5- La faucheuse est d'humeur torturante.
Dalia s'admirait devant le miroir de sa chambre. Elle n'avait pas pour habitude de le faire mais ce matin-là, elle voulait se sentir plus confiante que jamais. Et c'était avec l'apparence d'une belle femme âgée de la trentaine d'années, ayant une longue chevelure rouge et un corps doté de courbes généreuses qu'elle allait opérer en ce jour.
Pas d'humeur joyeuse, elle avait déjà effrayé et menacé la moitié du royaume des morts, sans que Roger ne réussisse à connaître la raison de son comportement.
— Je peux savoir pourquoi tu es si désagréable aujourd'hui et pourquoi tu te transformes en humain sans me dire la raison ?
Le primate était affalé sur le lit de la faucheuse, un tantinet remonté contre elle et ses secrets.
— Je n'ai pas besoin de toi aujourd'hui, Roger. Vois cette opportunité pour te reposer.
— Mais enfin Dalia, tu as toujours besoin de moi !
— Pas aujourd'hui je t'ai dit ! Je pars avec Miguel le centaure et si t'es pas content c'est pareil. Ne m'énerve pas plus que je le suis déjà sinon je serai obligée de te paralyser, et je n'hésiterai pas.
Elle avait parlé sèchement et violemment, ce qui vexa le petit singe. Il se sentait rejeté et il détestait cette sensation qu'il ne connaissait que trop bien, de par son passé calamiteux.
— Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Pourquoi ce stupide centaure me remplace ?
La faucheuse de répondit pas, bien trop agacée par les questions de son ami et par la concentration qu'elle avait à se faire belle.
— Dalia, bon sang ! Répond-moi !
Prise de colère, elle ne dosa pas ses paroles.
— J'ai un rencard avec Miguel, voilà ! T'es content ? Tu sais pourquoi je ne veux pas que tu viennes avec moi !
Le primate s'étouffa de surprise. Se mettant debout sur le lit, il se mit à crier.
— T'as un rencard avec cette andouille ? Et moi alors ? Et nous !
— Oh c'est bon, épargne-moi tes crises de jalousie, on est pas ensemble ! Toi et moi c'est de l'amusement.
Ne voulant plus rien entendre, Roger quitta la chambre à une vitesse incroyable, faisant le plus de bruit possible pour montrer son mécontentement.
Dalia ne put s'empêcher de culpabiliser, elle détestait mettre son ami de côté, et encore plus de lui mentir droit dans les yeux, mais elle le devait pour son bien.
Miguel entra doucement dans la chambre.
— Ça lui passera quand il saura la vérité, ne t'en fais pas, ma belle.
Elle soupira, attristée.
—Je sais. Allons-y avant qu'il ne revienne à la charge.
Elle prit le sac à main posé sur son bureau puis suivi Miguel en dehors du royaume, jusqu'à l'entrée dans le monde des mortels.
—Pense à prendre une autre apparence Mig.
Ce dernier mit quelques secondes avant de se transformer en un homme portant un costume de chauffeur.
—Prête à éliminer ce gars ?
—Plus que jamais !
Dalia sonna à la porte d'entrée d'une jolie maison typiquement américaine. Une minute plus tard, un homme âgé d'une cinquantaine d'années, grand, musclé avec une chevelure poivre et sel lui ouvrit. Rob Mackarty, ancien propriétaire de Roger, violent et maltraitant, ne savait pas qu'il allait passer sa dernière journée sur terre.
—Emilia, tu es en avance ma belle !
—Roby, j'étais trop pressée de te voir !
Elle entra dans la maison, accompagnée de Miguel qu'elle avait présenté comme un garde du corps.
— On fera abstraction de mon garde du corps, j'espère que ça ne te dérange pas ?
— Pas du tout !
Miguel se posa dans un fauteuil éloigné des autres, pour observer et venir en aide à Dalia plus tard.
Après de longues minutes de discussion banale, Dalia qui se faisait passer pour une charmante humaine nommée Emilia, décida d'enfin jouer.
— Et si on montait dans ta chambre ?
Rob se leva immédiatement en souriant de façon perverse.
— Ton garde du corps va venir ?
— Uniquement si tu veux bien qu'il surveille la porte de chambre ?
— Pourquoi pas, ça peut pimenter la situation.
Tous montèrent à l'étage, et tandis que Dalia commença à déshabiller Rob, le faux garde du corps se retransforma en centaure devant la porte de chambre fermée. Prêt à entrer en action.
Dalia prit les devants, manipulant l'esprit de l'humain pour qu'il se couche sur le lit, afin de lui attacher les poignets et les chevilles.
— T'es une coquine, toi !
Elle sourit malicieusement et ne perdit pas une seconde avant de reprendre sa vraie apparence de squelette.
—Tu me reconnais, mon beau ? On s'est déjà vu quand je suis venue sauver le ouistiti que tu maltraitais !
Rob perdit son sourire et devint aussi blanc qu'un linge.
— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? !
— Je suis Dalia Curson, la mort, la faucheuse, tout ce que tu veux. C'est ton dernier jour de vie sur terre et tu vas aller périr en enfer pour tes actes abjects sur les nombreux animaux que tu as eu ou volé.
Sortant sa petite faux, elle la fit glisser du haut du torse au bas ventre de l'homme qui se mit à hurler de douleur.
— Je vais te faire souffrir lentement puis je te tuerai et ça sera pour calmer l'esprit de Roger.
Pour appuyer ses paroles, elle fit des entailles à chaque épaules et chaque haut de cuisse au niveau des articulations sans quitter du regard l'ancien tortionnaire de son ami.
Enfonçant brutalement sa petite faux dans chaque entaille, elle n'hésita pas à remuer l'arme dans les plaies à mesure qu'il refusait de répondre à ses questions ou de s'excuser pour tout le mal commis.
Prise de colère, la faucheuse arracha le bras gauche de Rob avant de le lancer dans la chambre sans même regarder à quel endroit.
— Alors c'est bon de se faire arracher un membre ?
Rob ne répondit pas, il pleurait et la suppliait d'arrêter mais ce n'était pas ce que Dalia voulait.
— Répond-moi, enflure ! C'est plaisant ?
— NON !
Dalia coupa ensuite la jambe gauche.
— Alors pourquoi tu prenais un malin plaisir à torturer les animaux ?
La deuxième jambe vola au sol. Laissant le sang gicler et imprégner la moquette, la faucheuse continua de démembrer l'homme, jusqu'à ce qu'il ne reste que le tronc et la tête.
—J'aurais dû te tuer avant ! Tu n'as jamais arrêté après mes premiers avertissements, il y a deux ans.
— Je t'en supplie, arrête ! Je te promets que je ne serai plus jamais un problème pour quiconque !
—Oh oui c'est sûr, tu ne sera plus un problème, vu que tu seras mort !
Dalia fit signe au centaure de venir l'aider. Il s'approcha, poussa le tronc de corps sur le bord du lit et prit la tête du cinquantenaire en mains.
— Tu peux dire tes derniers mots.
— Pitié, non !
Le squelette tira sur le tronc tandis que Miguel arracha sauvagement la tête de l'homme avant de la jeter sans aucune délicatesse contre un mur.
— Bon débarras !
Après avoir nettoyé la scène de crime à l'aide de magie, les deux êtres prirent quelques heures pour se détendre dans le monde humain avant de rentrer dans le royaume des morts, épuisés et quelque peu bouleversés.
Le centaure retourna à ses occupations pendant que Dalia devait s'excuser auprès de Roger et lui expliquer la réelle raison de sa disparition.
— Roger ? Il faut que je te parle.
Le primate lui tournait le dos, visiblement toujours vexé.
— Si je suis partie avec Miguel ce matin, ce n'était pas pour un rencard. La vérité c'est que je devais..
Elle se stoppa quelques secondes, pas vraiment prête à avouer.
— Je devais mettre fin à la vie de.. Rob.
Roger se retourna immédiatement, le visage traversé par un nombre incalculable d'émotions.
— Je suis désolée, c'était pour ton bien que tu ne devais pas venir. Il ne cessait de torturer d'autres animaux innocents.
Le ouistiti courut dans les bras osseux de Dalia, sans prononcer un seul mot.
La faucheuse ne savait pas vraiment ce que ressentait ou pensait son ami à cet instant, mais elle savait qu'elle ne saurait rien tant qu'il ne serait pas prêt à lui en parler. Lui aussi devait être sacrément chamboulé.
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