Acte 5 : LES ICÔNES DU PÉCHÉ - chapitre deuxième

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— Salut les Troll-spectateurs !

— Bonjour chers Troll-spectateurs ! Bonjour, cher Marcel.

— Bonjour, chère Janette. Commençons sans attendre par le sujet qui agite la Troll-sphère depuis quelques temps. Avez-vous des nouvelles de la Terre, chère Janette ? J'ai entendu dire qu'il s'y passe des choses pour le moins inquiétantes.

— Effectivement, Marcel. Il semblerait que des événements terribles se préparent. Notre pigiste est sur le pied de guerre afin de dénicher des secrets profondéments enfouis.

— Des secrets dites-vous ? Tout ceci me semble fort excitant ! Une tasse de thé ? Nous avons du Perle de Jade aujourd'hui.

— Volontiers. Mais je crains qu'il n'y ait pas de quoi ce réjouir. J'en veux pour preuve ce nouvel article qui vient de tomber. Attention, âmes sensibles s'abstenir !

*

Rancune

Ce n'est plus un scoop pour personne, nos jours sont comptés. Gaïa s'épuise, se meurt, peu à peu privée d'énergie vitale par le Mal absolu, le destructeur des mondes, Abaddon. Si certains le prennent encore pour un personnage obscur de textes anciens, qu'ils ouvrent les yeux ! Le démon marche parmi nous à la tête d'une armée de Corrompus. Tout ce qui vit sera traqué, massacré, englouti. Le chasseur ultime se gavera dans un bain de sang titanesque, jouira de sa pleine puissance et de sa domination sur notre monde. L'heure de la curée approche, nul n'en réchappera.

La légion du néant s'étend tel un fléau. Les cœurs noirs d'humains hantés par la soif de pouvoir, la perdition absolue, se laissent séduire par les viles promesses d'un faux dieu. Au sein de cette meute impitoyable se dissimulent des chefs d'état, des grands patrons, des militaires, des mafieux, des psychopathes mais aussi votre voisin, votre collègue ou même votre conjoint. Rien ne peut différencier les Corrompus de vous et moi... ou presque. Une seule certitude, nous devons nous élever pour combattre ces pourvoyeurs de chair humaine.

« Connais ton ennemi » écrivait Sun Zi.

Quelle motivation peut bien pousser ces individus à suivre le prince des ténèbres dans son carnage apocalyptique ?

Notre enquête nous a menés sur les traces d'Andor Samaras, Corrompu passé maître dans l'art de la barbarie.

Issu d'une famille grecque de classe moyenne le garçon fait la fierté de ses parents, de ses professeurs, de son club de rugby. Apprécié de tous, rien ne laisse présager le sanglant virage que prendra sa vie. Le jour de ses treize ans, son père lui offre le VTT de ses rêves. Le soir-même, le paternel se tue sur la route en rentrant d'une soi-disant réunion de travail. Samaras Junior ne verse pas une larme, ni ce jour-là, ni lors des obsèques. À sa mère, effondrée, il n'accorde pas la moindre attention. Son quotidien se poursuit comme si rien ne s'était produit. Deux mois plus tard, nouveau drame. Un camarade de classe est retrouvé mort, dépecé de la tête aux pieds. Un crime horrible qui marque doublement la communauté : lors de l'enquête de voisinage, le gosse avoue froidement aux inspecteurs être le coupable de cette atrocité. Son mobile ?

« Petros a pris mon vélo. En l'appuyant contre le pilier en béton, ça a bousillé la peinture. Y'avait une béquille. Il avait qu'à l'utiliser. »

Interné en UMD [1], le nouveau venu déroute les experts, effraie les pensionnaires, inquiète gardiens et infirmiers. Hormis le fait que l'adolescent est une véritable force de la nature, sa conduite imprévisible maintient son entourage en alerte constante. D'humeur enjouée la plupart du temps, Andor ne supporte pas que l'on s'oppose à lui, gardant rancoeur de la moindre contrariété. Inutile de se croire à l'abri de sa vengeance. Le jeune colosse prend son temps, choisit le supplice idéal, prépare son passage à l'acte avec minutie. Oreille arrachée avec les dents, énucléation à mains nues, émasculation - également à mains nues, cela va de soi -, membres brisés. Sans le moindre remord, il assume parfaitement l'abominable cruauté dont il fait preuve et la jouissance extrême qu'elle lui procure. Samaras est une arme mortelle, impitoyable. Alors on le met à l'isolement, plus fréquemment, plus longtemps.

Comment réussit-il à s'évader ? Nous n'en saurons rien, les informations sont classées confidentielles. Toujours est-il que le jeune tueur en série, alors âgé de dix-sept ans, sèmera un certain nombre de cadavres atrocement mutilés dans sa cavale. Parmi eux, sa mère, dont il n'a jamais reçu la visite. Elle sera retrouvée crucifiée dans les combles de la maison familiale. Son psychiatre, mort dans d'effroyables souffrances, torturé avec un pistolet à clous. Un clou par séance. Bien entendu, ladite « réunion de travail » de son père subira d'abjects sévices (nous préférons ici taire les détails) avant d'être balancée, encore vivante, du haut d'un pont autoroutier.

Insaisissable, le Grec disparaît dans la nature. De temps en temps, un cadavre fait surface, portant les stigmates du sadisme de Samaras. Certains affirment qu'il est devenu bourreau freelance pour de sombres groupes mafieux ou extrémistes, eux-même corrompus par Abaddon. TROLL MAG peut affirmer de source sûre, que le jeune psychopathe agrémente le festin de l'ange de la destruction, lui assurant une pitance des plus délectables. La quintessence humaine semble plus savoureuse après le supplice !

La rancune a condamné Andor Samaras à servir les sombres desseins de la Bête. Mais il existe bien d'autres raisons de se laisser corrompre : l'argent, un ego surdimensionné, une idéologie, la contrainte, la faiblesse morale. À voir la façon dont notre société évolue, l'armée de l'Apocalypse ne peut que prospérer.

Les chroniques de l'Apocalypse - « L'armée de l'Apocalypse »

Emma L. ARCHER pour TROLL MAG INFINI-TEA

[1] Unité pour Malades Difficiles

*

— Eh bien, c'est assez déstabilisant. Devons-nous adhérer à cette théorie de destructeur des mondes suivi d'une armée rassemblant la lie de l'humanité ?

— Vous connaissez Archer, cher Marcel. Elle n'est pas du genre à faire du sensationnel juste pour amuser nos chers Troll-spectateurs.

— Mais dans ce cas, n'y a-t-il rien à faire pour empêcher cela ?

— Nous le découvrirons très vite, cher Marcel.

— Croisons les doigts, chère Janette. À la semaine prochaine chers Troll-spectateurs et ne trollez pas trop devant l'écran !

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