Vers le futur

8 minutes de lecture

« ZOOOOO »

Marie, du haut de ses huit ans, lisait la pancarte holographique à haute voix. Un petit panda anthropomorphe scintillait à côté. Tout sourire, il invitait les visiteurs à entrer en faisant de grands mouvements des pattes.

Rabaissant la tête, elle vit son papa et sa maman au loin en train de discuter. Comme à leur habitude, ils n'avaient pas remarqué qu'elle s'était arrêtée. Marie se mit à courir pour les rattraper. Arrivée à leur niveau, elle attrapa la main de sa mère tandis que son père lui passait la main dans ses cheveux.

Pour passer les portiques payants, ses parents mirent le dos de la main face aux capteurs. L'IA, aidée de la caméra et des données du réseau, remarquant que Marie avait moins de 12 ans, ne décompta que le prix de deux billets. Les portes s'ouvrirent, et la famille entra. Marie s'émerveillait devant tout ce qui brillait. Le zoo, c'était la première fois. Cela faisait plusieurs années qu'elle cassait les pieds de sa maman et enfin, pour son anniversaire, ils avaient décidé de l'emmener.

Dès son entrée dans le parc, Marie prit le connecteur de ses parents. Il dépassait de la poche de son papa. Toujours en train de discuter, ni l'un ni l'autre ne remarqua ce geste de pickpocket. Elle l'alluma, rentra le code (qu'elle connaissait à force de voir son papa le rentrer), et directement l'interface lui proposa de rapatrier le module « Zoo ». Marie toucha l'hologramme représentant une touche « Yes » et une petite barre de chargement apparut.

Dès le téléchargement terminé, Marie avait devant elle un holoplan du zoo. Chaque département avait sa propre couleur : des « Animaux d'Afrique » en jaune aux « Manchots du Groenland » en bleu, etc. Enfin, une petite boule rouge située près de l'entrée montrait la position de Marie en temps réel. Si elle voulait aller à un endroit, il lui suffirait simplement soit de toucher un bâtiment de la carte, soit de faire une recherche vocale. Tout de suite, l'hologramme se transformerait en mini GPS du zoo montrant le chemin à prendre.

Les parents de Marie agissaient comme s'ils étaient en mode automatique, se dirigeant vers la section australienne sans trop savoir pourquoi. Marie, elle, voulait aller voir les lions et les zèbres, mais qu'importe. Elle allait enfin voir en vrai ce qu'elle admirait depuis toute gamine dans les livres que son père collectionnait.

La section « Australie » était de couleur jaune clair. Derrière des vitres, des kangourous, des wombats, des koalas, etc. Chaque fois, juste derrière ses parents qui donnaient l'impression de courir, elle activait son connecteur. Les informations sur les animaux s'affichaient en temps réel. De l'animal en 3D partaient des bulles de commentaires. Avec un réalisme stupéfiant, Marie avait,dans un hologramme, toute la connaissance du monde.

Marie avait un tic. Elle regardait l'animal derrière sa vitre et sa reproduction en 3D, puis relevait la tête et puis la rabaissait sur son connecteur. Elle essayait de trouver les différences comme un jeu. Chose quasi impossible avec les hologrammes actuels.

Le bruit d'une porte lui fit remarquer que ces parents étaient sortis. Comme d'hab., ils ne remarquaient pas que Marie avait du retard – chose sans importante en ce siècle avancé. Avec le second connecteur, ses parents pourraient (quand ils le voudraient) savoir à tout moment où elle se trouve.

Dans la pièce, les petites bêtes australes. Araignées, scorpions, lézards faisaient généralement la joie de papa et la hantise de maman. Papa la serrait dans un de ses bras tandis que de l'autre, il cognait les vitres pour faire bouger les petites créatures.

Marie commença par la droite. La vitre était un peu trop haute mais le zoo avait tout prévu pour les petits. Des bancs et des marches amovibles pouvaient se matérialiser facilement. À hauteur d'homme, elle vit la bête dans le premier aquarium : une araignée avec une énorme tache rouge sur le dos. Un holotexte disait « Araignée Redback ». Avec un stupéfiant réalisme, les araignées, la vraie et l'hologramme explicatif, étaient identiques. Toutes les deux bougeaient en même temps. Quand la vraie levait une patte, l'hologramme faisait de même. Marie trouva cela fascinant. Elle descendit les deux-trois petites marches et passa à l'aquarium suivant.

Un lézard noir immobile se présenta à la gamine. Aucune partie de son corps ne bougeait. Ses yeux même regardaient fixement un point imaginaire. Marie pensa qu'il était empaillé. Elle prit son connecteur, mais celui-ci n'affichait rien. Aucune information ne s'affichait. Comme si l'animal n'existait pas.

Elle regarda alors de plus près la bête, mais rien ne bougeait. Comme son papa, elle frappa la vitre doucement mais sans résultat. Elle voulut appeler ses parents, mais la créature scintilla. Marie, surprise et perdant l'équilibre, dut se rattraper en dégringolant l'unique petite marche. Elle remonta et regarda le lézard. De nouveau, il scintilla comme un hologramme de basse qualité.

Marie ne comprenait pas. Elle appela papa et maman, mais ceux-ci étaient trop occupés en amoureux. Elle cria un peu plus fort et, surpris, ceux-ci accoururent. Malheureusement, le lézard devint « vivant », plus aucune erreur d'affichage.

« Qu'y a-t-il ? » demanda sa mère.

Perdue, Marie regarda ses parents d'un air vide.

« Euh, le lézard, il a scintillé ?

- Quoi... mais non.

- Si, je l'ai vu scintiller.

- Allez viens, on va voir les animaux du Canada.

- Mais je...rrrrr. OK. »

En quittant cette pièce lugubre, Marie regarda une dernière fois les petites créatures avec suspicion.

Les animaux du Canada l'impressionnèrent. Des petits aux grands, des musaraignes aux castors, Marie cherchait dans sa mémoire ce qu'elle avait lu sur eux et, si elle n'y arrivait pas, consultait son connecteur. Puis vinrent les ours. Pour les voir, il fallait passer sous un pont dont le mur était une immense baie vitrée dans leur enclos. Une famille d'ours, bien présente, s'amusait gaiment dans la neige artificielle de l'enclos. Les badauds regardaient le spectacle, Marie la première. Le nez et les mains collées à la vitre, elle voulut les voir en vrai de l'extérieur. Au bout de quelques minutes, elle sortit du tunnel et voulut prendre à droite, mais un panneau indiquant que des travaux étaient en cours bouchait la route. Impossible de continuer. Déçue, Marie voulut rejoindre ses parents derrière elle en train de regarder les ours.

Elle se mit en marche, se désolant de ne pas avoir pu voir les ours en vrai. Puis elle se dit :  « Qui me verra ? » Elle se retourna, regarda le passage fermé. Quand elle fut sûre que personne ne la regardait, elle passa sous la banderole pour rapidement s'éloigner du bord. Elle monta la petite pente et passa de l'autre côté des bosquets. Stupeur : devant elle, un enclos vide. Rien qui ressemblait de près ou de loin à des animaux.

Marie regarda sur sa gauche. Elle voyait bien à travers les vitres – ou écrans vus d'ici – les gens s'extasier (dont ses parents) devant... rien. Où étaient les ours ? se demanda-t-elle. Elle allait faire demi-tour, mais un bruit l'interpella. Deux gardiens rentraient dans l'enclos, passait devant les gens sans que ceux-ci ne les remarquent à travers la vitre, et se dirigeaient vers ce qui semblait être de petits robots arachnides. Ils s'assirent sur de petits tabourets qu'ils avaient amenés et prirent chacun un robot en main. Marie pouvait les entendre.

« Bon, qu'est-ce qu'ils ont, ceux-là ?

- Cela doit être dû à l'update de ce matin, on a des problèmes dans tout le parc.

- Mouais, ben moi, ils m'emmerdent leurs updates. »

L'un d'eux inséra une clé et la tourna comme pour allumer quelque chose. Un semblant d'holoécran d'ours apparut, mais comme pour le lézard, il y avait des scintillements, des clignotants.

Découvrant la supercherie, Marie tressauta et fit du bruit. Les gardiens, alertés, virent la gamine s'enfuir. Dans sa précipitation, elle se trompa de chemin et s'éloigna de ses parents. Les deux gardiens se lancèrent à sa poursuite.

À un croisement, elle s'arrêta, indécise. Où aller ? Elle ne reconnaissait rien. Un peu plus loin, un vieil employé à barbe blanche rangeait des caisses en carton. Marie recula quand ce dernier l'aperçut. Au loin se firent entendre les voix des employés à l'affut. Le gardien, regardant au loin, comprit rapidement ce qui se passait. Il regarda Marie, souleva une grosse boite et fit signe à la gamine de se cacher en dessous. Marie, sachant qu'elle n'échapperait pas à ses poursuivants, se jeta sans hésiter sous la boite.

Dans l'obscurité totale, elle entendit s'approcher des pas lourds et sourds. Une voix essoufflée d'avoir couru se fit entendre. Marie reconnut la voix d'un des gardiens.

« Dites, le vieux, vous n'avez pas vu une gamine courir par ici ?

- Oui (Marie retint son souffle), elle est partie par là. Vers la section Amérique du Sud.

- Merci. »

Marie entendit les pas s'éloigner. Puis le silence revint et la lumière réapparut. L'employé souleva la caisse.

« Ils sont partis, tu peux sortir.

- Merci, Monsieur.

- Pas de quoi. Que se passe-t-il ? Qu'as-tu fait ?

- Rien.

- Rien ? On ne court pas après une gamine si elle n'a rien fait.

- Mmmm... Je les ai surpris en train de fabriquer des hologrammes d'animaux. Ils sont où, les animaux ? Les vrais ?

- Euhh... Oui... C'est cela. Ils ne sont plus là.

- Ben ils sont où ?

- Ils ont disparu il y a longtemps. À cause de la pollution, à cause de la surpêche. Tu as entendu parler de ce qui s'est passé avant ?

- Un peu.

- Eh bien, disons que tes arrière-arrière-arrière-grands-parents et tous les arrière-arrière-arrière-arrière- grands-parents du monde n'était pas trop regardants sur comment gérer la nature. Et beaucoup d'animaux ont disparu.

- Mais c'est un zoo ! Et puis, certaines espèces ont été sauvées.

- Malheureusement non. Des ours, il n'en existe plus. Comme des éléphants, ou n'importe quel autre. Alors, on met des hologrammes.

- Et mes parents, ils ne le savent pas ?

- Si, ils le savent, comme tous les adultes sur terre. Mais qui voudrait le croire, que notre terre n'a plus grand-chose de vivant à part nous ? Alors tout le monde joue le jeu. Tu crois encore au père Noël ?

- Non.

- Tu voudrais y croire encore ?

- Oh oui alors ! Il apporte des cadeaux.

- Eh bien, aujourd'hui, la plupart des animaux seraient comme un père Noël pour adulte. Tout le monde y croit. Et surtout, personne ne veut cesser d'y croire. Allez viens, je te ramène. Où sont tes parents ? »

Marie alluma son connecteur. La position de ses parents clignotait.

« Oh, ils ne sont pas loin. Viens, on va couper par le bois. »

Après une petite marche, Marie vit au loin ses deux parents assis sur un banc. Ils discutaient et comme à l'accoutumée, ne s'étaient pas rendu compte que Marie n'était pas près d'eux. Elle les désigna du doigt à l'employé.

« Merci, Monsieur. Mes parents sont assis là-bas.

- Bien. Je te laisse. Amuse-toi bien. Et rappelle-toi, maintenant, tu fais partie du secret. »

Marie rejoignit ses parents tout en saluant de la main le vieil employé. Une fois arrivée à hauteur de ses parents, ceux-ci lui demandèrent : « Alors Marie, tu t'amuses ? »

Mais au lieu de répondre, la gamine sourit.

« Papa, maman, vous croyez encore au père Noël ?

- Quoi ?? »

END.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire elekis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0