Le Manteau de Balder
Saviez vous que Balder possédait un manteau ? Un manteau aussi blanc que l’étaient ses cheveux. Dès qu’il le revêtait et rabattait la capuche, il ne faisait plus qu’un avec lui et devenait invisible. Dès qu’il ôtait celle-ci, il devenait à nouveau visible, mais sa beauté s’en trouvait décuplée et personne ne pouvait lui résister. Ainsi était-il capable de convaincre n’importe qui de se rallier à son opinion. En bien des circonstances, ce manteau sauva la mise des Dieux lors de négociations, de tractations avec les ennemis d’Asgard quand Balder était envoyé en mission diplomatique, ce qui arriva de plus en plus par la suite. On dit même que plusieurs fois Balder s’en servit pour sauver la tête de Loki.
Je ne sais pas si cela est vrai mais cela se peut sachant que c’est effectivement Loki qui l’offrit à Balder ! L’a-t-il fait consciemment connaissant l’attachement que ce dernier lui témoignait ? Rien n’est plus sûr ! Le fait est que Loki le fit tisser par les nains qu’il paya avec une magnifique pierre précieuse enchantée appartenant à Odin. Toujours jura-t-il qu’il ignorait qu’elle fut à Odin, car il prétendait l’avoir trouvée près du puits de divination qu’utilisait quotidiennement Frigg. Chacun avait son idée sur la manière dont il se l’était véritablement procurée, mais tout le monde se tut de peur de voir Loki s’engager dans ses sempiternelles diatribes dont aucun ne sortait généralement indemne nerveusement et physiquement !
Quoi qu’il en soit Odin avait récupéré sa pierre avec l’aide de Heimdall qui avait en permanence un œil dans les mondes et l’autre sur Loki. Le mal avait été réparé avec l’aide précieuse du trésor d’or et de merveilles d’Odin qui avait connu quelques pertes : il avait dû racheter sa pierre et payer compensation pour le manque à gagner qu’occasionnait la reprise de celle-ci pour les nains. Balder y gagna un manteau, Loki la gratitude de Balder et le ressentiment d’Odin qui, lui, n’y gagna absolument rien… mais après mûres réflexions et quand sa contrariété se fut envolée, il convint que ce vêtement serait fort utile dans les affaires d’Asgard. Il permit à Balder de le garder et de l’utiliser à sa convenance seulement si celui-ci se mettait à disposition vêtu de son bel habit lors de délicats pourparlers avec les coriaces adversaires, car nul autre que le dieu lumineux ne pouvait bénéficier de ses pouvoirs.
Sur tout autre que lui, il n’avait aucun effet, cela contraria Odin au premier abord quand il l’essaya loin des regards, mais il s’était dit que c’était un mal pour un bien : si sur lui aucun effet n’était visible, il était probable que sur Loki il n’y en aurait pas plus quand celui-ci aurait l’idée de l’emprunter, ce qui arriverait tôt ou tard.
Les nains sont perfectionnistes de nature et ont la fâcheuse manie d’améliorer les commandes passées sans en informer leur solliciteur. Il en fut de même pour le manteau de Balder, les indications reçues avaient été suivies à la lettre mais quelques modifications s’étaient glissées dans le cahier des charges et avaient échappé à l’attention de Loki. Ce n’est que bien plus tard qu’il découvrit fortuitement de quoi il s’agissait, ce qui fournira matière à une autre histoire. Enfin Balder décida tout de même de n’utiliser son beau manteau pour son usage propre qu’en la saison d’hiver pour éviter que son père ne lui en tint trop rigueur, ainsi sa belle lumière était cachée sous le tissage magique et à la saison chaude, il s’en découvrait, sa lumière était visible de tous.
« Voici donc mon bien aimé
Un présent qui t’est destiné,
Rien pour toi n’est trop beau
Que cet éclatant manteau.
Des rayons du soleil naissant
Pour toi mon bel amant
À tes cheveux au blanc pareil
S’accorde à merveille.
Un ouvrage par les nains tissés
Pour toi mon compagnon adoré,
Un trésor par mes soins envoyés
Des profondeurs embrumées.
– Voici donc mon bien aimé
Un présent qui m’est destiné,
Rien pour moi n’est trop beau
Que cet éclatant manteau.
Qu’as tu donc engagé
Pour obtenir cette pure beauté ?
Quel prix as tu payé
Pour cette folie qui t’as traversé ?
– Qu’ai-je donc engagé
Pour cette folie qui m’as traversé ?
Que peu en vérité
Pour te voir ainsi paré.
Du bel éclat de l’astre grand
Jour et nuit tu brilleras dorénavant,
Aucune ombre ne barrera
Ton sourire au doux éclat.
Au-dessus des mers tu voyageras
Quand le ciel incandescent blanchira,
Par le vent tu sèmeras
Invisible dans le souffle délicat.
– Je sais reconnaitre, mon ami
De ce don le haut prix,
Pour quelle manigance habile
As-tu couru inutile péril ?
– M’en veux tu de t’aimer
Bien plus que tous les êtres rassemblés ?
Majestueuse est ta lumière,
Elle est plus que ma vie entière.
En mon nom j’ai échangé
Une gemme si finement enchantée
Par notre père égarée
Que les elfes n’ont pu résister !
Par un hasard heureux
Et de son œil valeureux,
Il a son anneau retrouvé
Dans l’antre des fils cachés !
– Je ne puis donc accepter
Par respect pour mon ainé
De par-devant lui porter
Ce cadeau ainsi amené.
Tout le mois sombre il me protègera
Des traits obscurs si bas,
Tout le mois clair il demeurera
À l’abri de tout aléa.
Me voilà donc vêtu
D’un habit inattendu,
Un bien avantageux atour
Pour briller tout le jour.
Un séduisant attrait
Pour mieux les troubler,
Et pour toi mon bel amant
Je m’en servirai plus que souvent. »
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