Patatrac !
Patatrac ! La peur monte, ça se détraque. Dans ma tête et dans mon cœur. Toi que je croyais une amie que fais-tu ? Qui de nous deux a commis la première faute ? L'arbitre siffle, siffle dans mes oreilles rouges de colère, mais ça n'arrête pas les joueurs devenus fous de se frapper pour le ballon qui martèle les parois de mon crâne en carton.
Est-ce que tu joues à ce jeu que je hais de toutes mes forces, ou bien est-ce moi qui ne te vois plus qu'au travers de ce prisme de verre ensanglanté ? Je ne suis pas un jouet, je ne suis pas ton jouet. Je cherche... un peu d'air... pour souffler la poussière qui floute mes idées. Je ne sais plus de quel côté je suis, je ne vois presque plus la barrière, le garde-fou. Je tâtonne en aveugle les circonvolutions de mon cerveau rongé de doutes et de paradoxes incompatibles.
Je l'aime vraiment beaucoup cette amie / cette personne / cette... ennemie ? Peut-on aimer quelqu'un qui nous fait du mal ? Je crois connaître la réponse et elle ne me plaît pas. Le fait-elle consciemment, volontairement ? S'agit-il plus simplement de taquineries et de boutades innocentes que j'interprète, que je ressens comme des agressions ? C'est comme ça que ça commence, des vilains mots puis des mauvais coups. Sauf que ça n'ira pas jusque-là cette fois. Pas dans un lieu de soins, de protection, pas dans un hôpital.
C'est sûrement ça, si je suis à nouveau hospitalisé c'est que ça va mal. Et quand ça va mal, ça fait potentiellement patatrac. Moi j'aime pas la pâte à trac, tant que ça reste malléable ça va mais si ça cristallise on ne peut plus rien en faire à part la briser en tout petits éclats tranchants qui percent ma peau et l'embrasent de mille douleurs chauffées à blanc.
Dans un coin de mon esprit, acculé, le phénix brûle. Ne souffle pas sur les braises, ne remue pas les cendres froides. Je suis pris dans le brasier d'un délire qui cherche à se renouveler et je ne veux pas t'y mêler, détache-toi de moi avant que je ne tombe. Détache-toi ou c'est moi qui te détacherai, de gré ou de force. J'ai lu tes maux, du moins ceux que tu m'as contés. Je les ai acceptés en toute amitié. Maintenant tes mots me blessent et je n'ai de cesse de te protéger, de ne pas t'emporter dans mon implosion. Je te sens encore si fragile et moi, le poison de la colère remonte le flot tumultueux dans mes veines.
Ne t 'accroche plus à moi, je vais tomber.
C'est si dur de savoir que si je bascule mon état fera du mal à ceux qui me sont chers, c'est si dur de se sentir impuissant à protéger ceux qu'on aime quand on a besoin d'abord de se protéger soi-même. J'ai déjà vécu un délire de persécution envers un membre de ma famille et là je sens bien que ça recommence contre quelqu'un qu'évidemment j'adore... Que j'adorais ? Oh, je ne sais plus, je suis perdu, perdu, perdu.
Perdu.
(Je précise quand même après-coup que je n'ai jamais attaqué quiconque et que mon amie dont il est question est indemne autant que son propre état de santé le lui permet. Bien pris en charge et soigné tôt, un délire en recrudescence peut être enrayé avant que tout n'implose. A force, j'arrive à détecter les symptômes avant-coureurs et à demander de l'aide quand il faut.
Les personnes schizophrènes ne sont généralement pas violentes envers autrui, même en crise, par contre en quelques jours avant le retour à ma normalité personnelle, j'ai eu le temps de me faire du mal à moi-même, d'avoir des humeurs suicidaires et de me faire insulter de "pauvre zinzin" alors que j'étais simplement un peu désorienté dans les rues pour un rendez-vous médical.)
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