— Salut les Troll-spectateurs ! Bonjour, chère Janette.

— Bonjour chers Troll-spectateurs ! Bonjour, cher Marcel.

— Le moins qu'on puisse dire, c'est que le dernier article pondu par notre pigiste nous a donné des sueurs froides.

— Sachez, très cher Marcel, que la suite vous empêchera de dormir pendant un bon moment. Quelques litres de thé vous seront nécessaires, je pense. Ça tombe bien, une caisse de Oolong vient justement de nous être livrée. Il est divin.

— À quoi doivent s'attendre nos Troll-spectateurs ? Je crains le pire.

— Et vous avez raison, Marcel. Il s'est produit une nouvelle catastrophe et, cette fois, rien n'a pu l'empêcher.

— Mais, où sont donc passés les fameux membres de cette Organisation, censés lutter contre le Grand Destructeur ?

— En mauvaise posture je crois.

— Il est donc temps d'en savoir plus et de lancer l'aticle.

*

L'ange de l'abîme

Il laisse l’hôtel derrière lui, s’engage sur le terre-plein central de l’avenue, encore grouillante malgré l’heure tardive. Dans un recoin de sa conscience, il pressent le passage à l’acte d’Abigail. Il en salive comme une bête affamée.

Déjà, les premiers cris retentissent, se transforment en hurlements de terreur. Les fragments de vie affluent en lui. Jouissance suprême. Les humains, ces êtres faibles et corruptibles, ont une saveur toute particulière quand ils s’entretuent. De tout ce qui vit sur cette pitoyable planète, c’est l’espèce la plus cruelle qui soit. Pauvres âmes déchues. Leur absorption en est presque orgasmique.

Une explosion. L’hôtel et le reste de ses occupants partent en fumée. Le feu se propage aux autres bâtiments le long de l’avenue. Il marche au cœur du brasier. Sa satisfaction se lit au rictus obscène qui s’affiche sur son visage. Il écarte les bras afin de mieux recevoir l’offrande de son éphémère esclave.

Bienvenue en moi Abigail Bowen. Ne te l’avais-je pas prédit ?

Abaddon se repaît. Jonas triomphe. Abaddon est multiple, Jonas est unique. Traqueur infatigable, dévoreur insatiable, destructeur ultime. Symbiose funeste.

Misérable planète, vois ce que je fais de tes enfants.

À plus de quatre mille kilomètres de là, l’un des êtres vivants les plus volumineux de la Terre bascule. Ses racines, d’ordinaire si majestueuses, ne sont plus que moignons torturés, fumants. Il entraîne avec lui ses congénères et c’est toute une forêt de séquoias géants qui disparaît. Avec elle, lynx, renards, cerfs, serpents, pumas viennent nourrir le démon. Abaddon engloutit cette énergie vitale colossale. Un rire dément s’échappe de la gorge de Jonas.

Je suis omniprésent. Aucun d’eux ne m’échappera. Je les vois, je les sens, je les traque. Je les dévorerai jusqu’au dernier. Même tes fidèles protecteurs. Je t’ai déjà dépossédée de quatre d’entre eux. Je SUIS l’un d’entre eux, irrémédiablement connecté aux autres. Je les flaire, me rapproche. Je vais les broyer un à un.

Abaddon hurle sa soif de vengeance. Jonas frémit d’excitation.

Douce Aïko, déterminée mais apeurée, aux côtés de ton frère, Izaya, qui n’est rien sans toi. Gemma, lionne sanguinaire, prête à tout pour vous, qui l’avez crue traîtresse. Teri, volontaire résignée. Rayan et Luther, courageux mais insignifiants moucherons.

Ensuite viendra ton tour, Noah. Ta destruction sera un pur moment d’extase, Héritier ! Je t’arracherai le cœur, héros pitoyable, je te prendrai tout. Tout ce que tu as et aurait pu avoir. Ton Organisation, tes amis, ta mère. Puis je te prendrai Maya. J’en ferai ma reine éphémère. Elle se donnera à moi. Son corps, son âme, ses pouvoirs, sa vie. Quand tu comprendras qu’elle t’était destinée, il sera trop tard !

Votre Prophétie… je la brûlerai, la réduirai en cendres ! Vous avez cru aux mensonges de vos pairs. Mais rien ne fera obstacle à ma liberté.

La puissance des Douze sera ton châtiment, insipide planète. Tu m’as retenu captif en ton sein. Tu te croyais à l’abri, laissant libre-cours à ton œuvre. Tu as tout donné à ces misérables vermines, ces êtres vivants que tu nourris sans compter. Aujourd’hui, ce sont eux qui me nourrissent et me rendent plus puissant à chaque instant. Tu seras responsable de ta propre mort… et de ma renaissance. Je serai ton bourreau, t’écorcherai vive, t’arracherai le cœur. Je te regarderai rendre ton dernier souffle, briserai mes chaînes. Alors il ne restera de toi qu’un vulgaire caillou, errant pour l’éternité dans cet univers dont je serai devenu le maître absolu.

En cet instant, dix mille kilomètres de côtes s’enfoncent dans le chaos. La terre est éventrée, ses entrailles exhalent une odeur de soufre. Des ténèbres maudites submergent cette partie du monde. Elle agonise, se gangrène, se désagrège. Abaddon se repaît. Jonas triomphe. Rien n’arrêtera son ascension.

Non, même pas toi, Maya. Tu crois que je n’ai pas compris ce que tu cherches à faire ? Je vais t’en donner pour ton arrogance, sale petite garce. Nous allons jouer, puisque c’est ce que tu désires. Tu es tenace, mais tu ne fais pas le poids. Tu finiras par te prosterner, comme tous ceux de ton espèce. Tu seras mienne, ne t’en déplaise. Tu brûleras pour moi, je te noierai dans ton sang et m’abreuverai de ton agonie. Ton sort est scellé.

Les chroniques de l'Apocalypse - « L'armée de l'Apocalypse »

Emma L. ARCHER pour TROLL MAG INFINI-TEA

*

— L'avenir de la Terre me semble sérieusement compromis.

— Gardons confiance, cher Marcel.

— J'aimerais croire que tout n'est pas perdu, chère Janette. Au fait, savez-vous où j'ai mis mes lunettes ? Impossible de mettre la main dessus.

— Sur votre tête, Marcel, sur votre tête. Comme toujours.

— Oui... bien sûr... alors, à la semaine prochaine chers Troll-spectateurs et ne trollez pas trop devant l'écran !