39. Lui essuie les verres, au fond du café
Sacha
Je me suis installé à la plonge de telle sorte à pouvoir observer Livia au comptoir tout en travaillant. Je remplis le lave-vaisselle et suis ravi de voir que dès qu'elle le peut, elle m'adresse des sourires qui éclairent son visage et, pour la première fois de ma vie, je comprends ce que c'est d'avoir des papillons dans le ventre. Je kiffe cette femme au-delà du raisonnable, à un degré qui dépasse tout ce que j’ai pu connaître jusqu'à présent.
Alors que je me mets à l'installation des pâtisseries sur les plateaux de présentation, elle me surprend en venant se coller dans mon dos pour me serrer dans ses bras. J'adore quand elle se montre câline comme ça et me laisse faire un instant avant de me retourner et l'enlacer à mon tour. Qu'elle est belle quand elle me sourit, resplendissante. Je ne résiste pas à l'envie de poser mes lèvres sur les siennes qu'elle entrouve afin de laisser nos langues se retrouver. Sa main caresse doucement ma barbe et cela me rappelle immédiatement ce même geste qu'elle a effectué hier soir en m'avouant combien elle aime la sentir entre ses jambes pendant que ma langue la fait s'envoler. Nous apprenons de plus en plus ce qui est source de plaisir pour l'autre et j'ai l'impression que c'est à chaque fois au moins aussi intense et sensuel qu'au premier jour; si ce n’est davantage. Et j'avoue que c'est magique et magnifique de la sentir onduler sous mes caresses, de l'entendre gémir sous mes baisers, de la voir jouir quand elle s'offre à moi. Heureusement qu'au centre, ils nous fournissent des préservatifs gratuitement car nous en faisons une consommation vraiment pas raisonnable.
Lorsqu'elle retourne à la caisse, me laissant tout excité après la pression qu'elle s'est amusée à exercer sur mon sexe à travers le pantalon, je la suis des yeux en me demandant comment moi, jeune et ex-taulard, ai réussi à séduire une femme comme elle. Comme quoi la chance peut tourner parfois.
Je me remets à l'ouvrage et viens la rejoindre derrière le comptoir pour installer les plateaux dans les vitrines. La coquine en profite pour me peloter les fesses. On dirait une ado en manque qui ne peut se passer de son jouet et ce désir qu'elle ne cesse d'exprimer à mon égard me rend totalement fou. Je crois que ça l'amuse autant que ça l'excite de me faire bander comme ça…
Nous continuons nos petites folies le plus discrètement possible mais, alors que j'allais lui faire un petit bisou dans le cou, je m'arrête net en voyant ma sœur débarquer au café. Je lui souris et m'éloigne un peu de la femme qui me rend fou pour l'accueillir.
— Bonjour, Marina ! Quelle bonne surprise de te voir ici !
— Salut. Je passe vite fait pour prévenir Livia que je suis là. Je m’occupe de Mathis aujourd’hui. Ça va ?
— Ah oui, tu vas le récupérer chez ses grands-parents alors ? C'est cool.
— Oui, c’est ça. Comment tu le sais ? me demande-t-elle, le regard inquisiteur.
— Je sais tout ! Tu sais que je bosse avec Livia, hein ? expliqué-je, l’air de rien. Au fait, je voulais te dire, tu as très bien joué à ton récital. Tu as donné envie à Mathis de faire de la musique ! Bravo !
— Oh… Tu es venu me voir jouer ? Et Livia aussi ? Mais… pourquoi ?
— Je n'allais pas rater ça, quand même ! Et c'est impressionnant ce que tu as appris en si peu de temps.
— J’adore ça, le piano. Je… Merci d’être venu, Sacha. Ça me touche.
— Il faut que tu continues en tout cas, tu as un don, je dirais, même si je ne suis pas objectif et que je n'y connais rien. C'est ton premier jour avec Mathis, non ?
— Oui, ça me stresse un peu, j’avoue…
— Ne stresse pas, intervient Livia qui vient de nous rejoindre. Mathis était tout excité ce matin en sachant que tu venais. Il a plein d'histoires à te raconter !
Je crois que ma sœur, avec son regard perçant, note la proximité physique entre nous mais elle ne fait pas de remarque. Moi, je ne peux m’empêcher de me demander quelles histoires le petit a envie de raconter… J’espère qu’il ne va pas lui dire combien de temps je passe à la maison parce que sinon, c’est foutu, je vais être grillé.
— Tu finis à quelle heure Livia ? J’ai noté dix-sept heures, mais si tu as besoin, je peux rester davantage.
— Heu… Tu fais la fermeture seul, Sacha ? me demande l’intéressée. Je vais voir, Marina, je t’envoie un message pour te dire rapidement, OK ? C’est gentil, mais je ne vais pas non plus t’exploiter.
— Ta mère m’a dit de l’appeler s’il y a trop de monde, mais avec les vacances, il y a quand même moins d’affluence. La ville se vide l’été, c’est fou. A tout à l’heure, Marina, passe me saluer avant de partir, si tu veux bien.
— Je verrai, oui. Je viendrai peut-être t’acheter des pâtisseries pour ce soir, Sonia sera contente. Bon après-midi, tous les deux !
— Bon après-midi, Marina. Et ne te laisse pas amadouer par les beaux yeux de mon fils, c’est toi qui commandes.
Je me dis que ça, ce n’est pas gagné. Le petit a un charme fou et un talent certain pour réussir à obtenir ce qu’il désire, que ce soit par ses sourires, ses regards suppliants ou ses pleurs que je le soupçonne de déclencher un peu à volonté. Par contre, je suis un peu inquiet à l’idée qu’il va passer les prochaines heures avec ma sœur et je me demande vraiment ce qu’il va raconter, ce qu’il a compris de la relation entre sa mère et moi.
— Tu crois que je devrais parler à ma sœur de toi et moi ? Officialiser les choses ? Car Mathis risque de parler et dire qu’il me voit souvent, non ?
— Ah, tu ne lui as rien dit ? Je croyais que tu ne pourrais pas te taire ? sourit Livia. Tu fais comme tu le sens, mais peu importe ce que dira Mathis, on est amis, tu me sauves des araignées. Il dira à quel point tu es cool et basta.
— Pas encore. Je… je n’ai pas envie de tout gâcher entre elle et moi et pour l’instant, nous restons sur des terrains assez neutres. C’est vraiment étrange d’être presque des étrangers l’un pour l’autre alors qu’elle est la seule famille qui me reste.
— Donc, tu ne vas rien lui dire pour nous ? Je peux bouder comme toi quand je t’ai demandé de rester discret ? se moque-t-elle, une moue taquine sur le visage avant d’attraper ma main. Je suis sûre que vous allez vite vous rapprocher. Elle est adorable, ta sœur, et tu lui manques beaucoup.
— Je n’ai pas dit que je ne lui dirai rien ! ris-je. Si elle me demande, je serai honnête avec elle, je ne veux pas lui mentir. Et puis, tu as vu le regard qu’elle nous a lancé ? Je crois qu’elle a capté qu’il se passait un truc.
— Ah non, je n’ai pas vu. Tu vois que tu la connais encore bien. Arrête d’être inquiet, mon Loup. Il faut laisser le temps au temps. Regarde, on ne s’est pas sautés dessus dès le premier jour, et pourtant… tu m’avais tapé dans l’œil, installé tout seul à ta table.
— Vraiment ? C’est fou ça. Si je te dis que je n’ai choisi ce boulot que parce que je me disais qu’au moins, je pourrais passer du temps avec la jolie serveuse, tu me crois ?
— C’est vrai ? Eh bien… tu as eu de la chance de ne pas taper dans l’œil de ma mère, sinon c’est sur son roulement que tu te serais retrouvé, et on n’aurait fait que s’apercevoir…
— Je n’ai pas réfléchi à tout ça quand j’ai postulé, tu sais ? Juste que tu étais belle et que, quitte à travailler, autant le faire avec une jolie nana et pas un vieux con.
— Eh bien, ici, tu as tiré le gros lot. Tu as le vieux con en cuisine tous les matins, et la jolie nana au comptoir les trois quarts du temps, sourit-elle en tournant sur elle-même gracieusement avant de me faire une révérence.
— J’avoue que j’ai de la chance. Surtout que la jolie nana, je ne fais pas que la regarder. Tu crois que je mérite toutes ces jolies choses qui m’arrivent ? J’ai l’impression que ce n’est pas normal et que tout va bientôt s'effondrer.
— On a tous le droit à une seconde chance, Sacha. Et on a tous droit au bonheur, aussi. Saisis ta chance, parce que moi, je compte bien le faire.
Là, j’ai bien envie de la saisir elle, dans mes bras, mais il y a quelques clients dans le shop et je ne peux pas me le permettre. Je me contente de m’approcher d’elle et de lui chuchoter à l’oreille :
— Je ne sais pas si ce sera une première ou une seconde chance, mais dès que tu as l’opportunité, viens me retrouver à la plonge, j’ai… un secret à te dire ! énoncé-je en prenant un ton conspirateur.
Je la laisse alors qu’elle hausse les sourcils et vais faire du rangement dans l’arrière salle en attendant qu’elle vienne me rejoindre. Et je constate que sa frustration augmente au fur et à mesure qu’elle tente de se libérer et que des clients se présentent. Quand enfin, la porte se referme et qu’elle n’a plus personne à servir, je la vois presque courir vers moi.
— Alors, c’est quoi ce secret ? chuchote-t-elle près de moi avec le sourire. Tu sais que j’adore les commérages ? Dis-moi tout.
— Eh bien, il y en a plusieurs, tu vois, répliqué-je en faisant mine de regarder autour de nous pour voir si on nous observe. Le premier, c’est que j’avais envie d’un gros bisou et qu’ici, c’est le lieu parfait pour le faire.
— Wow, attends, pouffe-t-elle. Tu n’as pas vraiment de secret à me révéler ? Je suis déçue… parce que ça, c’est pas vraiment un secret.
Je la fais taire en la prenant dans mes bras. Je l’enlace et elle s’agrippe immédiatement à ma nuque pour échanger un baiser qui réveille en moi des envies folles d’oublier le shop et les clients mais Livia, plus raisonnable que moi, s’écarte après quelques instants et me lance un regard où le désir se mêle à l’impatience.
— Et le deuxième secret que j’ai, il est encore plus fou… Je crois bien que je n’ai jamais été aussi heureux que depuis que tu me laisses t’embrasser !
— Dis-moi, tu peux me dire où est passé mon collègue bougon qui partait au quart de tour ? Je le cherche et je n’arrive pas à mettre la main dessus ? me demande-t-elle en tirant sur le col de mon tee-shirt avant de le lever sur mon torse en faisant mine de chercher.
— Je crois qu’il a été enlevé par une jolie fée qui lui a lancé un sort. Le pauvre… Il te manque ?
— Je me demande juste lequel est le vrai, des fois. Mais… les deux me plaisent. Tu penses que vous seriez OK pour un plan à trois ?
— Oui, madame la coquine ! Et même à quatre avec ma folie. Allez, file bosser, il y a un client qui attend à la caisse !
— Ben… et mon bisou, non mais ! Quel ingrat, dis-donc, grimace-t-elle en s’éloignant.
Je la rattrape par le bras et l’attire à moi pour un nouveau baiser auquel elle ne résiste pas, et c’est moi qui suis obligé d’y mettre fin pour que le gars au comptoir ne s’impatiente pas trop. Elle s’éloigne enfin en me souriant et j’admire sa démarche chaloupée. Je crois qu’elle pourrait tout à fait concourir à Miss France, ma collègue. Si c’était moi, le jury, elle l’emporterait haut la main !
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