé une forêt quelques secondes auparavant, une longue route rectiligne quelque peu abîmée par l'âge empruntée par quelques coupés et cabriolets 1960-1970. Et une belle odeur de Diesel mêlé à l'odeur rosée Que s'était-il passé ? Même pas. Je pensais même savoir ce qui s'était passé : j'avais imaginé ce mur, je l'avais même halluciné. Pourtant avais-ce été une hallucination cette sensation de fraîcheur et de dureté quand je l'avais tâté ? Je n'en savais plus trop quoi penser. Mais ce que je savais, c'est que j'étais dans une espèce de ville fantôme qui s'était mise dés la seconde où j'avais mis le pied dans l'herbe. La boue n'était plus accrochée à mes baskets et quelques brindilles les avaient enveloppé. Des vraies, je sentais les gouttes fraîches du dernier arrosage. Raven Dale. Je me mis à doucement m'avancer, mains dans les poches dans cette sombre ville à la sinistre lueur fantomatique. Les seuls habitants que je vis naturellement passer devant moi ne me firent qu'un petit signe de la main avant de prendre la fuite et je ne savais pas à quelle heure fermait le prochain Dîner. Tout ce que je voulais savoir, c'est si je cauchemardais, si tout cela finirait à la minute où par hasard je me ferais écraser par un camion fictif ou une banale piétonne pressée armée, et que je me réveillerais haletant de frayeur, trempé de sueur dans mon petit lit à baldaquin, à Houston... Houston. Les seuls gens normaux que j'aperçus entre guillemets fermèrent leurs volets ou étendirent sur les fils de séchage leur linge propre gouttant dans les égouts. Les rats attaquaient les sacs de poubelles dans les ordures, filant dans les canalisations avec leur portion habituelle. Tout à coup, je le vis, mon Dîner. Oui, je le vis. Le Dîner Bill's Make Dîner, « Ce que vous ne voyez pas, vous le savez » Je n'avais pas besoin de comprendre la devise du patelin pour comprendre qu'on ne la connaissait guère. Les hamburgers gisaient dans un dernier élan d'allégresse sur leur petit rempart en plastique, et les gens, attablés autour d'un petit café ou d'un petit remontant, riaient et discutaient comme jamais. Les Pontiac, Dodge, Chevrolet et Cadillac gisant sur le parking étaient garées à l'abat-jour sous un projecteur oblique qui semblait à peine se démarquer des réverbères hallucinants de la rue.














Une petite horloge à la Big-Ben m'appris avec hâte qu'il n'était non pas cinq heures de l'après-midi mais six heures et demi, l'heure étrange du crépuscule en somme. Malgré le sommet de l'échelle légale, les voitures de police trônaient autour d'un minuscule parking attaché à une minuscule caravane bonne à abriter trois jeunes gens avec fierté, où un petit écriteau affichait fièrement «BUREAU DU SHERIF LOCAL – VEUILLEZ CONTACTER LA POLICE LOCALE DE WG CITY EN CAS D'ABSCENCE ADMINISTRATIVE OU REGULIERE. » Je passai le milieu perpendiculaire du glacial et humide parking du Dîner et fit tinter la cloche en entrant. Une odeur de tabac aromatique et d'alcool frais résonnait dans ce milieu remplisseur. Et aussi – je vous jure que c'est vrai – une petite odeur de biseptine médicale... Je ne m'attendais pas à ce que je vis. Personne de toute façon, ne s'attendait à penser voir ce pauvre homme à deux plateaux souffrir autant dans sa peau... Si à l'époque le racisme n'était pas un ennui de temps, je le regrette assez aujourd'hui. Un nègre, savait le traiter mon père – mais au fond, c'était autant raciste que le permettait la loi de 1988. Il se balança sur ses petits soixante-dix-huit kilos en prenant bien soin de balancer les aliments sur le petit chrome des années 30. Que puis-je pour vous, mon très cher, répondit-il avec allégresse en me voyant débarquer. De toute évidence, la vieillesse l'avait attaqué : il était couvert de chevelure et de barbe grisonnante, et ses yeux injectés de sang menaçaient de le laisser dans une obscure paralysie du sommeil. Il avait réajusté son col sur sa petite tenue de Boucher, tachetée de rejets sanguins de viande et de sauce. Sa tête était une obscure partie de sa pleine corpulence mais ce ne fut que de la voir qu'on savait qu'elle exploserait un de ses jours, éparpillant ses idées sur le sol... Une impression de folie. Ah ! Tu es la nouvelle recrue, alors attends..., fit-il, tout de suite agité. Il mit une main derrière le comptoir et actionna un bouton rouge scintillant qui se mit à hurler si fort que les gens durent hurler en se bouchant les oreilles pour s'entendre. Moi même crus-je qu'il avait actionné la sonnette d'alarme digne d'Angleterre mais non il avait juste fait cela pour m'alerter. Mise en garde un peu étrange, seulement, car je me suis bien demandé pourquoi j'entendais un son impérial retentir à mes oreilles, et pourquoi EUX entendaient cette horrible bruit digne des raclements de métal des films d'horreur. Les nouveaux sont toujours accueillis par ce bruit impérial, m'expliqua-t-il, un sourire aux lèvres. Mais comment savez-vous que je suis nouveau ? Demandai-je, intrigué. Parce que les nouveaux creusent toujours leur propre tombe à la demeure de Burlington Je pense que c'est toi qui a creusé ta propre tombe. Une conclusion toute simple fit palpiter ses lèvres...Il venait de dire la même chose qu'un tueur avant de tuer sa victime. Il avait bien dit « Parce que les nouveaux creusent toujours leur propre tombe à la demeure de Burlington. Soit devenais-je plus fou soit étais-je dans une sorte de paradoxe du mystère... Raven Evil. Vous prendrez, Jeune nouveau ? Je prendrais...Je prendrais un coke et une bonne explication à tout cela... Tout de suite, chef, j'vais assurer !









Les odeurs de friture et de viande crue me vinrent au narine et me dégoûtèrent à un tel point que je faillis vomir. Je ne m'étais pas attendu à ce que ce serveur m'explique une telle chose, je ne m'étais à vrai dire pas attendu à ce que j'eus entendu...Je ne m'attendais à rien, et je ne voulais pas m'attendre à une quelconque chose en rapport avec ce sujet...Je ne voulais rien, en fait, et je me retrouvais avec tout. Étais-ce dû au fait que le mur de béton avait disparu sous mes yeux ou que la règle du surnaturel avait été tout simplement oubliée, outrepassant la loi de ce qui n'existait pas, avec ce cuisinier-serveur que je ne connaissais pas plus que le nombre de galaxies dans l'espace. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de cette soirée, à part qu'elle avait débuté innocemment et que je l'avait terminée avec horreur...Horreur. Dix minutes, puis vingt. D'habitude si ponctuels, les cuisiniers qui voulaient me servir un coke et des explications prirent énormément de temps. Après une quarantaine de minutes, je sautai hors de la table pour examiner par-dessus le comptoir ce qui se tramait... Le jukebox hurlait un petit air de «Oh ! Les Filles » au-dessus de la petite mare de foule qui se débutait dans le restaurant. Quelques gens fredonnaient les mêmes airs, et cela devint bien vite une mélodie douce et ambrée comme les liqueurs de mon père, doux rock/folk façon 1950 : JE SUIS SORTI AVEC HELENE// DANS UN CAFE ON S'EST ASSIS// QUAND JE LUI AI DIT QUE JE L'AIMAIS// ELLE M'A DIT MOI AUSSI// LE LENDEMAIN JE L'AI RAPPELLE// ET ELLE M'A DIT QUE C'ETAIT TERMINE !! Mais ce ne fut pas ç’a l'importance de la soirée : ce fut aussi la belle manière laquelle les cuisiniers – principalement Bill Make – m'oublièrent moi le nouveau admirable. J'ai sonné une fois, peut-être deux, à la sonnette du comptoir impeccablement récuré et lissé au Turtle Wax. Rien. Le néant mis à part la musique qui battait plein son chant. Peut-être me font-ils une surprise, ai-je songé au plus profond de moi. (Une surprise ne prend pas une heure, m'a souligné une sépulcrale voix enfantine dans mon esprit.) JE SUIS SORTI AVEC MONIQUE// AU CINEMA ON EST ALLE// ET AU MOMENT LE PLUS TRAGIQUE// ELLE M'A PRIE DE L'EMBRASSER// ET COMME JE SUIS UN GARS PRATIQUE// JE NE ME SUIS PAS FAIT PRIER.






















J'ai suggéré à celle-ci de se taire. Dans l'embrasure de la porte entrebâillée pouvait-on apercevoir un couloir appauvri en lumière et en odeur. On y sentait l'odeur intolérable de la médecine et du neuf. Des petites rangées de bacs étaient mises à part le long des murs. Et là je vais vous souligner le passage du thriller : dans un thriller, on peut tout voir, s'attendre à tout ce que l'on veut et même mourir dans son PROPRE LIVRE si l'on a assez d'imagination. Moi n'en avais-je pas assez après tout pour imaginer toute cette histoire ? Mais on n'oublie pas les infimes détails de la soirée qui a changé votre vie, malheureusement. La puérile odeur de la mort, âcre et poisseux sang sur le sol, et la puanteur qui ne vous quitte pas la gorge malheureusement, malgré le pulvérisateur d'air Brut goût vanille. Et dé là sentais-je la mort à plein nez, voir ce que l'on pouvait appeler parfois la surprise. Mon visage se durcit, devint plus suspicieux. Tout à coup, une silhouette bougea...QUELQU'UN AGRIPPA MON EPAULE GAUCHE COMME POUR LA COUPER... Le jukebox stoppa sa cacophonie inégale et laissa un petit air de jazz façon Mafia des années 60, plus rétro. Bill Make se tenait derrière moi, l'ombre que j'avais découvert étant celle des arbres juste derrière moi. Vous avez un problème, Jeune Nouveau ? Oh ! Vous m'avez fait une de ces trouilles !! Non, je me demandais juste...Juste ce que vous foutiez dans ces cuisines ! Je ne faisais rien, mon brave...Allez vous rassoir à votre table, je vais vous expliquer. Son gros corps me devança sur le rempart attablant et sans savoir, mon corps commença à lentement s'exciter pour une raison que j'ignore. Il devait sûrement s'apitoyer sur sa corpulence qui n'avait en rien un joyeux effet pour sa santé. Bill Make était de ces gens corpuleux et sans cervelle qui passaient leurs journées assis ou debout, à la crainte de se bloquer le dos. Alors, où en étions-nous ? Au moment où vous alliez me donner des explications et un Coke, répondis-je, agacé. Ah ! Oui. Il tourna lentement la tête vers les tables autour de nous. Des tables et des tables, entourées de gens. Une banderole à hauteur de la taille, où l'on lisait « Fête d'ETE, venait aux embauches » était accrochée au plafond digne d'un drapeau américain qu'on agittait sur un toit. Autant surnaturel qu'il fut, le restaurant était plongé dans une ombre terrifiante, malgré quelques signes de vie commune et de luminosité intense. Sur le comptoir se lisait les aventures du présentoir à Bandes-Dessinées, et le distributeur à sodas ne comportant qu'une droite lignée de Coke et une petite bande vide qui était consacrée à l'étude de la soupe de tomate. Mon regard toisa l'embrasure du couloir qui me donnait une énorme curiosité : si les boissons étaient rangées au distributeur, pourquoi faire un tel chemin jusqu'à là ? Et surtout, s'il n'y avait eu que cela, mais il y avait aussi ce flux temporel qui avait dépassé pendant une heure ces cuisiniers.
















Un petit cadre montrait d'une façon suggestive le serveur, dans son année sabattique et aussi, surtout – son année où il s'était épanché sur son propre bonheur. Un nègre noir, aux cheveux éparpillés sur son pauvre crâne inoculé, son visage de petit farceur tenant entre son bec une minuscule pipe. Vous êtes bien de Burlington Estate ? Me demanda-t-il en s'allumant une Lucky Strike avec le feu de sa main refermée. Ouais mais tout le monde semble la détester...A commencer par cet idiot d'agent immobilier, là...Pitt Brown ou je ne sais quoi... Bill recracha une énorme bouffée de son tabac sanguinaire et toussota avant d'en reprendre une aspiration tonique. Pitt Brown ? Bah c'est un peu comme si Jerry mangeait Tom... Jerry est la souris, Tom est le chat, et...Et c'est quoi cette histoire, mince ?! Pitt Brown est un investisseur de Salt Lake City, dans l'Utah, qui est né du mauvais côté de la voie ferrée, d'un charbonnier et d'une si douce cordonnière qui est morte dans sa baignoire comme cet autre français chanteur. Alors, il nous a arnaqué ? Je ne dirais pas grand chose de lui, juste que ses attitudes laissent à désirer et qu'il a plusieurs fois été impliqué dans des affaires reclues : mais revenons-en au sujet, tu voulais savoir pourquoi étais-tu le nouveau, pas vrai ? Oui... Son esprit lourdingue et son visage de petit rigolo m'agacèrent assez vite : c'est ç'a qui est bien avec vos amis, ils vous punissent avec leur esprit espiègle. Mais si ce Monsieur Make semblait plus grand que tout le monde dans ce Dîner, personne n'aurait pu rivaliser avec sa folie inférieure à quiconque bureaucrate studieux de l'entreprise. Ivre de joie, humant quelques inspirations dans les volutées de fumée qui partirent par la fenêtre entrebâillée, Bill Make claqua du poing sur la table et dit, d'un ton plus neutre : Regarde-moi dans les yeux : tu me promets que ce que je dis tu ne le diras point à personne ? Ouais, s'vous v'lais, M'ieur Make, lui-ai-je lancé sur un air de « Oh ! Jack » avec la comédie de James Dean. Alors, écoute : comme tu dois savoir, Burlington Estate a été bâtie avec les cinq vies des empereurs voulant l'habiter. Deux d'entre eux étaient tes ancêtres... Je fis de gros yeux que Make ne remarqua point : je ne lui avais point dit mon nom, pas vrai ? Peu importe...

















...et deux d'entre eux étaient des traitres de pouvoir et d'argent, si je puis m'exprimer ainsi. Louis 2 de Varsovie et Lord Luneus Bicknell, des petits zigotos qui se prirent vite à leur propre jeu. Un soir, Louis 2 de Varsovie s'exprima à table et provoqua une vraie polémique de dispute. C'était le même soir que je te parle, seule l'année avait changée, 1816. C'est là que les meurtres commencèrent vraiment. Il y a eu des meurtres à Burlington ? Des...meurtres? Ouais, même que c'est Lord Bicknell qui a sous-estimé le pouvoir de 2 Varsovie. Alors, dès ce soir d'été 1816, 2 de Varsovie en profita avec Bicknell pour piller toutes les réserves. Mais Bicknell voulait tout garder pour lui pour bâtir son propre empire dans cette forêt rasée des Olympiques-Politicus. Alors que 2 de Varsovie voulait garder l'empire et l'argent pour lui-même pour se faire respecter. Et les autres les virent en plein vol, en montant à l'étage (il avala sa salive et une larme coula le long de sa joue)...et à l'étage, le drame s'est passé : 2 de Varsovie a abattu d'un coup sec de lame son adversaire, et il s'est avéré qu'il a fait un massacre... Le massacre. Une des différents odeurs de la mort. L'aspect aléatoire de la curiosité envers la mort, fis-je entre mes dents. La puanteur du sang qui ne vous quittait même pas après le meurtre, qui restait scotchée à vos cheveux, qui vous embaumait comme un vaporisateur Brut saveur vanille... Le massacre. …et il a poussé les deux jumeaux Dackstone dans l'escalier – il répugnait les pauvres amateurs. L'un d'eux s'est écrasé la nuque dans le ciment, et il s'est brisé les cervicales, l'autre a disparu et t'as créé un destin. Alors Louis 2 de Varsovie s'est enfui, je ne sais pas ce qu'il a fait de l'argent mais un tueur pire que Jack l'Eventreur des romans à Cornwell, s'est mis à torturer, violer et pulvériser jusqu'à vider les bons hommes comme les vieilles du quartier, de la ville...Bientôt, la ville ne ressembla plus à rien. Mais l’avenir, ce maître implacable du destin, avait prévu des événements qui allaient ébranler les fondations mêmes de son existence dépravée… Des événements qui menaceraient de tout révéler, de tout détruire. Et en 1969, cet esprit libéral du tueur s'est dissipé, il s'est envolé aux cieux. Affreux massacre ici même, j'étais à mon comptoir, une lignée de Cadillac Eldorado 1958 sur le parking, l'enseigne flambant neuve, et les verres à whisky qui scintillaient sur les remparts des clients. J'étais à compter les dollars et les pennys en plus quand j'ai entendu la détonation d'un calibre 38 de l'époque New Age. A peine me suis-je retourné que le tueur gisait sur la nappe phréatique de la remise, à plat et vidé de son sang, pâle comme jamais. Le corps était encore chaud à la morgue, et plus brûlant qu'une fièvre dans le vieux corbillard qui l'a emmené au cimetière...C'était étrange mais le plus étrange, c'est ce qui se passe dans la remise à chaque pas que je fais...













Quoi ? Bill Make huma quelques volutes de fumée, puis observa d'un œil rigide les quelques clients encore en vie dans la roulotte. Quand il s'assura que personne ne nous écoutais, il se pencha vers moi et chuchota plus agressif : NE REPETE A PERSONNE CE QUE TU AS ENTENDU... Non, je ne vais pas, enfin... NE-REPETE-A-PERSONNE, GAMIN !!! O.K. ! D'accord...A chaque pas que je fais (il fit encore deux coups d'oeil), à chaque pas que je fais, le temps ralentit de dix minutes, et ce à chaque fois que je passe dans la remise. Tu as dû voir que j'avais pris plus d'une heure à t'emmener des explications, hein ? Un éclair zébra le ciel. Il était plus que sombre et l'horloge comtoise derrière le comptoir n'indiquait que les cinq heures et demi de tout à l'heure, avec un peu de stupéfaction. Devant Bill Make, j'avais plus l'impression de m'occuper d'un sale gosse que le contraire, et d'écouter un cinglé bon pour l'asile des fous au lieu d'écouter un petit restaurateur Noir très sympathique à entendre. Quitter la maison avait été en fait la pire chose que je n'eûs jamais faite mais en même temps, elle m'a permis de savoir que mes ancêtres étaient des psychopathes, et que ma nouvelle maison n'était d'autre que l'arnaque d'un investisseur de l'est...Salt Lake City, Utah. N'avais-je d'autre besoin que l'on me réconforte au lieu de continuer les horreurs ? Et Bill Make en rajouta une seconde couche en fumant quelques bouffées de tabac qui lui dévorait à petits pas en plus de l'alcool les poumons... Le surnaturel façon X-FILES tu dois croire, mais ne me fais pas comprendre que tu ne me crois pas, tu as bien vu hein ? Le pire, c'est qu'il n'y a pas que cela... (Car il y en a eu encore d'autres de choses?!) M'sieur Make, vous m'effrayez, là...Une heure, j'ai bien vu, mais...Autre chose ? C'est plutôt une hallucination ou un cauchemar...* Mon pauvre petit, si tu savais à quel point j'aimerais...Malheureusement, Raven Dale est peuplée de son petit passé funeste et ses petits démons...Oh ! Mon dieu, ce que j'aimerais tant penser comme toi. Mais il faut me croire, c'est – regarde-moi dans les yeux – c'est comme si je te donnais une pièce et que tu te réveillais un matin avec la même, devant une semi-fortune inhumaine. Comme si une soucoupe s'écrasait sur ta maison avec un gremlins... Je ne crois pas au extraterrestres, ni aux fantômes...Je crois à la réalité, et à la folie des autres gens... Tu ne me crois, pas vrai ?















Il m'avait pris les avant-bras qu'il avait plaqué sur le rempart, le regard agressif comme si j'étais sa propre proie. Il me fixa, les yeux apeurés et violents. Mon cœur, à cet instant-ci, rata quelques bonds dans ma poitrine pleine à craquer...Il prononca comme une poésie entre ses lèvres gercées de vieux drappé : TU NE ME CROIS PAS, PASVRAI ?! Pas un « PAS VRAI » comme on les connais, non. Un « PASVRAI » collé, toutes lettres scotchées comme dans un embouteillage...
La seule chose que je me rappelle, c'est que j'ai fait demi-tour, que j'ai vu une chose horrible, et que je me suis mis à m'évertuer dans la ville elle-même. Quelque chose d'horrible. Un visage écumant de rage, ses mots qui retentissent encore à mes oreilles... (Tu ne me crois pas, hein ? PETIT ABRUTI INSOLITE!!) ...cette image déformée qui s'est emplie de ma vision entière, cette ombre qui frémissait au plafond...Et ce regard plein d'haine et de fureur fébrile. VA TE FAIRE VOIR, SALE PETIT GOSSE ARROGANT !!! NE REVIENS PLUS JAMAIS, TU ENTENDS?! JAMAIS !! (PLUS JAMAIS, tu aurais dû avoir honte de dérranger un petit vieux, mon petit Craig!) Je courais à perdre haleine sur cette longue ligne rectiligne d'asphalte et de béton. Je ne savais même pas pourquoi, je connaissais bien les petits mystères des petits fous, j'en devenais moi-même un à les écouter, mais je ne savais pas combien j'avais raison.
« ETRE FOU A VINGTS ANS, C'EST OSER DEVINER SES QUARANTE ANS. SON AVENIR DEVANT SOI, SA CHUTE DERRIERE NOUS. » J'étais ainsi, songeai-je essouflé. Et là, je fus autant étonné que si j'avais découvert au petit matin que tout ç'a n'était qu'un rêve, découvert dans mon lit une tâche complète d'urine mêlée à la sueur ordureuse. Oui. Le mur n'était plus là où je l'avais trouvé. Même en traversant les deux kilomètres de route jusqu'au panneau de sortie – aussi gribouillé au crayon noir -, je ne l'ai point trouvé par pur ahurissement. Cela m'ahurissait de ne pas le trouver. Alors j'ai passé cette pleine forêt, recouverte à moitié, j'ai littéralement sauté avec hasard dans les épais buissons, j'ai couru comme jamais, le cœur battant la chamade. Mes pieds me brûlaient dans ces épaisses feuilles pointues, mes bras étaient ensanglantés par les roseaux et les hautes haies piquantes. Et ne parlons même pas de ma tête que je m'empressai de recouvrir d'un bras pour ne pas ressembler à Leatherface avec sa déformation crânienne. Et là, je fus autant étonné que si j'avais découvert au petit matin que tout cela n'était qu'un cauchemar, et que je n'étais non pas dans mon lit mais dans une grande flaque de vomi, en plein bad trip arrosé...














(ON N'EST NI L'UN NI L'AUTRE : ON N'EST RIEN!) Les longs hectares de terre s'étalaient le long de la colline de racines qui soutenaient le château, le ciel était toujours aussi sombre devant moi, mais quand j'ai remonté la route au panneau de sortie gribouillé, le ciel était toujours le même : croissant, chauffant, et même apaisant. Je ne pensais plus à Bill Make pour ainsi dire, je pensais au surnaturel que je pêchais en remontant cette colline de racines incassables. Le manoir était toujours le même que j'avais quitté, aucune différence. La même Audi grisâtre et le même minibus embouti à l'avant et à l'arrière étaient garés dans l'entrée de la rue. En m'avançant sur le même chemin, je crus que j'allais m'étouffer : les trois silhouettes de l'agent immobilier Brown et de mes parents, sortant de cette grande pénombre obscuricissant cette cave de demeure, alors que déjà plus de deux heures s'étaient écoulés... Le hasard ? Non, une cave ne pouvait être autant grande et longue à visiter, je n'avais lu que ç'a dans Les Fourmis. Purement français, et purement fictif, malheureusement... Mon père m'aperçut, ma mère opina du chef, l'agent immobilier déballa son sujet. Mon père s'avança vers moi, et je crus que la double-baffe allait passer. Mais il me dit, souriant : Alors ? T'as patienté longtemps ? Papa, je ne pense pas que ce soit si bien de... On ira boire un coup au Dîner du coin, le Bill's Make, j'crois. PAPA !!! Je ne crois pas que j'ai envie d'aller boire quelque chose, et je pense que ce serait mieux si on restait à Houston... Mon père n'écouta même pas : il revint vers ma mère, lui fit une pincette sur la jambe et l'embrassa langoureusement sous les yeux du vieux locataire du dimanche. Je crois que j'ai besoin de dormir. L'agent immobilier me regarda d'un regard suspect, et d'un sourire narquois. Comme s'il se doutait de quelque chose... Je crois que j'ai vraiment besoin de dormir.

























17 Juillet 1996 (JOUR 2) MELVIN SPECTRE
Après tout, c'est à cause de la ville si je suis là à éplucher les archives et à tourner en rond devant cette spiritualité-astronome. Et en plus, je reniflais d'ici l'odeur du sang, la puanteur âcre des abysses. Depuis des années, je ne la sentais plus mais serait-elle revenue ? Et si le tueur était donc revenu à l'aurore ? Milles questions sans réponse. Je sais juste que j'ai lu cela dans LE TUEUR QUI RESSUSSITAIT : « Tuer, c'a compte pour rien, il faut parfois observer, être assez méticuleux, et avoir de la méthode (car oui la méthode est la meilleure amie de l'Homme, sachez-le) alors vous saurez que la mort est plus vive, plus appétissante que tuer d'un coup. Le cadavre qui gît au sol, son sang qui coule le long du carrelage brisé, son apesanteur qui s'est vidée sur toute la tapisserie. C'est bien cela tuer, mais c'est la lassitude des Bons Gens qui l'a formé, ce métier...Alors que moi, je vous donne là une raison de la mort, avec un grand M ! M comme mourir, mouvoir, moufter et manger. Les quatre raisons de ce crime noir qui est réputé pour ses nombreux livres ». Je sais simplement que même moi, je n'y comprenais pas grand-chose à l'époque pour peu qu'il fallut des explications à cette nouvelle puanteur accumulée dans l'atmosphère comme l'air frais de l'abat-jour. Ce n'était jamais qu'un cadavre, et l'on en voyait tout les jours à une heure précise, de 1798 à 1969 jusqu'à aujourd'hui. Pire que Jack L'Eventreur et tous les autres tueurs. Nous avions eu des tueurs, c'a on en avait eu des centaines – Le Tueur de L'Autoroute, le Tueur du Golden Gate, le Tueur de la Forêt, le Tueur des jeunes gens, le Tueur au sac-poubelle et même le Massacreur à la tronçonneuse façon Leatherface. Mais ce qu'on n'avait jamais eu jamais, ce fut une peur : la peur du crépuscule. La contraception des choses qui avait engendré cette faille, ce blasphème rempli de vérité comme mensonge telle l'impunité de la loi le permit aux gens de l'époque. Et les meurtres rendaient plus que vraies les affirmations des plus grands philosophes : il n'y avait pas peur de taille à la violence et le crime noir. Pour ainsi dire, la peur n'existait pas à Raven Dale. Elle n'était qu'une petite faille miraculeuse qui en cachait milles autres, qu'on ignorait quand notre télévision était en panne ou que l'on allait nettoyer la voiture familliale. La routine de tout le monde pendant que cette peur s'agrandissait, jusqu'à s'alourdir à un point où l'on ne put l'assoupir. La peur de la mort...On se bourrait de médicaments à cette vieille période de 1902 à 1968, on oubliait la « vie » pour en construire sa propre crainte, sa haine. Les nouveaux-nés étaient brûlés à l'aube de leur naissance, et les vieux étaient ressucités au soir de leur mort. C'était incompréhensible mais beaucoup de mauvais gens responsables de cette grande polémique de doute furent à leur tour ressucités, soit disant qu'ils étaient gens biens. Non, ils ne l'étaient pas.















Ainsi ressusita l'ancienne frousse du gendre humain, le réalisme meurtrier... La puanteur du sang... Le syndrome E. Quelqu'un m'interrompit dans mes recherches, quelqu'un qui ne se donna pas la peine de toquer à ma porte et de me demander si elle pouvait globalement pénétrer dans mon lieu privé. D'un geste de la main je jetai mes dossiers sur la moquette, les feuilles et les pochettes se déversant comme une chute d'eau sur la moquette dans un bruit mat. Madame Folkar, mon éventuelle cheffe et aussi l'agréable souverraine de la librairie. Dans son regard, tout disait d'elle, son ignoble frimousse quand elle dévisageait les employés d'un air « Toi, j'te veux immédiatement » et son adorable tête quand elle dévisageait les clients « Oh mais c'est aussi mignon qu'un enfant, un Pagnol de 1910, on n'en trouve plus dans toutes les boutiques ». Son ordinateur mentale pire qu'un légume pouvait enregistrer chaque parole, chaque oubli, chaque écart de travail, et pouvait nous renvoyer... Etrangement, j'aimais cela. Madame Folkar était vêtue ce matin d'un petit cardigan bleu nuit qui lui arrivait jusqu'à la poitrine, dévoilant un ventre mou et ridée, et d'une jupe rosâtre qui dévoilait ses genoux pleinement touchés par la maladie des os. Ses talons aiguilles ne lui permettaient pas d'être supérieure à son fils, mais ils lui permettaient de me supérioriser avec une sévérité fondamentale. Elle me dit, d'une façon hurlante : Encore en train de rêvasser, hein ? Va-t-en au poste de conseiller littéraire, SPECTRE, et ne t'en va plus tant qu'ils n'ont pas craché quelques milliers pour ces adorables collections d'excréments ! Tout de suite, madame ! Autre chose : les Loti, Dostoievski et Marcel Pagnol, notre dame Folkar les répugnait. Elle révulsait lire une seule ligne d'eux, alors que moi les dévorais-je avec passion. C'était un honneur, un hommage littéraire pout moi... Pas pour Madame Folkar. Conseiller Littéraire... Si Mlle. Folkar s'était bien gardée d'expliquer aux gens que ce n'était guère une liseuse appréciée mais apitoyée et même si elle l'avait souligné à de nombreuses visites étranges, elle avait bien eu le culot de bâtir ce poste. Modique salaire de l'éthique. Modique espace à pupitre ancré dans le sol. Sous ses lunettes, Mlle. Folkar était cependant un diable de la fureur, et même si j'avais tenté à de maintes reprises de m'exprimer, la moindre expression de reproche et de rebellion pour elle la mis dans une folie noire, et elle se retint avec tant de mal pour vociférer un grand « VIRE » qu'elle voulait depuis tant d'années.















Quand j'eus remonté les escaliers jusqu'au perchoir de la librairie à clients, je pus enfin voir l'animation dans la boutique : des clients fidèles qui prenaient des dictionnaires dans les rayons pour en replacer d'autres, les gens qui se précipitaient dans des blocs de romans pour les dévorer et les laisser en bordure de sol, des femmes de ménage qui passaient la serpière dans les allées tout en écoutant dans un walkman du Dire Straits et du Elvis Presley et des enfants qui lisaient seuls dans des coins les nouveaux-nés de l'invention F.P Shockstown. Une odeur rance de poussière et de vieillesse trônait dans l'air, avec des volutes de fumée flottant dans l'air d'un bâtonnet d'encens sur le pupitre à Folkar. J'avais tout fait pour ce poste d'été : j'avais épluché les restes du Stimes R.D Herald dans un espoir d'y lire « POSTE D'ETE – LIBRAIRIE COSLAW ». J'avais également numéroté des contacts avec contraception des choses en vain, car toujours étaient-ils des bureaucrates du grand Chicago ou de la capitale d'Amérique. J'ai fini par découvrir la spiritualité-astronome en voulant lire mon avenir... (« La spiritualité est un temps, un temps est une histoire, une Histoire est un atroce souvenir, pas une nostalgie mais un souvenir. La spiritualité cherche à démontrer que l'Histoire est un exploit, que ses trilliards de souvenirs ont créé cette puissante population sur Terre. Et cette population c'est le plus tard de maintenant. Si je lisais mon avenir, là maintenant, si je vous faisais part de ma découverte dans les flots d'encre de ma machine à écrire, ce serait une addition de ma sagesse, de mon propre passé à mon ancien futur. Ce serait le temps spirituel de mon avenir que je lirais...Et je sais qu'à 57 ans, on a pas beaucoup de temps. Je n'ai pas lu dans mon avenir, je ne vais rien écrire malheureusement... Source : Mark Boene Werner, Le petit temps spirituel, Editions Calbrooke, 1976. »). ...pour apprendre ce que j'aurais pu éviter par un élan de bienfaitude, par un élan de connaissance. Malgré mes efforts, tous mes efforts acharnés, la spiritualité me dit avec allégresse : « La seule chose que tu dois éviter, la seule je dis bien, est le travail ». Et je ne l'ai pas écouté. Je pris le poste de Conseiller Littéraire à la librairie Newton Prep'stown de Greenwich Boulevard en pensant détourner cette vision d'avenir implausible. Je ne savais pas à quel point c'était moi qui me trompais inimaginablement. Mlle. Folkar, du haut de son piédestal de songe, à son propre poste de ''Cheffe en chef de la librairie Newton Prep'stown'', balaya du regard son petit empire de lectrice acharnée faussement liseuse mais vraiment visionneuse, les rangées d'encyclopédies autant volumineuses que le poids d'un ours en Forêt, avec ce regard entre sévérité et foi . Je m'assis derrière le pupitre du Conseiller plus grand que mon tour de taille en solitaire.



















Puis j'attendis. Les clients se vidèrent, les billets furent rangés dans un bocal en verre stocké sous le comptoir, la comptabilité s'établit par les femmes de ménage passées à Chuck Berry et les encyclopédies jonchèrent le sol. Et moi j'attendis. Il ne fallut pas longtemps, non. Il me fallut non seulement poireauter dans la même position pendant quarante minutes avant qu'il ne se passe grand-chose : « Patienter est une chose qui se gagne avec la sagesse. Patienter nous ouvre à un tout autre monde : celui de la bonté. Quand le temps n'est plus, il y en a toujours. Et quand la patience est à limite, elle soupire quand même avant de se renouveler. Alors quand bien même, pouvez-vous me dire pourquoi il y a de ces Américains qui agitent des drapeaux très déplaisants sur la voie ferrée depuis deux heures avec une tenue bonne pour le motif d'exhibitionnisme, en train d'hurler qu'ils veulent à tout prix que le métro reparte ? La réalité est toujours plus supportable que le mensonge. Voilà ma réponse. »
Soudain une voix masculine me sortit de ma rêverie, entamant son trop de plein dans la beauté des lieux. La cloche avait tinté trop tôt, le vent était arrivé trop tard, cette silhouette trop vite... Un homme à capuche noire, mains dans les poches, visage masqué dans la pénombre de l'habit sombre, l'air las. Il plaqua ses mains rigides sur le bois de mon bureau, me fixa sévèrement et me dit, avec un ton étrangement neutre : Je veux le jour de la mort J. (Je veux le jour de la mort K.) Hein ? Demandai-je, ahuri. Je veux que vous me donniez l'exactitude du jour de la mort J. Je vous connais, Melvin SPECTRE. Je frêmis. Je blêmis. La peur absolue me fit trembler de bas en haut, j'en fis tomber une étagère de livres entière et me penchai pour les ramasser un à un. J'entendis la voix sépulcrale et très lointaine de Mlle. Folkar, fatiguée par tous ces voiles de gens étonnés (« Mais enfin Melvin, quel maladroit toi alors ! »).
























Comment un homme capuchonné entièrement de noir que je ne connaissais point pouvait-il me connaître ? Comment un HOMME pouvait-il me connaître ? J'étais habituellement discret, personne ne m'appercevait d'autre que la corpulente silhouette de Mlle. Folkar dans son horrible cardigan bleu nuit ? L'homme reformula sa phrase avec un ton plus aigri : Je veux que vous me donniez le jour où on tuera encore... Vous...Vous me connaissez d'où ? Je sais ce qu'a fait votre famille à la mienne, je sais que les SPECTRE sont une famille abominable qui a tenté en vain de tuer toute ma propre famille... Sa voix tremblait presque de tristesse, c'était presque de pitié que je l'entendais décrire tous les détails qualifiant ma famille. Vous êtes des horreurs de la société, vous...Vous... Vous êtes des horreurs, c'est bien ç'a hein ? C'est étrange, la moitié des gens que je rencontre me disent ç'a, p't-êt que j'suis Dieu en Enfer, hein ? Allez vous faire voir !!! Et donnez-moi c'te sale petite date !!! Laissez la spiritualité vous guider... Ses mains abîmées se hissèrent d'abord sur mon cou extrêmement pâle puis se refermèrent sur les plis de sa capuche obscure : plus l'habit partit en arrière, plus mes yeux se figèrent et s'agrandirent. L'homme avait de longs cheveux noirs taillés jusqu'à ses épaules, des yeux sombres lançant de longs éclairs, et un corps très maigre pour ses vêtements trempés et déchirés. Mais ce qui m'effraya le plus, ce fut sa tête, ce fut ce corps si bêtement fabriqué. Son visage était déchiré par une cicatrice et une malformation axée commençant de son menton sur la droite jusqu'au haut de son front côté gauche. Mes mains restèrent figées au pupitre, menaçant de le détacher...L'homme était tout bonnement resté ici des siècles en attendant mon arrivée pour me jeter tout cela à la figure. Mauvais garçon : Je me nomme Minsk White, et je veux que tu me donnes la vérité, sale gamin ! Je vous l'ai donné...
























Sa mâchoire mâchait l'air en de grandes aspirations, et il plaqua ses mains contre mes deux clavicules qu'il essaya tant bien que mal à défaire de leur organe. N'y arrivant pas, il décida de s'assoir et de me tendre ses mains sous mon regard ébahi. C'est pas comme ç'a qui font dans les trucs de voyante ou je ne sais quoi ? Si, si...Mais je ne suis pas voyant, je suis juste...juste un adolescent maquillé par ce poste ridicule. Je ne te trouve pas tant ridicule pour un gosse de ton âge, c'est bien ç'a quand tu veux tuer...j'veux dire, quand tu veux jouer à l'adulte... Je pris mon encyclopédie sur la spiritualité-astronome et lus à haute voix le passage qui expliquait comment lire l'avenir. Je fermai les yeux inutilement et resssentis alors la même force qu'à chaque fois. Cette fois, mon corps entier fut propulsé en arrière, le fracas du siège perçu sur le carrelage, et j'arrivai sur le rebord d'une barrière sur une frontière de roche recrachant les eaux de la chute d'eau. Un long ruisseau s'étalait devant moi, aussi une ombre. Je n'eus pas le temps de me retourner, un autre fracas et je me réveillai de ma transe. Intimement, j'étais le seul à savoir ou comprendre ce don mais maintenant, White m'avait vu. D'ailleurs, il ne s'appelait pas White ni Minsk.
NOM : KRUSPAING PRENOM : RUDOLF AGE : 90 ANS DANS SON ANCIENNE VIE, 51 ANS DEPUIS SA DERNIERE REINCARNATION. PROFESSION : TUEUR DE 1798 A 1969. CHARLATAN RUINE DANS SA NOUVELLE VIE. SIGNE ASTROLOGIQUE : SCORPION POINT FORT : RAPIDE ET DALTONIEN. QUALITE : IL SAIT MANIER DES ARMES, IL SAIT TUER SILENCIEUSEMENT, PERSONNE N'A JAMAIS DECOUVERT SON IDENTITE... DEFAUT : NAIF, MENTEUR ET PROVOCATEUR. AIME : Les framboises qui gouttent quand on les pique sur un grillage. J'avais devant moi un tueur. J'avais devant moi le coupable idéal de tous ces meurtres en série à perpétuité de 1798 à 1969... Alors ? Me ramena-t-il sur terre. L'odeur du sang circulait dans ma bouche. Ma tête était posée sur le carrelage, l'odeur de la mer trônant toujours dans mes narines. Et la chaise était quelques mètres plus loin, pulvérisée par le fracas. Je passai mon index sur l'arête de mon nez, et constatai d'un seul coup du sang sur tout le doigt. J'étais tombé...Et personne n'avait rien entendu ni rien vu pendant mon choc sur le carrelage... ALORS?! Je...Je pense que...Je pense que c'est dans un mois, mais l'avenir est un peu brouillé... C'est ç'a, petit gosse arrogant ! Tu ne sais même pas comment j'ai pu me laisser embarquer par le tueur de ma... RUDOLF KRUSPAING !











L'homme capuchonné sensé se lever resta posé sur sa chaise, le regard ventousé à mon visage, ébahi et nerveux. Il baissa son regard sur une page de mon livre montrant un lion à trois têtes et un homme à six membres attoucheurs. Tout se passa très rapidement et j'aurais dû m'en douter. Rudolf Kruspaing remit sa capuche, il arracha une de mes pages et s'enfuit. Il ne fuit que sa propre peur, il fuit à tout le monde et détruit complètement deux carreaux de la porte de plexiglass qui débouchait sur la Greenwich Boulevard. Par dessus les capots des voitures, entre les amoureux et l'herbe fraîche, les chiens contractés dans leur coin pipi, il les bouscula tous dans leur rêve. Il y a ceux à qui la défaite rend malheureux. Il y a ceux à qui la défaite est une réussite absolue...Puis il y a moi. Moi. MOI ! Et moi, je restai planté devant ce désastre. Kruspaing eut bousculé une vieille et son sac à main seul pouvoir de sa richesse absolue. Elle s'envola littéralement, pulvérisée dans un coin jusqu'au mur, lâchant deux encyclopédies qui détruisent ses omoplates dans sa chute. Son mari, alerté, fut projeté lui aussi dans le caniveau des escaliers séparant la boutique à ma chambre. Seule Mlle. Folkar s'envola vers moi, entre les cris effrayés et les terreurs du bas-monde. Mlle. Folkar qui me dit, entre les débris de verre : Tu connaissais cet homme capuchonné un peu parano, Melvin ? Me demanda-t-elle un peu intriguée. Appelez la police, fus-je seulement capable de dire.

































17Juillet 1996 (JOUR 2) Craig Stone
« LA MORT DE LA VIE » Je me suis réveillé en sursaut. Les cris résonnaient toujours avec violence et fureur dans mon esprit avec les mêmes cris. (SALE GOSSE, TU VAS MOURIR, LA MORT DE LA VIE T'AURA!!) Les balles fusaient et rebondissaient avec énergie sur les murs, la lame d'un couteau grinçait sur les murs de béton du couloir sinistre et obscur. Mon matelas sur le sol était défait et gisait dans un angle bizarre près de la fenêtre. J'avais pleuré, sûrement, car mes joues étaient sèches comme si des larmes les avaient affaibli. Dehors, la nuit laissait une certaine interrogation sur la vie nocturne, et la pénombre devenait impossible pour qu'on se promène en forêt. L'air frais de la nuit me glaçait les pieds mais ma petite couverture tricotée n'était pas à ma taille malheureusement. (TU VAS MOURIR D'UNE RACLEE, VIENS LA RECEVOIR!!!) C'était un homme au cheveux longs et graisseux, si je me souviens bien de mon cauchemar. Il avait le visage déformé par une malformation axée commençant de son menton et finissant à son front, ses habits étaient ensanglantés et déchirés. Et il tenait entre ses doigts usés un révolver Magnum et une lame aiguisée froide. « Il me poursuivait ». Je ne peux résumer l'entière vérité de mon cauchemar mais à cet instant là, j'eus la peur glaciale de toute ma vie. J'eus envie encore de franchir la barrière de la Forêt, encore intrigué par cette brèche qui augmentait le temps rapidement. Comment étais-ce possible ? (VIENS PRENDRE TON CHATIMENT, VIENS TE FAIRE PULVERISER, SALE GOSSE!!!). Une ombre de lumière passait sous ma porte, dévoilant l'ombre carrée de ma mère et un étrange bruissement de vêtements sales qu'elle glissait dans sa machine à laver. Sans m'en rendre compte, je me glissai sur le plancher, sur la pointe des pieds, le bois moisi grinçant sous mon poids. Dans le creuset de mon imagination, tout pensait que ce que j'avais vu était digne de E.T L'extraterrestre et encore, ce n'était pas plus qu'une brèche dans une Forêt Inexistante. Dans le fond de mon esprit, on pouvait à tout moment croire que j'avais tout imaginé du creux de moi-même. Et Dieu sait que je n'aime pas inventer une histoire de gosse, aussi contraceptuel que iconique. Je n'étais pas intellectuel, je n'étais pas dormeur dans les nouveaux endroits qui ne m'inspiraient guère confiance. Je fis un regard au travers de ma fenêtre barrée par une barrière de fer : la pluie martelait les carreaux de Raven Dale, rendant son immense paix à sa propre âme.


















La ville semblait étrangère au mouvement, elle dormait paisiblement dans ses pleurs moroses, son asphalte respirant sous des ruisseaux entiers digne de L'Ocean River de Flint Cant. Les reflets jaunâtres des réverbères s'affaiblissaient au fil du temps, quelques voitures et un pick-up Silverado roulaient lentement aux rebords de la colline. Le pick-up, quant à lui, s'arrêta quelques mètres plus loin, et se laissa porter par le doux paysage dégringolant. Je fermai les rideaux de ma sorte de gêole et partis vers la porte de ma chambre. L'ombre de la lumière avait disparu, me semble-t-il, ce qui me permis de m'immiscer dans le couloir sinistre. L'applique murale de l'ampoule était dans l'abat-jour d'un réverbère, mais l'interrupteur n'était guère présent sur les papiers peints péremptoires. L'eau gloutait dans les sombres ruelles du château, et le jardin du cimetière était plus sombre que jamais. Les couloirs étaient obscurs, trop impressionnistes pour le réel. L'escalier principal était loin dans la pénombre, et même en tâtant les murs, je ne distinguais pas dans le noir la différence entre la rambarde et le mur de papier peint – peut-être la dureté ou bien la même texture de bois. Je sentis les marches grincer sous moi, j'étais à deux doigts de me dérober sous ces moelleuses marches de bois. Pas un pas de travers, me dis-je. Pas un pas de travers, mon ardeur suprême en m'agrippant à la rambarde tout en dévalant un à un les escaliers. Mes chaussettes brûlaient sous les épis de bois, mais ç'a me faisait rien : une faiblesse et je partierais dans l'avant, me brisant la nuque... Un éclair de lumière m'éblouit la figure. L'applique murale s'alluma fébrilement, dévoilant une ombre qui s'avançait rapidement dans la semi-pénombre. Une voix féminine et caverneuse hurla dans le noir, et tant mes pensées ombrageuses m'en voulaient, mon cœur rata un tour en croyant qu'elle était derrière moi. Non, elle n'était pas derrière moi. Y a quek'un ? Hum...Craig, t'es là ? J'avais déjà franchi le palier de l'escalier, et j'avais déjà franchi l'embrasure du salon d'hiver en manquant d'heurter le berceau d'un eucalyptus aux épines râpeuses. La voix continua, de plus en plus convaincante. Et toujours, l'océan tumultueux qui se remplissait fameusement dans la cour sous le porche. La porte d'entrée était à cinquante mètres : la question était de savoir si je ne me ferais pas repérer en y parvenanr à temps. Soudain, derrière moi, la porte frappa d'un air inconnu, une abomination fantomatique qui hurla devant la porte. C'est tout dire si je n'eus pas une syncope en percevant le bruit. La porte avait claqué derrière moi, elle était fermée dès maintenant. Et moi enfermé, dans la fragile pénombre, avec pour seule source de luminosité, une grande véranda d'où les carreaux tanguaient dangereusement dans la tempête. La mort respirait à pleines bouffées dans la même pièce... Je sentais un long souffle inlasable, je sentais aussi quelque chose qui frôlait longuement ma cuisse...














Quand soudain. Quand soudain, dit-on dans les vieux films d'horreur, quand soudain, il mourrut dans les flots insalubres de la mort froide. La mort froide, ce n'était pas les flots de pluie, ce n'était même pas une mort. Il y a les morts brusques et les morts qu'on attend : je pense que j'attendais cette attaque. C'était la mort qui n'était pas des nôtres. L'atmosphère peureuse régnait dans la pièce. Je sentis un nœud encombrant dans ma gorge, comme si on la remplissait d'eau marine. Mes yeux béants et ma bouche grande ouverte auraient très bien pu s'allécher devant autant d'eau mais ils n'éprouvèrent que de la peur et de l'angoisse. (VIENS MOURIR, SALE GOSSE!!!) Tout mon être entier était une fibre mourrante, comme un poids opressant sur une feuille par ce temps pluvieux. Mon corps vibrait d'effroi, mon visage était déformé par l'épouvante, et ma silhouette était paralysée comme jamais : ma gorge était maintenant tant serrée que je n'éprouvais plus aucune sensation d'air. J'étais abattu devant cette pluie qui ruisselait le long des vitres, frappant à tout va le sol pierreux. De petits cercles noirs tourbillonnaient dans mon globe oculaire, perturbant ma vision... Et tout s'arrêta. La poignée de la porte se tourna, ma mère entra en robe de chambre, le visage barbouillé de terreur. Le doigt pointé sur ce qui se révéla être le vide...Elle serra les dents maladivement et s'avança en m'ignorant. J'avais toujours cette impression d'étranglement, mais l'ébranlement de la situation me l'avait presque fait oublié. C'était l'innébranlable situation de l'horreur, qui distille nos curiosités commes nos maux, songeai-je. Ma mère retourna les coussins du divan, fit s'entrechoquer entre eux les berceaux de bois, et vint piétiner les plis de la moquette. Dans cette atmosphère macabre, une maigre odeur de cigarette et de poussière très nettement vieillotte flottait dans l'air. Après l'analyse préliminaire de ma soi-disante mère, elle se retourna, toujours avec la même expression et leva sa grande main qu'elle abattit sur ma longue joue rosée. SALE GOSSE, TU VAS RECEVOIR TA RACLEE !!! hurla-t-elle avec un ton acerbe. Cette fois, je ne sentis pas la douleur aussi. Je sentis la main, pas la douleur. A cet instant-ci, le ciel se rééclaircit et s'ouvrit à de petits nuages de l'aube. L'inéluctable décision de ma mère à me gifler de plus belles fut de son esprit à elle, un peu dérangé aujourd'hui. Elle prit cette décision, et les coups cette fois se firent sentir. Mes joues jonglèrent de sang en sang et mes yeux béants regardaient toujours la même qui s'était vêtue à la va-vite pour venir me frapper. Seulement en 96, on se demande point si on a le droit de nous frapper, nous. La porte grinça mais ne se referma pas aussitôt. Ma mère, quand elle eût été capable de réaliser la chose, s'enleva de son tendre jeu pour refermer la porte avec, comme paroles : TU AURAS NOTRE CHATIMENT, MON PETIT. Mais quel châtiment, demandai-je naïvement. LE CHATIMENT, LE CHATIMENT, LE CHATIMENT DE KRUSPAING.












Je restai là, derrière la porte, ne la matelant guère de coups violents. Je m'assis, la tête entre les genoux, découragé. Je n'aurais fait qu'user ma faible force en essayant de l'ouvrir et personne ne pourrait m'entendre... J'eus alors un de ces souvenirs incompatibles à moi. Le coach Hopkins, de l'équipe les Red Wiles de Houston. C'était un jeune homme de vingt cinq ans, à peu près l'âge de l'ancien quand il mourut d'une descente farfelue aux enfers après un tragique accident de voiture sur l'autoroute. Il avait les cheveux bruns embrouillés, des yeux émeraudes et des tâches de rousseur sur un visage presque trop pâle. Son nez grec embêlissait avec allégresse le reste de son corps athlétique, malgré son manque de sport. D'après quelques filles de mon équipe – que j'évitais comme la mort -, il était célibataire (Sa femme Agneta Fitzgerald l'avait plaqué pour un autre déjanté qui prétendait être un rugbyman professionnel au fait qu'il avait un immense héritage sur son Trust mensuel) et devait être en bon ménage avec l'amour – si elles désiraient lui faire un trop gros baiser. Mais surtout, sa bonne réputation pour les Red Wiles se faisait aussi au collège et lui permettait les avantages de n'importe quel candidat. Sa sagesse était aussi innébranlable qu'un chou, mais sa manière d'être, ses réflexions sur les différents des autres et surtout sa façon de vivre (il ne mangeait jamais de cacahuètes ni de chips, par exemple, ne dépassait jamais l'aiguille des cinquante kilos au risque de devenir obèse, et surtout ne prenait jamais tête au proviseur principal qui n'était pas plus proche d'un glacier que d'un brasier.). Il y avait bien eu cette chance de l'avoir quand il y avait eu la Newton Prep. Mais il n'y avait pas eu d'autres « chances ». Car un beau jour de printemps, la malédiction des profs reprit. Sandy Collines, brave habitante de Kingsley Falls, la ville voisine, et très belle fille de dix-neuf ans en quête des études, et lui, le petit prof malgré lui de vingt cinq ans, adorable et gentil. Tout cette parade finit. Un jour d'avril 1989. C'était au self, tout le monde mangeait à sa guise. Il régnait une atmosphère stable, mais un vacarme abasourdissant entre ces élèves qui se chamaillaient pour n'importe quel morceau de pizza ou n'importe quel contenu de bouteille amoureuse de vie. Hopkins avait prétendu être allé chercher des tables, sans jamais revenir. Quarante minutes plus tard, le jeu était brisé, le soupçon faisait la guerre au proviseur lui-même. Il a ordonné à deux élèves forts de ma classe d'y aller, seulement un en est revenu indemne. L'autre a fait un malaise. Ils tenaient tout deux une canette de 7-Up et s'avançait à pas feutrés dans cette intersections de couloirs étroits dans lesquels les locals sportifs étaient attablés entre eux. Ces deux élèves – Moi et Miles Thonston – s'avancèrent vers ce qui sembla être le seul local assez grand pour ranger toutes les tables et chaises de ce royaume scolaire. Mais quand à nous-seuls nous vîmes les ombres qui s'enlaçait, se bécotaient et se trituraient aux bisous et aux attouchements, nous ne pûmes nous empêcher d'avoir la nausée. Surtout quand nous ouvrîmes le local. La porte n'était pas fermée. Hopkins, le jean descendut jusqu'aux pieds, qui embrassaient presque torse-nu une Sandy Collins, assise sur une table, elle-aussi presque nue.
















Ils se bécotaient malgré la différence d'âge et les différents de la société administrative et éducative sur le fait d'avoir une relation avec son prof. Nous aurions pu ne pas cafter : nous aurions pu garder le secret. Sandy Collins avait financé les journalistes pros et notre Ligue Championne aux différents stades de la ville, elle était généreuse et riche. Monsieur Hopkins nous avait montré les tâcles, les meilleures tactiques pour réussir, il nous avait imposé une réflexion sur le foot et nous l'avait approuvé avec honneur. Dans son regard béant, tout disait en lui qu'il était entre ahuri et horrifié. Et aussi sonné, comme s'il n'avait jamais remarqué notre présence. Il ne sut que prononcer à ses lèvres, d'une voix tremblante : Les garçons ? Les garçons, vous n'allaient p-pas répéter tout ? (NON!) Ce sera notre petit secret, hein ? Et vous aurez une très bonne moyenne sur ce trimestre... Et puis je financerais vos parents, vous aurez chacun six milles sur vos comptes respectifs à tous. Et puis, je vous aime bien moi... Nous avions pris nos jambes à nos coups, derrière les grognements furieux d'Hopkins et les gémissements de Collins en remontant son jean et en revêtant son sweat « I Love America », et nous étions arrivé devant un proviseur plus brûlant que n'importe quel brasier. Alors ? HOPKINSETSANDYBECOTENTDANSLELOCALSPORTIF !!! Hein ? Hopkins et...Sandy...bécotent...dans...le...local...sportif. Et là. Et là Miles Thunton avait hurlé une dernière fois avant de s'effondrer sur le sol, l'air de rien, la langue pendue, et la poitrine se soulevant en d'atroces souffrances. Crise d'épilepsie ! La promotion de 89 fut un carnge macabre. Tout d'abord parce que Thunston dut être envoyé en urgences à l'hospice où il y resta longuement suite à un problème cardiaque révélé trop tard. Parce qu'Hopkins, en faisant n'importe quoi, fut envoyé à Kingsley avec interdiction de séjour à Houston jusqu'à ce que le tribunal le fasse coupable à la Cour et l'emmène en cellule avant de l'abattre par injection létale devant la presse après qu'on ait reconnu certains crimes de son existence de 82 à 89. Puis parce que nous avions perdu notre cheerlader préférée, et qu'elle avait quitté le collège pour aller en pension, enceinte d'un enfant qui allait être plus âgé qu'elle. Les Red Wiles faillirent faire faillite mais on engagea un minable.


















Flint Paterwell. Un corpulent alcoolique qui était au chômage depuis 1978 après une gifle incertaine devant un réalisateur ivre. Un corpulent monsieur en tenue sportive kaki flamboyante qui était non seulement très brutal mais très grossier envers ses élèves. Il ne faisait tant pas de sport qu'il nous laissait dix tours de terrains entier avec le poids de son culot, pour aller s'enfiler six martinis, trois BUD et surtout, deux bouteilles entières de vodka, parfois de vin rouge... Il était pire, et le proviseur l'acclamait. Le début du lycée avait touché à sa fin si vite. Maintenant, j'étais derrière cette porte, le cœur battant, ma respiration haletante qui me disait d'y aller mollo. Il y avait une fenêtre, mais même la briser ne servait à rien, je n'avais en rien quelque chose pour me couvrir... Et si je vous disais qu'à cet instant là, la maison soupira – me semble-t-il encore une fois – et qu'elle me montra au courant de la pluie qui rabattit les derniers volets du château un imperméable jaune, impeccablement couturé et sans déchirures. Je ne pouvais plus me mentir. Je ne pouvais plus faire semblant de croire que tout allait bien, que tout était normal dans cette ville. J'étais obligé de penser qu'il y avait en long un étrange mystère qui planait sur cette petite bourgade huppée du Texas. Je me précipitai de prendre l'imperméable et de l'enfiler, sous les souffles respectables de la demeure. Puis, dans un dernier élan de pouvoir, je me sentis d'un coup plein de force. Peut-être l'adrénaline ou la puissance des évènements. Peut-être fus-je de ceux qui faisaient n'importe quoi... On dis souvent qu'on ne voit ç'a que dans les films d'action, dans les polars noirs ou les livres vraiment lisibles. Mais on ne sait jamais assez vivre trop longtemps pour comprendre qu'on se trompe sur toute la ligne qui nous contourne. Je pouvais à tout moment tout changer, arrêter cette chute atroce qui me dévora de douleur. Mais l’avenir, ce maître implacable du destin, avait prévu des événements qui allaient ébranler les fondations mêmes de son existence dépravée… Des événements qui menaceraient de tout révéler, de tout détruire. Mes bras s'abattirent sur la vitre, la pluie me fouetta le visage dans le froid, mon dur corps se rabattit sur le sol. Douloureux, mes membres se laissèrent tendus, dans une méchante position... Du sang coulait d'une de mes narines, mais je l'essuyai lentement. Ce que je voulais savoir, je savais où le trouver. Rabattant mes bras sur mon visage dans un sale état, je partis à la conquêtes des Olympiques-Politicus, un kilomètre après le cimetière aux tombes insalubres. L'herbe était boueuse, les racines s'enroulaient m'obligeant à tout moment de trébucher... Même si la boue, la pluie et la douleur me déchirait, je continuais de courir vers la sombre Forêt. La bruine fouettait les arbres, les branches tanguaient dangereusement, mes pieds râclaient la boue. Mais rien n'y faisait. Plus tard, je pourrais encore raconter à tous « l'Etrange Aventure de Craig Stone – Tome 1 » dans des livres scindés.















Quand soudain, la Forêt rétrécit en une même pièce étroite et que le même mur de la veille apparut dans mon encontre. Cette fois, je ne la vis pas et mon buste l'heurta de tous son long. Je sentis le béton frapper ma cage thoracique et je crus un instant que j'allais être pulvérisé dans un coin de l'herbe. Mais non. La douleur fut superficielle et j'atteris contre mon gré dans un tas de feuilles mortes, près d'une route d'asphalte usée. Le Dîner était vide de monde, pareille chose pour le Shérif Local. Les bâtiments longeaient vaillemment le trottoir, les vitrines allumées et puant la poussière. Le ciel était bleu pastel, et quelques nuages l'envahissaient. L'odeur était neutre, quelques poussières de pollution avec les moteurs d'usine tournant à plein régime. J'étais parterre, dans le caveau de feuilles craquantes, mais étrangement, j'étais sec, ébourriffé et surtout indemne comme si je n'avais jamais couru dans cette plaine dangereuse. Pendant un autre instant, je crus que j'étais encore dan mon lit, que je venais de me réveiller. Mais quand je vis tout ce paysage champêtre aux alentours, je me relevai alors et je sus que j'avais bien traversé le mur. Les senteurs estivales étaient d'un bonheur si torride dans cette saison ! Et la beauté, la beauté n'était pas superficielle... Une vieille Pontiac me devança. Elle s'arrêta, et une rafale de temps plus tard, elle recula et m'aborda. Un vieil homme la conduisait, des cheveux en abondance sur sa tête, et une barbe grise lui descendant du menton. Il portait d'affreuses lunettes d'écailles mais il était clair que son look vestimentaire lui était exceptionnel. Qu'est-ce que tu fais là, jeune homme, me demanda-t-il, stupéfait. Je...Je me promenais et je suis arrivé dans ce fossé..., balbutiai-je. Mmm. Et tes parents, ils savent que tu es là ? Je faillis dire « Ma mère a voulu me tuer » mais je me tus. Je savais aussi formellement que intelligemment que si je répétais à cette ville meurtrière que j'habitais à Burlington, le vieux monsieur irait vendre ses paroles ailleurs que sur Terre. Il me tendit une main impeccablement propre et me dit, d'un ton neutre : Je sais où t'emmener si tu es un fort jeune homme téméraire... Ah ! Bon ? Oui. La librairie de Greenwich Boulevard, à Raven Dale ici-même. Je t'y emmène sur le champ ! J'ouvris la portière arrière, m'assis sur la banquette et le laissai enclencher la vitesse supérieure pour foncer sur les routes campagnardes de la ville « ASSASSINE ». Mes pensées s'entremêlaient avec cette même terreur d'il y a quelques minutes – ou quelques heures. Même si la voiture trahissait les flots de vieillesse de la ville, l'homme ne roulait pas bien vite, et ne roulait de toute façon pas très bien. Il faillit sortir de la route maintes de fois et heurter du flanc du pneu un pylône grillé sur la grande Felburn Road. Mais comme on dit, la vie prend parfois des virages à 180 degrés. J'avais la perspective que l'on irait au bout du chemin à chaque virage, je ne savais pas à quel point je me trompais.














La vie parfois est un jeu impitoyable dans lequel vous perdez tout le temps. Et d'autres fois, c'est juste le passage d'un film dans lequel vous pleurez à chaque fois pour une raison très particulière. (Théophile est mort, c'était un petit garçonnet !!! Le Méchant c'était le père de Théo !!! Le chien a été tué par le couteau !!! Oh et en plus ils ont osé couper la fin !!! Et j'ai raté le début parce que mon père faisait de l'électrique dans la cave !!! Oh ! Et...). Et moi, je me trompais pour chaque chose que je voulais trouver. La route était respectivement vide, la resplendissante clarté du ciel s'octroyait pour nous montrer le chemin. L'homme que je voyais, cet homme si sympathique, me semblait d'une bienveillance à louer. Mais je me trompais encore... Inébranlable erreur. Vous m'emmenez où, par hasard, demandai-je. Là où les adultes ne viendront pas t'embêter. J'te l'ai déjà dit, p'tit, je t'emmène dans Greenwich Boulevard... Greenwich Boulevard...Encore un de ces noms qui en jettent... Comme pour me répondre, la Pontiac rugit du moteur et arriva maladroitement à quatre-vingt dans une intersection déserte. C'était sensé être quoi, c'te ville ? C'était Raven Dale, la ville du Corbeau. Bientôt, mes présomptions s'estompèrent, et une parfaite allée goudronnée avec le panneau « RAVEN DALE, LA VILLE DES CORBEAUX » colorée comme aux années folles. Il n'y avait plus le grafiti de LA VILLE DEMONIAQUE, et aux alentours, la ville semblait plus édulcorée et jeune que je l'avais quitté tout à l'heure. Ce n'était pas seulement le fait que les maisons étaient briquées et paraissaient plus neuves que la Cadillac Eldorado de Elvis Presley achetée sur Ebay, ni les allées toutes goudronnées. Ce n'était même pas le ciel orangé qui se dessinait sous ces paysages splendides, ni les voitures chez Bill Make qui embêlissaient l'avenue. Non. Non, ce qui était vraiment merveilleux, et surtout très étrange, c'est que la ville était tout en elle plus neuve et rajeunie. Que je la trouvais mieux que n'importe quelle autre ville d'Etat. Même les voitures – là-bas un Suburban Van, et là encore, une Ford Focus orange kaki si vif qu'il provoquait une brûlure de la rétine – me semblaient plus jeunes que moi ! Seule la vieille Pontiac du vieux Monsieur n'avait pas changé : sale, vieille, répugnante. Les routes tremblèrent sous son poids, les gens nous fixèrent avec impression. Mais le plus dérangeant, c'était de voir devant moi. Il y avait de grands immeubles couverts de vitres, des immeubles à bureaucrates ou hommes d'affaires tout droit venus de l'Utah ou de quelque Etat communiste, et les seuls gens qui ne me paraissaient pas chics étaient au nombre de trois, comprenant deux S.D.F dont un demanda à mon chauffeur s'il avait quelques cinquante cents... Non, mais j'en aurais probablement demain. Tocard, fit-il. ...et une vieille femme qui se prenait pour la voyante de tout l'Etat mais qui n'était juste qu'une arnaqueuse qui avait déjà récupéré deux billets de cinq dollars pour son nouveau comte d'épargne. - Ma Irma si tout soûr toâh !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Gauthier FACCIOTTI ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0