La faucheuse face à la déshumanisation.
— Tout le monde est prêt ?
Lucifer regarda chacun des êtres magiques présents dans la salle d'expériences.
L'ambiance était relativement tendue, c'était le jour J de la déshumanisation de Dalia et beaucoup était en jeu. Tout pouvait arriver, il fallait donc être plus que concentré pour réagir le plus vite possible si quelque chose ne se passait pas comme prévu.
Dalia était attachée par de grosses sangles, au niveau des poignets, de l'abdomen et des chevilles. Son crâne était maintenu pour ne pas qu'elle puisse mettre des coups de tête aux êtres magiques présents pour elle.
Alan, Roger et Miguel se trouvaient devant Dalia afin de la détendre mais c'était très difficile, puisque personne ne savait si elle s'en sortirait vivante ou non. Ils ne pourraient pas agir si quelque chose se passait. Seuls Roberto et José étaient autorisés à intervenir pendant la déshumanisation.
— Tu es sûre de vouloir faire ça, Dalia ? On peut encore annuler.
— Je suis sûre, Lucifer. Il n'y a pas d'autres moyens et non, on ne peut plus reculer, c'est trop tard, tu le sais bien.
En effet, trop d'énergie avait été brassée, trop de plans mis en oeuvre et trop de dangers étaient à venir. Il était donc impossible de faire marche arrière sans anéantir l'équilibre entre les mondes. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'Azazel n'avait pas été mis au courant de la date exacte de la déshumanisation, ni même invité, il représentait un trop grand danger pour tout le monde.
— Allez ! On ne va pas y passer des jours ! Faites ce que vous avez à faire, je saurai me débrouiller !
Dalia était reliée à une machine à décharges très puissantes. La première phase était de voir jusqu'à quel niveau elle tiendrait, avant que sa part humaine ne commence à souffrir.
Lucifer activa le premier niveau d'intensité, ce qui fit sursauter Dalia, mais la douleur était supportable. Il activa deux niveaux supérieurs, qui commençaient à se faire plus douloureux.
Roger avait du mal à voir que Dalia se tendait déjà. Il se forçait à ne pas courir à ses côtés.
Le grand patron augmenta en quelques secondes les décharges, ce qui fit hurler la faucheuse, mais elle tenait bon. Elle se concentrait sur le déplacement de la douleur pour la mener vers sa partie humaine. Cela demandait encore plus d'énergie mais Dalia pouvait se ressourcer dans ses liens avec Roger, Alan et même pomper de l'énergie dans le lien avec Azazel, même s'il le sentirait de son côté, il ne pourrait pas agir.
Les yeux de Dalia roulaient dans leurs orbites et son squelette commençait à montrer des signes de bataille.
— Lucifer, arrête !
— Certainement pas, on commence à peine ! Elle a beaucoup plus à supporter pour tuer sa part humaine, alors reste tranquille Roger ! Sinon tu sors.
Le ouistiti lança un vilain regard à son patron, qui semblait indifférent de voir Dalia dans cet état.
Les décharges étaient au niveau le plus élevé pendant de longues minutes, mais voyant que rien ne changeait, Lucifer remit une intensité supportable et se tourna vers José.
— José, ça va être à ton tour. Il faut que tu touches ses points sensibles en tant qu'humaine. Fais en sorte que sa part humaine ressente des coups de couteaux, des aiguilles, tout ce qui peut la faire chavirer.
Le monstre occulte se prépara, tandis que Lucifer posa quelques questions à Dalia, qui était toujours apte à parler.
— Quels étaient tes points sensibles ou fragiles quand tu étais humaine ? Est-ce que tu sens une faiblesse du côté de ta partie humaine ?
— Le cou, la nuque, les côtes, les pieds, j'étais très sensible. Mon côté humain a pris en force, il faut insister et mélanger les tortures ! Je peux aussi essayer de me servir de mes pouvoirs en prenant de l'énergie dans mes liens.
Plusieurs êtres magiques se réunirent autour du crâne de la faucheuse, mirent leurs mains à quelques centimètres de la tête, fermèrent les yeux en entamèrent des incantations latines.
José s'occupa d'appeler des fantômes occultes pour faire pénétrer leurs voix dans Dalia, afin qu'elles puissent rendre folle la partie humaine. Roberto voulait protéger la faucheuse, mais il était impossible qu'elle puisse se déshumaniser s'il ne la laissait pas frôler la mort. En revanche, il pouvait lui redonner un peu d'énergie lorsqu'elle sera sur le point de réussir à tuer son humanité, de sorte à ce que la fin soit radicale et efficace.
Les os de la faucheuse la faisait souffrir, elle sentait le mal s'imprégner dans chaque millimètre de son être, ce qui la fit hurler comme jamais elle ne l'avait fait. Son cri profond fit vibrer le sol et les murs de la salle, jusqu'à en faire griller les machines. Les êtres présents de la pièce durent se tenir à ce qu'ils trouvaient pour ne pas tomber. Et bizarrement, les douleurs avaient disparues.
— Je ne ressens plus rien ! C'est normal ?
— Je ne sais pas, Dalia ! Augmentez au max vos sorts !
Toute la magie utilisée fut renforcée à son paroxysme, idem pour les pouvoirs occultes. Il était temps de voir jusqu'où Dalia pouvait aller pour tuer une part d'elle.
Les lumières de la pièce vacillèrent violemment, mélanger des pouvoirs occultes et de la magie bienfaitrice de base était très dangereux, car les rayons de chacun pouvaient se rencontrer et déséquilibrer les mondes.
Dalia cria et commença à se débattre fortement, les sangles craquèrent en quelques secondes et la faucheuse sauta de la table où elle était. Les lumières explosèrent et tous les êtres magiques lâchèrent un cri de surprise.
— Lucifer, c'est la merde !
— Restez calme et essayez de trouver de quoi nous éclairer ! Si Dalia n'est pas déshumanisée correctement, c'est la fin du monde !
Alan tenta de repérer Dalia dans la pièce grâce à leur lien, il savait qu'il pouvait envenimer la situation, mais il refusait de rester sans rien faire.
Ses yeux fluorescents dans la nuit captèrent rapidement la faucheuse, qui semblait être assise dans un coin de mur. Il s'approcha doucement d'elle, pour ne pas la brusquer. Et osa lui parler doucement.
— Dalia, c'est Alan. Il se passe quoi ?
— J'y étais presque mais elle reprend des forces si rapidement, je ne comprends pas !
— Relève-toi, on va t'aider !
Roberto illumina la pièce avec des bulles scintillantes, en diffusant de l'énergie à la faucheuse, tandis que Alan aida Dalia à se reconcentrer.
Roger avait été évacué car il était trop surexcité, puis Miguel qui risquait d'être la cible première des attaques de la faucheuse après la transformation.
Dalia se plaignit de douleurs aux points sensibles d'elle en tant qu'humaine.
— Le processus fonctionne encore, il faut se débarrasser de cette salope d'humanité avant qu'elle ne tue Dalia !
La faucheuse fut placée seule au milieu de la pièce. José du côté droit et la centaine d'êtres magiques de l'autre extrémité. Tous respirèrent profondément avant de pointer Dalia, de façon à ce que leurs pouvoirs se dirigent directement vers elle.
Cette dernière sut qu'il était temps de se détruire intérieurement. Elle se concentra jusqu'à sentir le feu brûler en elle. Rassemblant toute son énergie, elle manipula ses pensées et ses pouvoirs vers la zone du crâne où l'humanité se trouvait principalement.
Elle hurla de nouveau longuement, faisant exploser la vitre d'observation de la pièce, puis les murs s'effritèrent peu à peu, laissant quelques centimètres de fondations. Tombant ensuite sur ses genoux, elle agrippait ses os comme si elle voulait se les arracher, tant la douleur était vive.
Malgré les nombreux débris, tous le monde resta concentré pour en finir le plus rapidement possible, sous les yeux de Lucifer, qui serra des dents, et ne réussissant pas à agir en tant que grand patron, trop bouleversé cette fois-ci.
Un profond râle aigu se fit entendre à travers la gorge de Dalia, qui se laissa tomber au sol, vidée de toute énergie.
Alan lui insuffla de l'oxygène, tout en lui réchauffant le corps en appelant leur lien très fortement.
Dalia se leva brusquement cinq minutes plus tard, faisant sursauter tout le monde. Ses yeux grand ouverts fixèrent Miguel qui se trouvait en dehors de la pièce, mais à la vue de tous, puisque les murs étaient démolis.
— Je dois tuer Miguel. Immédiatement.
Elle prit de l'élan pour courir plus vite mais se fit arrêter brutalement par un mur invisible.
— Les saloperies doivent mourir !
Lucifer sourit sournoisement.
— Bon, c'était pas aussi difficile que je ne le pensais de la déshumaniser ! Allez, nettoyez tout et remetter la pièce comme neuve. Gardez-la bien sous surveillance et empêchez-la de massacrer n'importe qui.
Lucifer tapa sur le crâne de Dalia comme on pourrait récompenser un chien d'avoir bien travaillé. Peut-être avait-il de nouvelles idées en tête pour sa protégée.
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