Chapitre 16

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Le visage caressé par la douce chaleur de ce soleil d’après-midi de la mi-novembre, Solène poussa un soupir d’aise. Au parc Longchamp, assise sur la pelouse dans les bras de Nicolas adossé au pied d’un arbre, vêtue de sa robe jaune qui la couvrait jusqu’aux mollets, en dessous de sa veste en cuir d’hiver et son écharpe. Le couple profitait du silence ponctué par les discussions des gens, leurs bruits de pas, les gazouillis des oiseaux alentours et le bruissement des houppiers.

– C’est donc là que tu te rends souvent avec tes copines, commença néanmoins Nicolas. C’est vrai que c’est sympa.

– Il n’y a pas plus apaisant, je trouve. C’est parfait pour se reposer après une journée de cours, surtout quand tu sors d’une interro.

– Moi, c’est le Vieux Port qui me fait cet effet-là. J’adore m’y rendre le soir, quand y a dégun[1] sur le quai. On y va de temps en temps avec Patrice pour y parler de tout et de rien.

– T’y vas jamais le jour, alors ?

– Rarement. Ça m’arrive une fois tous les 36 ans, quand j’ai envie de m’aérer la tête et voir du peuple. J’adore arpenter le Vieux Port après la mise en ligne d’un gros article dans les quatre langues de mon site, par exemple. Mais c’est rare que je le fasse dans l’après-midi.

Solène eut une petite moue devant cette précision. Elle ne réalisait pas encore que Nicolas écrivait lui-même son site en français, anglais, ukrainien et russe… Pourtant, c’était précisé dans sa page de présentation.

– Je vois, fit-elle. Moi non plus, je n’aime pas quand c’est bondé.

Nicolas ne répondit pas. Sa main trouva celle de Solène et entremêla ses doigts avec les siens. Ils restèrent comme ça, immobiles, pendant plusieurs minutes.

– Je peux savoir quels sont les films que tu préfères ? relança Solène.

Nicolas haussa les sourcils.

– Les films que je préfère ? Pourquoi donc ?

– Je prévois de regarder quelques films de science-fiction en me basant sur ton site. Donc j’aimerais savoir lesquels tu me conseillerais en priorité. Il y en a tellement que j’ai du mal à savoir par où commencer…

Le jeune slave réfléchit quelques secondes, sans cesser de lui caresser machinalement le dos de la main avec son pouce.

– Quel film je préfère… je te répondrais comme pour Patrice : j’en ai pas. J’ai jamais su départager. Mais toi, ça dépend des thèmes qui t’intéressent et si tu préfères les films simples ou les sagas.

– Bah, je ne m’y connais pas trop, je t’avoue… Avant de te rencontrer, pour moi, la science-fiction, c’était des vaisseaux qui se battent dans l’espace ou des robots qui font la guerre aux humains quand ce n’est pas une espèce extraterrestre. J’ai essayé Star Wars et Matrix, mais je n’ai jamais vraiment accroché. D’ailleurs, j’ai fini Matrix, mais pas Star Wars. Mais grâce à toi, je commence à voir la science-fiction d’un autre œil. J’ai vraiment adoré Seul sur Mars. C’est pour ça que je te pose la question.

Un silence s’installa à nouveau entre eux. Nicolas leva les yeux et vit les feuilles de l’arbre se trémousser allègrement dans une danse harmonieuse, découpant le ciel en plusieurs morceaux de leur tranchant.

– Puis, j’ai même réalisé qu’il y avait une grosse part de psychologie dans ces films, et tu sais que c’est quelque chose dont je suis très friande. Je suis sûre que je vais me régaler.

L’Ukrainien lâcha un petit rire et baissa les yeux sur sa belle chevelure flamboyante. Son pouce s’interrompit.

– Que dirais-tu de venir chez moi, dans ce cas ? Ça nous permettra de voir tout ça sur place, en direct. Ce sera beaucoup plus facile.

Elle accepta joyeusement l’invitation et ils se levèrent pour sortir du parc, enlacés.

***

Nicolas alla ouvrir sa vidéothèque pendant que Solène posait ses affaires sur le canapé. Curieuse, elle le rejoignit rapidement et parcourut sa collection, estomaquée. L’étagère, pourtant large d’environ 80 centimètres, en était remplie d’un bout à l’autre. Sur ces boîtiers étaient même empilées trois piles et demie jusqu’au plafond, plutôt élevé, du meuble.

– Tu dois avoir autant de films que j’ai de livres dans ma chambre… C’est fou.

– Eh ouais ! Quand je dis que je suis dingue de science-fiction, c’est pas du chiqué ! Comme tu le vois, y a du choix.

Solène hocha distraitement la tête en examinant les titres. Elle en découvrit même quelques-uns qui lui étaient inconnus et dont Nicolas lui résuma brièvement l’histoire. À l’issue de quelques minutes, elle fit une moue, indécise. Amusé, Nicolas se chargea donc d’en piocher un après quelques secondes de réflexion.

Eternal Sunshine of the Spotless Mind, tu connais ?

Elle lui répondit à la négative. Il s’occupa de relier son appareil à la télévision, puis l’invita à le rejoindre sur le canapé.

Ils restèrent silencieux durant presque tout le métrage, à l’exception de quelques scènes. Le silence presque solennel fut brisé lorsque Nicolas lui demanda son avis en rangeant le film dans son étagère. Comme il s’y attendait, sa copine avait encore une fois apprécié l’histoire.

– Tu as bon goût, répondit Solène. Mais… je croyais que tu détestais les films d’amour.

– Je déteste les films d’amour à l’ambiance guimauve, nuance.

– D’accord, d’accord. Et tu en as d’autres, encore, des comme ça ?

– Des tas ! Si tu veux que je t’en prête, tu n’as qu’à demander, ne te gêne pas !

– Très bien, je vais y réfléchir. Mais, pour commencer, ce serait bien qu’on revoie ensemble Nausicaä de la vallée du vent.

– Celui grâce auquel tout a commencé, hein… rit-il. T’as lu tout mon site, en fait.

– Ta page de présentation est juste très instructive.

Lorsqu’il revint s’asseoir à ses côtés, elle se pelotonna dans ses bras. Nicolas l’enlaça et lui caressa le bras en contemplant sa robe.

– S’il y a quelque chose qui ne va pas dans notre couple, on en parlera, hein ? s’assura-t-il.

– Évidemment, s’amusa-t-elle, pourquoi donc ?

– Je préférerais ça plutôt que tu te fasses lobotomiser pour m’oublier.

Elle s’esclaffa et lui offrit un baiser chaleureux en réponse.

– Pourquoi je voudrais t’oublier ? Déjà. Non, je me contenterai de changer de teinture, comme elle. Je me sens heureuse avec toi, je sais pas si tu l’as remarqué.

– Bah, je sais pas, pour une raison que j’ignore…

La jeune blonde l’embrassa à nouveau en lui chuchotant de se taire. Le slave passa sa main sur sa joue, son cou, et fit glisser de son épaule une des bretelles de sa robe.

Solène s’étendit sur le canapé pendant qu’il explorait sa taille, sa hanche, sa cuisse… puis rompit le baiser en riant.

– Ce ne serait pas plus pratique d’enlever tes lunettes, non, gros bêta ?

Nicolas hocha la tête et retira ses lunettes qu’il lança sur sa table basse. Après quoi il s’aventura dans son cou, procurant une douce chaleur à Solène qui lui caressa les cheveux en soupirant. Cette sensation délicieuse s’amplifia encore quand il descendit. Les lèvres tremblantes, elle frotta sa jambe contre la sienne, puis Nicolas la souleva doucement du canapé puis lui ôter sa robe. Son cœur s’emballa encore un peu plus à la vue de son corps dénudé, mais il dut la laisser retirer son t-shirt avant de pouvoir repasser à l’attaque.

Souhaitant faire durer le plaisir, mais aussi la faire languir, le cinéphile caressa sa peau avec sa langue. Les soupirs de Solène, qui renforça son étreinte sur le coup, l’encouragèrent. Il la mordilla pour accentuer ses réactions. Quand les mains de celle-ci déboutonnèrent son pantalon, le slave le retira à coups de jambes.

Ils finirent entièrement dénudés. Le cinéphile plongea son visage dans la poitrine de la jeune femme, qui en soupira de plaisir. Son appétit ne cessant de grandir face à la fièvre de sa chair savoureuse, il se frotta contre elle d’un mouvement doux et frénétique.

Ses soupirs hédonistes intensifièrent l’émotion de Solène qui l’invita à passer la porte dans un calme maîtrisé à grand peine. Il enfila donc sa protection, mais, désirant encore savourer la tiédeur de sa peau, se serra contre elle et l’embrassa à nouveau sur ses lèvres.

Alors que leurs langues entraient en communion, le slave fit son entrée dans la forteresse. Le cœur de Solène, déjà furieux, s’emballa. Une chaleur intense l’enveloppa sans pitié, lui tirant cette fois un gémissement. Elle rompit leur baiser sous le coup de l’émotion et ferma les yeux pour s’abandonner à lui.

Nicolas, collé contre elle par son étreinte, allait chercher un plaisir plus intense à chaque mouvement frénétique qu’il faisait. Encouragé par les soupirs brûlants, de plus en plus intenses, de sa partenaire, dont les mains se crispaient sur son cuir chevelu.

La cadence continua d’accélérer, le plaisir atteignit des sommets. L’extase des deux amants fit trembler le canapé. Leurs soupirs devinrent cris. Solène agrippa Nicolas pour l’amener plus en avant encore.

Enfin, ils s’envolèrent. Les étoiles dansèrent par milliers autour d’eux. Leur cœur faillit exploser, leur corps devint incontrôlable.

La volupté, pourtant rapide, leur sembla durer une éternité exquise.

Essoufflés, le calme revenu, Nicolas rompit leur union et s’allongea sur le canapé à côté de Solène, qui retrouva volontiers le confort de ses bras. Il la caressa et la germanophone glissa un baiser dans son cou.

Il tourna la tête vers elle et contempla son visage épanoui.

Heureuse. Les cheveux désordonnés et humides, le visage brillant de sueur.

Mais heureuse.

Ses lèvres, embellies par sa plénitude, s’ouvrirent doucement.

Un chuchotement.

– Je t’aime…

[1] Argot provençal : personne

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