Sablier

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« De ses mains, il façonna le ciel et, du bout de son index, il dessina les étoiles. Pour les voir briller, il engendra successivement Sybilh et Othor qui, à tour de rôle, faisaient tomber la nuit. »Chapitre 1er de La fondation du monde.


« Autrefois, le temps ne se résumait qu'à un simple petit grain de sable, tout comme le monde. Il n'y avait ni ordre, ni chaos, et l'infini s'étirait indéfiniment. Qui sait pourquoi Ardyspelc créa le temps et l'espace ? Par ennui ? Par souci de logique et d'organisation ? »

Tout en prononçant ces mots, Maître Eoster se mouvait entre les jeunes enfants venus assister à son sermon matinal.

« Quoiqu'il en soit, il est le Père de la création. Sans lui, peut-être ne serions nous pas là, peuplant la terre. Ou bien peut-être serions-nous tout bonnement en train d'errer, comme des âmes en peine dans ce vaste monde. »

Au fond de la salle, un petit doigt se tendit vers le ciel. Intrigué, car d'ordinaire on ne l’interpellait jamais durant ses enseignements, Eoster darda ses yeux verts sur la petite tête brune que l'on peinait à discerner, cachée derrière les autres enfants assemblés dans le temple.

« Je t'écoute. »

Le jeune garçon, pas plus haut que trois pommes, se redressa, les sourcils froncés sous la concentration :

« Je ne suis pas sûr de comprendre, Maître. Comment le monde pouvait-il n'être qu'un grain de sable ? »

L'ombre d'un sourire s'accrocha aux lèvres d'Eoster qui passa une main dans sa barbe grisonnante finement taillée. Ah, un sceptique, songea-t-il en son for intérieur, les plus intéressants.

« Je l'ignore, mon petit, avoua-t-il humblement.

« Alors pourquoi devons-nous apprendre ces choses inexplicables ? Je ne comprends pas... Lorsque Maître Koscel nous enseigne l'alchimie, il a beaucoup de livres avec des noms de plantes, et de fleurs. Ici il n'y a que ce vieux grimoire que vous posez sur le pupitre, et puis vos mots... »

L'effronté baissa légèrement la tête. Les autres enfants lui lancèrent des regards étonnés, ahuris, et quelques murmures s'élevèrent, rapidement dissipés par la main levée d'Eoster qui leur intima le silence.

« N'aie crainte de t'exprimer, mon enfant. Ici, il n'y a pas de science comme nous aimons à présent appeler les découvertes novatrices de ce monde, simplement la croyance. Ici, je ne cherche ni à vous convaincre de la véracité de mes paroles, ni à vous rallier à mon point de vue. Vous connaissez tous, je suppose, l'énoncé du temple d'Ardyspelc ? »

Un jeune homme se redressa à son tour :

« Savoir, Bénir, Lire, Écouter et Raconter », récita-t-il, les mains derrière le dos.

« Merci, Zahyus. En effet, le Savoir avant tout. Il enrichit vos esprits, cultive votre intelligence, vous permet de comprendre ce qui vous entoure. Bénir, aussi. Les dieux, si vous le souhaitez, mais également votre vie, vos bonheurs lorsqu'ils supplantent vos malheurs. Lire, afin de perpétuer votre soif de connaissance, de ne jamais cesser d'apprendre, d'évoluer, de grandir. Écouter, car pour comprendre quelqu'un, ou une chose, il faut y être attentif. Et, bien sûr, raconter. Raconter aux autres vos expériences, leur transmettre et leur apprendre.

« Qu'importe, mes chers enfants, que le temps ne soit qu’abstraction ou chiffres complexes, tant que cela vous inspire, vous fasse sens, vous rappelle, vous interpelle aussi. Lorsque nous mettons le doigt sur une chose aussi vaste que les croyances l'important n'est pas d'avoir des preuves. L'important est de croire. Croire en ce qui vous aide. En ce qui vous convient le mieux. Croire pour vous trouver vous même une place, quelque part. Ne laissez personne vous dicter votre propre opinion. Je suis ici pour vous donner les clés de mes propres croyances. Mais forgez-vous à partir des vôtres. Moi, je n'ai pas la science infuse, nul homme ne la possède. »


Le silence s'abattit dans le temple, absorbés dans leurs pensées, les élèves attendirent la suite des paroles de leur Maître. Ce dernier, passionné, hocha légèrement la tête pour les remercier de leur écoute et les laissa filer, regardant la jeunesse de ce monde s'échapper par les portes ouvertes de ce lieu sacré.

Les mœurs changeaient, les esprits évoluaient.

Un autre temps, une autre époque.

Eoster plaçait tout l'espoir qu'il possédait en eux. Pour qu'ils comprennent afin que les erreurs du passé ne soient pas celles du futur.

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