Passé

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 Les escaliers. Trois petites marches que je sautais auparavant, je les vois désormais comme le problème le plus important de ma vie. Il y en a partout des marches. Il faut de l'aide pour descendre du fauteuil. Se hisser patiemment marche par marche, à la force des bras. Je n'étais pas encore à l'aise en béquille... et même, cela faisait mal alors je perdais l'équilibre. Conserver de l'indépendance. C'est impossible d'avoir la même. La maison n'est pas adaptée. Arrivée dans le couloir d'entrée, le fauteuil passe à peine. Cuisine. Le fauteuil bloque le passage. "Tu peux me passer un verre?" Le placard je tends le bras. Je suis loin, mes jambes me gênent. Je peux à peine ouvrir la porte "Pardon! Je suis bête ! Désolée, je n'ai pas l'habitude." Je ne leur en veux pas. Moi non plus je n'ai pas l'habitude. Je m'en veux. De ne pas y arriver. Je suis devenue un poids, je n'ai pas l'habitude. Je ne peux sortir seule le matin. On doit me pousser. La situation doit être temporaire. Je l'espère. Je pleins ceux qui n'ont connu que cela.

 Collège. Une pente. Il y a des pentes de partout ici, des pentes et des faux-plats... donc des pentes. Descendre dans la cour "du bas". Je n'ai pas de frein. Mes freins sont mes mains. Je n'ai pas assez de forces. Une fille en face. Elle monte, elle s'en fout. Comment je tourne ? Il faut bloquer la roue gauche pour aller à droite. Je me trompe, elle bouge. Je lui rentre dedans. Elle a une éraflure. Je m'excuse, elle m'insulte. Tant pis. Je vois les autres courir. Ils s'amusent. Courir. Quelle action banale. Pourrais-je de nouveau courir un jour ?

 La salle. Les tables sont collées les unes aux autres. Difficile de passer. Difficile de s'installer. Le fauteuil est un peu haut. Ça va aller. Je peux encore me débrouiller.

 Une crise de douleur passagère. Un médicament. Pas de soucis. Cela passera. Une image me traverse la tête. Je la chasse. Je ne veux, je ne peux y repenser.

 Une semaine plus tôt à peu près, je ne me souviens pas exactement. Je ne veux pas m'en souvenir. Le matin. Je ne veux pas me lever. J'ai mal. La salle était alors en haut d'une tour avec un escalier en colimaçon. On changeait souvent de salle. Je ne pouvais pas y aller en fauteuil. Je montais et descendait plus de 2 000 marches par jour. Des milliers de marches à la semaine. Cela me donnait le vertige. Ma mère me force à me lever. Elle m'emmène. On arrive au collège. Je ne peux pas bouger. Chaque mouvement me fait gémir. J'éclate. Je ne pouvais pas passer une semaine de plus. Je ne pourrais pas tenir la journée. Je ne pouvais plus tenir debout sans empêcher mes yeux de verser des larmes. Mes jambes ne me portaient plus. Mes bras étaient fatigués.

 Hôpital. Ce qui était une infection est une maladie. Je l'aurais toute la vie. Il existe des traitements, il ne faut pas s'inquiéter.

 C'était temporaire. Je me raccrochais à cette idée, à ces mots. Et si ça ne l'était pas ? Je me posais souvent la question. Que ferai-je ? Pourrai-je m'habituer ? Avais-je seulement le choix ? J'étais inutile. Je me sentais inutile. Dépendante des autres. Je déteste cela.

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