Chapitre 12 - 3

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Rosalie se tourna vers Amerius. Il n’avait pas l’air surpris.

– Je vous l’ai dit. Noé avait le culte du secret. Je ne serai pas surpris qu’il y ait d’autres passages comme ceux-ci.

Elle récupéra la lampe sur la table et s’avança vers les marches, mais Amerius lui saisit le poignet.

– Attendez.

– Pourquoi ? Nous sommes plus susceptibles de trouver des réponses ici.

– Ce passage est peut-être inconnu des autorités, et donc non sécurisé. Regardez l’état des bâtiments.

La charpente pourrie semblait en effet sur le point de s’écrouler. Le bois grinçait au moindre coup de vent.

– On ne va pas renoncer pour une histoire de plafond. Faites comme vous voulez, mais moi j’y vais.

Elle se déroba et se baissa pour entrer dans le passage.

Les marches de pierres étaient glissantes d’humidité. Rosalie se maintenait au mur d’une main, l’autre fermement serrée autour de la lampe. Amerius la suivait de près, sa canne frôlant ses chevilles. Après une vingtaine de marches, l’escalier s’arrêta. Ce fut Amerius qui trouva l’électricité, révélant une vaste pièce. Rosalie posa la lampe sur les marches.

Elle s’avança de quelques pas, incertaine, avant de s’immobiliser. Amerius était tout aussi muet. Elle n’aurait pas su dire devant quoi ils se tenaient.

Un rectangle de verre occupait presque tout l’espace. Rosalie l’estima de deux mètres de haut, pour le double de longueur et à peu près autant de largeurs.

Sa surface était gravée. Chaque recoin de verre avait été recouvert d’équations magiques. Rosalie s’approcha et étudia les formules de plus près.

Le verre était creusé de manière inégale. Les signes étaient parfois nets et précis, ou au contraire hasardeux et tremblotants. Comme si la main avait gravé jusqu’à l’épuisement.

Rosalie se pencha sur les suites de symboles qui n’étaient pas codés par une signature.

Elle ne comprenait pas ce qu’elle lisait, mais les équations semblaient toutes former un seul et même sort. Recopié sur du papier, combien cela ferait-il de feuilles ? Cent ? Mille ? La formule du matériau lunaire n’était rien en comparaison.

Il lui sembla reconnaître des symboles directionnels utilisés dans les boussoles magiques, qui servaient à enregistrer la position d’un lieu donné de sorte à toujours pouvoir le retrouver. Mais ici, ils étaient décuplés, associés à d’autres termes qui n’avaient normalement aucun lien. Qu’est-ce que Noé avait vu dans cet assemblage ?

Un déclic fit tourner la tête à Rosalie. Amerius venait d’ouvrir une porte par laquelle il s’engouffra dans le rectangle. Rosalie le suivit. Sous ses pieds, la pierre du sous-sol avait été remplacée par du carrelage. Sauf que le rectangle n’avait pas été posé par-dessus. Il était soudé, de même que des joints métalliques entouraient de la porte. Le carrelage était fendu à plusieurs endroits, comme si un poids important avait été jeté dessus. Parfois, il avait même disparu, remplacé par du parquet ou de la terre. Rosalie s’accroupit. Ces morceaux de sol étaient imbriqués de manière hasardeuse, mais parfaite, avec le carrelage. Comme s’ils avaient fusionné.

Déroutée, Rosalie se releva. Elle qui avait toujours eu de l’instinct avec la magie industrielle, était désormais perdue face à celle-ci. On plongeait dans l’irréel, le théorique devenu vrai.

– Vous y comprenez quelque chose ?

Amerius ne répondit pas. Il sortit en trombe du rectangle, le visage livide et perplexe, et se dirigea vers des étagères se disputant le peu d’espace que le verre n’avait pas envahi. Il se figea. Rosalie le rejoignit. Le sol était jonché de papiers, les boîtes renversées ou aplaties. L’une des étagères avait basculé sur l’autre. Amerius se pencha et ramassa une feuille au hasard.

– Ils ont tout pris.

– Qui ça « ils » ?

– Je ne sais pas, souffla-t-il.

Il s’accroupit et entreprit de lire chaque feuillet.

Rosalie avisa soudain une porte sous l’escalier. Elle l’ouvrit et fut aussitôt assaillie par une odeur de pourriture. Elle plaqua le dos de sa main sur son nez et avança prudemment dans la pièce, dont l’ampoule s’était allumée en même temps que les autres. Un bureau trônait au centre de la petite salle de travail, entouré d’étagères tourmentées par ce qui ressemblait à une fouille intense. Rosalie fit quelques pas vers le meuble. Une forme semblait se trouver derrière.

Elle poussa un cri et manqua de tomber en reculant trop vite. Amerius se précipita dans la pièce, des papiers encore en main. Rosalie lui désigna du doigt ce que la lumière lui avait révélé.

L’éclat blanc d’un squelette gisant sur une chaise renversée. Un trou avait perforé le crâne entre les yeux. Il portait encore ses vêtements, grignoté par les nuisibles. Un haut-de-forme avait roulé dans un coin, tandis qu’un pince-nez doré avait glissé des os pour s’échouer sur la pierre.

– Qui est-ce ? murmura Rosalie.

Amerius s’approcha des restes, à moitié réduits en poussière, sans faire montre de dégoût. Rosalie le vit ouvrir la veste du bout de sa canne avant d’en tâter les poches. Finalement, il se pencha et récupéra le pince-nez. Il l’étudia, sa mine devenant le plus en plus préoccupée.

– Merde, jura-t-il.

Rosalie fut davantage choquée de l’entendre parler ainsi que d’avoir découvert un cadavre.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

– J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle.

Voyant qu’il réfléchissait encore, Rosalie le pressa.

– Alors ?

– La bonne, c’est que Noé n’est pas entre les mains des Basses-Terres. La mauvaise, c’est que nous avons affaire à un imposteur.

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