dB 7.7 : Palajoie

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Cette nuit, ma fleur a posé son costume de chair et d'encens sur ma cuisse et son oeil sur mon épaule gauche, puis s'en est allée au pays des songes dont elle ne se souvient jamais. Quant à moi, j'ai nourri un tête-à-tête avec le mur glacial. Bonsoir, chimère. Serait-ce un décompte des secondes ? Je n’ai jamais compris comment marchent les moutons, je préfère la mort. Elle a le bon goût de ne jamais arriver en retard. Le repos, voilà autre chose, on se fume l’un l’autre parfois, on s’y crame tout contre en sueur comme du sexe mal fait où on ne s’avoue pas à la fin // je sème sur ta peau la douleur de ne pas être toi //.

Près d’une heure, le roulis du réfrigérateur comme un lion de compagnie, mes ruminations flambent. Des crevettes toutes roses qu'on teinte de plein de petits éclats de merle. Brandiller dans le rêve, des corps s'y perdent, broyés par les mâchoires féroces des façades. Je ne me reconnaîtrais pas dans ton miroir, question d'habitude - m'insulter devant le mien - et te sourire, j'y compte bien.

Ce matin, ma fleur a éclos doucement, le marbre mou laissez-passer de torpeur, puis s'en est allée au pays des visages espiègles, pétales flottants et l'étamine en bannière de croisade contre la grisaille. Elle me rappelle qu'elle est vivante, que, peut-être, je ne le suis pas tout autant. Début d'hiver, je laissais la vaisselle dégueulassée de restes de coquillettes encrasser l'évier. Je n'osais même plus utiliser le robinet qui se chargeait de calcaire et, dans ma salle-de-bain, le linge se noyait sous les moisissures de l'aération vétuste, la boue de la bête, la mousse des épaves. Pour éviter de tout casser encore, je pleure devant la maison close de ma tête déposée au sol, sur les murs, dans les égouts de ma chambre de conne. J'ai craché dessus une fois, cagade regrettée aussitôt, car j'avais alors mon venin sous les ongles et la foule ricanait.

Elle a écrit sur ma fenêtre au stylo bleu des lettres pleines d'entrain. Ensuite, ses doigts gras ont dû se poser dessus, juste après manger, parce qu'une tache d'huile fait comme un coeur sur le papier de verre. Là, frôlé de la pulpe, se retrouver avec les bris d'un monde étourdi plongé dans ma chair. Je n’ai pas pleuré pourtant, hier, j'ai chanté. Peut-être y avait-il du pétrole partout à la surface mais ça ne se voyait pas, j’ai foi en mes jolis murs de brique à tel point qu’on dit // elle a la tête bien faite // et quand j’étais enfant, je m’imaginais mon crâne en cercle parfait avec trop de craies grasses désaccordées à l’intérieur qu’on aurait recouvert de papier toilette, comme quand le vin rouge chute sur la nappe claire. Dans leurs yeux, le mirage d’un idéal mais, savez-vous, aujourd’hui je suis malade.

Ma psy me propose : et les antidépresseurs ? J'ai répondu qu'on y pense, on y pense mais ça ne panse pas tous les maux, que la peau est plastique, les cachets se contenteraient de saler le tout et que c'est là qu'on bouche les pores. Je préfèrerais une porte qui donne sur une fenêtre, l'été en contrebas et faire l'Icare dans un ciel en feu, m'embraser l'oeil sourd muet. Ma psy m’oppose : et le verbe ne doit-il pas être prononcé ? Mais, dites-moi plutôt : si on ne sourit plus, est-ce que le soleil nous regarde encore ? Je ne veux pas mourir sous terre, j’aurais trop peur qu’on m’y oublie. J'aimerais d’abord qu'on affirme de ma vie que c'était comme les pléiades. Ensuite, on s’arrangera pour savoir ce qu’il faut faire de ce cadavre qui marche. Et te sourire, j’y compte bien.

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