Chapitre 5.
Le soleil surplombait le ciel, lui donnant une jolie teinte orangée. Ce magnifique paysage, qui d'ordinaire était la récompense d'un réveil matinal, avait un goût amer. Le goût amer de la fin de notre histoire et du début d'un nouveau chapitre de nos vies.
Je le savais déjà depuis des semaines, ce jour arriverait. Je n'avais jamais réalisé qu'il était arrivé si vite, si brutalement. Je n'avais jamais réalisé, durant ces dernières semaines, que la séparation était inévitable. Ce n'avait été qu'une question de temps avant que nous ne soyons séparés à tout jamais.
À quelques heures de mon vol pour la Nouvelle-Zélande, je me rendais compte de mes sentiments à son égard. Ce n'est qu'à quelques heures de mon départ pour l'autre bout du monde que je compris la raison de cette séparation. Elle était dure à avaler, cette raison, mais elle était bien là. Nous ne pouvions plus l'ignorer, nous nous sommes déjà tant blessés.
Max s'était endormi entre mes bras, je n'osais pas le réveiller. L'écran de mon portable indiquait cinq heures dix-sept, le sien n'allait pas tarder à sonner. Max ne s'éterniserait pas entre mes bras, il ne me restait plus que quinze petites minutes pour profiter de sa présence.
Mon regard s'attardait sur ce doux visage que j'avais tant aimé. Ce doux visage dont je connaissais les traits sur le bout des doigts, que j'avais aimé embrasser.
Jamais je pourrai oublier son expression faciale, lorsqu'il est dans les bras de Morphée. Ses traits étaient détendus, il était si paisible. La nuit était le seul moment où il n'avait pas cet air stressé incrusté sur ses traits. Il semblait paisible, innocent et tellement loin de toutes les responsabilités qu'il devait porter sur ses minces épaules.
Un petit rictus se dessinait sur ses fines lèvres, il savait que j'étais en train de l'observer. Il l'avait compris. Mine de rien, je détournais mon regard en espérant ne pas m'être fait repérer.
Il se mit à gigoter, ses mains approchèrent son visage qu'il frottait avec douceur. Il rabattait ses mèches rebelles vers l'arrière de son crâne pour dégager son front. Ses paupières s'ouvrirent enfin, ses iris se posèrent sur moi. Son rictus n'avait pas quitté son visage.
— Tu n'as pas dormi ? me questionna-t-il en dégageant quelques mèches de mes joues.
— Je n'avais pas vraiment sommeil, cette nuit.
Je souriais en lui balançant ces quelques mots. Il ne me répondit que par un sourire plus grand, resserrant ses bras autour de ma taille. Ses lèvres déposèrent un tendre baiser sur mon front puis un autre sur le haut de mon crâne. Je me contentai de resserrer mon étreinte, espérant naïvement que nos corps seraient scellés à jamais et donc impossible à décoller.
Aucun de nous deux ne bougea, nous restons dans cette position pendant quelques minutes avant que son stupide réveil ne se mette à sonner. C'est à ce moment-là que mon cœur se déchira.
Max ne bougea pas tout de suite, il resserra un peu plus son étreinte. Lui non plus n'avait pas envie de me laisser partir, il semblait s'accrocher à mon corps comme je m'accrochais au sien.
Il déposa un dernier baiser, se détacha de moi et éteignit enfin ce foutu réveil.
Assis sur le rebord du lit, la tête bien droite. Il me surprit en ne bougeant pas. Il lâcha un soupir, repassant une main dans ses mèches blondes. Je l'entendis murmurer quelques mots que je ne réussis pas à distinguer, puis il se mit à racler sa gorge. Il prit une longue inspiration avant de prendre la parole.
— Tu n'as que quelques mots à me dire et je défais mes valises, Isaure.
Ces mots me firent l'effet d'une bombe. J'eus, dans un premier temps, l'impression de rêver. Peut-être que j'étais si triste et désespérée que j'avais eu une sorte d'hallucination auditive, quelque chose à quoi me raccrocher. Malgré cette possibilité, qui était plus que probable, je ne pouvais empêcher les fameux papillons de se répandre dans le creux de mon estomac. Quelques frissons parcoururent ma peau alors que ses mots résonnaient dans ma tête.
J'étais là, assise au beau milieu des draps. Bouche bée, je ne pouvais plus quitter son dos des yeux. Je n'arrivais plus à réfléchir, c'était à peine si j'arrivais encore à respirer, j'étais surtout perdue.
Les muscles de son dos bougèrent doucement, m'indiquant que ses mots n'étaient pas une hallucination. Il les avait réellement prononcés, il attendait ma réponse.
Max me faisait maintenant face, son air inquiet m'indiquait que j'avais gardé le silence assez longtemps.
Je sentis une vague de panique m'envahir, je ne savais que répondre à cette question. J'étais enfin prête à le laisser s'en aller, le voilà qu'il me demandait de le supplier de rester. Étais-je cruelle ? Étais-je encore amoureuse ?
Dans son regard insistant, je pouvais distinguer une part de culpabilité. Il y avait aussi une once d'envie, de passion. J'inspirai à mon tour, cherchant mes mots. Comment pouvais-je lui dire ce que j'avais sur le cœur ?
— Max... Je, bredouillai-je ne sachant pas comment formuler mes pensées. Non, tu dois y aller.
Son regard changea du tout au tout. Je ne saurais décrire ce qu'il y avait dedans, ni même quels sentiments étaient en train de le traverser à l'instant présent, mais je peux vous assurer qu'il ne s'attendait pas à cette réponse.
Le blond ouvrit ses lèvres, aucun son n'en sortit. Il grattouilla le haut de son crâne, ses sourcils se froncèrent. Nous restâmes plongés dans le silence pendant plusieurs secondes.
— Je me suis rendu compte, cette nuit, qu'il m'était impossible de vivre sans toi. Je ne veux pas partir, pas sans toi, souffla-t-il finalement.
— Maxime, non. Ce n'est pas une bonne idée !
Son regard me questionna. Il ne posera pas la question de vive voix mais je le savais, il attendait une bonne raison. Il voulait savoir pourquoi je le poussais à me quitter, pourquoi je ne voulais plus que l'on forme un couple.
Je n'en avais aucune idée, pourquoi voulais-je le laisser partir ? J'étais tellement attachée à lui, c'était mon meilleur ami.
— Je ne t'aime plus, c'est simple.
— Mais moi je t'aime !
— Non, tu ne m'aimes plus non plus. Tu as juste peur de te retrouver seul après tant d'années. Nous ne nous sommes jamais quittés, nous avons toujours tout fait ensemble. Je suis ton repère, tu es perdu sans moi. Mais la dépendance n'est pas de l'amour. Ce n'est plus de l'amour, Max.
Son teint devint pâle. Ses yeux s'écarquillèrent. J'avais raison, il le savait. Nous ne nous plaisions plus, nous ne nous regardions plus. Il y avait encore des sentiments entre nous, oui. Mais ce n'était plus de l'amour, pas l'amour nécessaire pour former un couple.
— Je ne veux pas te perdre, Isaure.
— C'est bien le problème, Max. Tu penses que tu m'aimes parce que tu as peur. Mais l'amour n'existe plus, il n'a plus sa place entre nous.
Max hocha la tête. Il se contenta de me lancer un dernier regard avant de quitter la pièce. Je venais de le briser. Et si l'amour existait encore entre nous ? Était-ce une mauvaise passe ? Beaucoup de couples de notre entourage vivent ça, l'amour qui meurt tous les dix ans. Mais ils réussissent toujours à faire renaître la flamme, contrairement à nous.
Nous, nous n'avions jamais été doués pour se dire les choses. Nous n'avions jamais été forts pour se partager nos sentiments, nous n'y arrivions jamais par les mots. Notre amour se vivait au travers de nos corps. C'était notre seul moyen de communication, le meilleur.
Mais nos dernières nuits d'amour n'avaient pas été fameuses. L'amour n'y était plus, et ça ne pouvait pas tromper. On le savait tous les deux, le livre devait se refermer aujourd'hui.
C'est pourquoi je me décidais enfin à refermer ce livre pour en commencer un nouveau, loin de lui, loin de nous.
Je t'aime Maxime.
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