La genèse

2 minutes de lecture

A l'origine, un désir d'enfant contrarié par la nature. Malgré plusieurs essais, mes parents ne parviennent pas à produire une descendance. Ma mère finit par prendre un médicament spécialement pour aider la conception. Je ne connais pas le nom de ce médicament, de ce poison presque puisqu'il a fait un mort et failli tous nous emporter. Poison, bénédiction, ça rime mais c'est contradictoire, dans mon esprit aussi. Aujourd'hui je suis heureux d'être né, mais ma naissance a eu un prix que personne ne voudrait payer. Bref, je suis là et c'est comme ça. Mon frère ne peut pas en dire autant. A défaut d'avoir été plus fort, j'ai été plus chanceux.

En effet, le médicament miracle a fonctionné un peu trop bien. Ma mère voulait un enfant, elle en a eu deux d'un coup ! Il faut croire que c'était en promotion, tête de rayon au supermarché des petites graines. Sauf que comme on l'a un peu achetée, la nature s'est rebellée. De ce que j'en sais, la grossesse de ma mère a donné des signes que ça ne se passerait pas bien dès les premiers mois de portance, l'alitement forcé et la souffrance bien présente. Vous me direz, une grossesse multiple c'est toujours à risques, surtout quand c'est une première fois pour la femme. Les statistiques n'ont jamais édulcoré un deuil. Je hais les mathématiques avec leurs branches de probabilités parallèles que la vie parcourt au hasard coefficienté. Je ne dirai pas que mon frère et moi étions de "faux" jumeaux, il n'y a rien de faux dans la chair et le sang. Même si au final, c'est le sang qui a tué sa chair. Hémorragie cérébrale massive, foudroyante. Pas pu le sauver. Personne. Mon père l'a su avant ma mère, et ç'a dû être terrible pour les deux car il a fallu "choisir" de le laisser partir, ce petit bonhomme qui était comme moi en réanimation intensive, "décider" de débrancher les machines. Je souffre encore d'écrire l'indicible horreur, cette absence vide qui me torture, le sentiment parfois d'une présence fantomatique qui m'appelle et que je ne peux rejoindre aussi. Je m'égare, émotions bâtardes et déchirement hagard. Je dois vérifier que je suis entier, totalement et individuellement entier.

Les jumeaux hétérozygotes, c'est-à-dire ceux qui généralement ne se ressemblent pas et sont même de sexes opposés, mais qui grandissent néanmoins ensemble dans l'utérus et naissent aussi ensemble, nous étions et nous sommes toujours lui et moi ce genre de jumeaux. La raison pour laquelle nous sommes passés par la réanimation intensive néonatale c'est que nous sommes nés grands prématurés, à six mois de grossesse et donc fragiles de ces trois mois qui nous manquaient. Je suis persuadé que lui aussi s'est battu de toutes ses forces pour vivre. J'ai gagné la guerre qu'il a perdue. Au final, je m'en tire avec beaucoup moins de séquelles que ce dont j'aurais pu écoper. Initialement il s'agissait uniquement d'une très grosse fragilité aux infections respiratoires, fragilité qui s'est très améliorée, et un handicap neuromusculaire que je parviendrai aussi à dominer mais qui ne guérira jamais complètement. J'ai eu la chance sur moi de ce côté-là au moins.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Adri M. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0