– Alors, Malraux, on en est où ? demanda l’inspecteur Berthier, en s’approchant des deux hommes qui discutaient dans le salon.

– Ah, c’est vous inspecteur, j’allais vous appeler, répondit le plus petit des deux. Marc vient de finir d’interroger les voisins et le gardien, continua-t-il en désignant son interlocuteur qui se retira sur un signe de tête.

– Et qu’est-ce que ça donne ? Une alerte-enlèvement ?

– Non, enfin peut-être, mais c’est trop tôt… répondit Malraux avec une gêne visible. Le petit a bien disparu, mais selon madame Gimenez, qui habite juste à côté et qui les a vus avec sa mère, lorsqu’ils revenaient de l’école, elle n’a entendu personne rentrer ou sortir avant de nous appeler. Le gardien confirme aussi les avoir croisés dans le hall. Si le gosse a été enlevé, le kidnappeur se serait déjà trouvé dans l’appartement ou dans l’immeuble… Pour le moment, on a le signalement d’un compagnon occasionnel, un certain Jérôme, qui conduit une Peugeot grise. Carl est sur le coup avec les caméras de surveillance du carrefour.

– Et la fille, qu’est-ce qu’elle dit ?

– Eh bien… commença Malraux, on a dû l’emmener de force, elle était hystérique. Elle tenait des propos incohérents. Venez, je vais vous montrer, dit-il, en invitant l’inspecteur à le suivre dans le couloir.

Ils arrivèrent devant l’entrée de la salle de bain.

– Vous voyez, la porte a été forcée, dit-il en pointant l’attache explosée du petit verrou. Il y a peut-être eu une dispute et le garçon se serait enfermé pour échapper aux coups. En tout cas, c’est ce qu’on a pensé au début… On a fouillé tout l’appartement, mais on n’a trouvé aucune trace du petit.

L’inspecteur poussa la porte de la salle de bain dont la lumière était toujours allumée.

– Mais on dirait un champ de bataille, s’étonna-t-il. Qu’est-ce qu’il s’est passé, là-dedans ?

– Justement, expliqua Malraux, quand l’équipe de Baptiste est arrivée sur les lieux après avoir forcé la porte de l’appartement, ils ont trouvé la fille qui hurlait, ici. Elle était en train de défoncer le mur avec un marteau. C’est à cause du bruit que la voisine nous a alertés. Apparemment, c’était toujours très calme d’habitude. En tout cas, elle criait le prénom du petit. Il s’appelle Tibor… Elle répétait à Baptiste que son fils était enfermé dans le poster et que…

– Le poster ?

– Oui, vous voyez inspecteur, sur ce mur, la grande photo de plage, ou plutôt ce qu’il en reste…

L’inspecteur s’avança pour regarder la paroi de plus près. On distinguait encore un paysage tropical, mais l’image était salement amochée, déchirée à plusieurs endroits, sans compter les coups de marteau qui avaient enfoncé des pans entiers de la photo dans le mur.

– Elle disait que le poster avait « avalé son fils », continua Malraux en s’efforçant de garder un ton neutre. Enfin, qu’elle l'avait vu à l’intérieur de l’image, sur la plage, mais qu’elle s’était « refermée » avant que Tibor n’ait pu revenir… Je ne sais pas si elle était violente avec lui d’habitude, mais elle là, elle délirait complètement. Ils ont dû s’y mettre à trois pour la maîtriser.

– Et son profil ? C’était quel genre de fille ? demanda l’inspecteur.

– Selon la voisine, c’était une jeune mère au chômage, divorcée, mais sans histoire. Gentille, même. Le gardien nous a dit qu’elle n’avait pas l’air contente lorsqu’ils étaient rentrés de l’école et que le petit était tout sale… Enfin rien de très probant pour expliquer la suite des évènements. Elle a dû sacrément péter les plombs…

– Chef, interrompit la voix de Carl dans le couloir, on a du nouveau sur le compagnon, indiqua-t-il, en apparaissant dans l’encadrement de la porte.

– Ah, excusez-moi inspecteur, dit Malraux en sortant de la salle de bain.

L’inspecteur resta un moment à l’intérieur. Il fit le tour de la pièce puis reporta son attention sur le poster. Une partie de l’image semblait avoir été épargnée par les coups de marteau et les déchirures. On y distinguait une silhouette en train de courir au loin sur le sable, peut-être un enfant.

Pendant quelques secondes, l’inspecteur Berthier crut entendre un bruit des vagues qui s’échouaient sur la plage. Il pensa à ses vacances dans les Caraïbes qui approchaient. Il soupira puis sortit de la salle de bain rejoindre le reste de l’équipe.