56. Vont-ils tenir jusqu’au tiramisu ?

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Livia

— Maman !

— Pas maintenant, Mathis, soupiré-je en regardant alternativement les deux robes étalées sur mon lit.

Bon sang, pourquoi est-ce que je me prends la tête comme ça pour une tenue ? Les deux sont jolies, les deux me vont et elles plairont à Sacha. Alors pourquoi je me pose autant de questions ? Parce que j’ai envie de mettre la courte mais qu’elle me paraît trop sexy, que je préfère la longue mais que je la trouve trop classique. Parce que je ne sais pas ce que je veux, en fait.

J’arrête de jouer l’indécise et range sur le portant la petite robe courte. Sacha a l’habitude de mes tenues fleuries, amples et confortables, même si j’ai remarqué qu’il adore quand je mets des petits shorts en jean également et un haut moulant. Pour ce soir, il aura droit à la longue robe blanche fleurie, et s’il est sage, il pourra ouvrir son cadeau facilement puisqu’elle ne ferme qu’avec une ceinture en tissu sur la taille. J’hésite quand même à enfiler un soutien-gorge histoire d’avoir un décolleté plus tentateur, mais je crois qu’il aime quand je n’en porte pas, et j’opte pour le confort total.

J’enfile mes sandales compensées et m’observe dans le miroir alors que la porte de ma chambre s’ouvre.

— Maman ! Marina elle veut pas que j’emmène Batman dans le bain !

Oh là là, j’aime mon fils plus que tout, mais je rêve d’une soirée entre adultes et j’ai hâte de partir, j’avoue.

— C’est normal, Petit Kangourou, si tu le mets dans l’eau, il ne fera plus de lumière.

— Mais je veux jouer avec lui dans le bain !

— Mathis, quand Marina dit non, c’est non. Et même si tu n’es pas content, on ne met pas n'importe quel jouet dans le bain ou alors, tu prends une douche et le problème est résolu.

Le petit m’observe, jaugeant si je suis sérieuse ou pas, et me coupe la chique en changeant totalement de sujet.

— T’es jolie, Maman.

— Merci, mon petit Cœur. Allez, fais-moi un bisou et file au bain.

J’ai à peine le temps de m’accroupir qu’il me saute au cou et me fait un gros bisou. Qu’est-ce que je l’aime, c’est fou.

— Sois sage avec Marina, et fais de beaux rêves. On se voit demain matin pour le petit déjeuner. Je t’aime, Petit Kangourou.

— Je t’aime !

Il s’échappe de mes bras et sort de ma chambre en courant. Je le suis plus tranquillement et m’oblige à ne pas rappeler à Marina qu’elle peut m’appeler si besoin ou qu’il préfère les histoires de super héros avant de dormir, ces derniers jours. Non, je ne dis rien, ce soir. Je lui souhaite juste une bonne soirée, la remercie de garder Mathis, et sors après avoir enfilé ma veste en jean.

Evidemment, on ne la joue pas non plus vieux rendez-vous galant. Sacha ne vient pas me chercher chez moi pour éviter que la famille nous grille, et je me dirige vers la bouche de métro toute seule. Il me surprend pourtant en m’attendant à la sortie du métro. Il a mis la fameuse chemise qu’il s’est achetée spécialement pour l’événement et il est très élégant.

— Quel homme, souris-je en l’enlaçant. Tu es très beau.

— Il faut bien ça vu comme tu es jolie. Je te kiffe trop, tu sais ? répond-il en m’embrassant.

— Arrête, je vais me mettre à glousser comme une ado si tu me parles comme ça, souris-je. Non mais, vraiment, la chemise… ça te va super bien. Et puis… ça me donne envie de la déboutonner aussi.

— Ce soir, tu pourras faire tout ce que tu veux avec ma chemise et le reste. Mais avant, on va aller déguster de bons petits plats. Cela me fait tellement plaisir que l’on arrive enfin à le faire ce petit restau.

Sacha glisse ma main dans la sienne et m'entraîne avec lui dans la rue adjacente, et je me rends compte à quel point ce petit truc basique pour un couple a un goût d'exceptionnel pour nous qui devons nous cacher constamment ou presque.

— Moi aussi, ça me fait plaisir de passer ce petit moment avec toi. Et si je suis totalement honnête, j'avoue que ça me fait également plaisir de ne pas avoir à cuisiner, pour une fois.

— Je comprends et j’espère d’autant plus que tu vas apprécier mon choix. D’après ce que j’ai vu sur Internet, c’est un des meilleurs restaurants italiens du coin et leur tiramisu est une tuerie.

— Ce n'est pas toi, mon dessert ? Bon, je me contenterai d'un délicieux tiramisu alors, soupiré-je théâtralement alors qu'il ouvre la porte et me fait signe de le précéder.

— Moi, je suis la gourmandise à la fin, me murmure-t-il à l’oreille.

Son bras posé sur ma hanche me serre contre lui alors qu’il donne son nom à la serveuse qui nous accueille. Il dépose un petit baiser dans mon cou qui me fait frissonner et me sourit d’un air tellement heureux que je fonds littéralement devant l’amour qu’il me porte.

Nous suivons religieusement la demoiselle qui nous accompagne jusqu'à notre table et je souris en voyant Sacha tirer la chaise, avant de s'asseoir à son tour.

— Tu as pris des cours de galanterie du dix-neuf ou vingtième siècle ? plaisanté-je en enlevant ma veste.

— Tu n’aimes pas ? Je me souviens que mon père faisait ça pour ma mère quand on sortait au restau. J’ai toujours trouvé ça trop mignon.

Je dépose un doux baiser sur ses lèvres et lui souris. Il est vraiment trop chou et il n'imagine même pas à quel point je peux le "kiffer", moi aussi.

— Je n'ai pas souvenir d'avoir vu mon père faire ça avec ma mère. C'est plutôt attendrissant de te voir prendre ton père en référence comme ça.

— Mes parents s’aimaient d’un amour fort et véritable. Ils sont un peu mon point de repère, tu sais ?

— J’imagine. Tu sais, je m’en veux un peu de passer mon temps à me plaindre des miens alors que tu n’as pas la chance d’avoir encore les tiens. Faut pas que tu hésites à me dire quand je suis chiante ou quand ça te gêne, hein ? Je préfère autant qu’on en discute plutôt que tu rumines dans ton coin. Et ça vaut pour tout, pas seulement pour ça, d’ailleurs.

Je ne sais pas bien pourquoi je commence la soirée en parlant de ça, ni ce que j’attends au juste, mais je crois que j’ai besoin qu’il sache qu’on peut parler de tout, tous les deux, et que je trouve ça important. Parfois, je me dis qu’il est jeune et que toute cette histoire de communication doit lui passer au-dessus, surtout qu’en ce qui nous concerne, on passe quand même plus de temps à bosser ensemble ou à faire des cochonneries plutôt qu’à discuter…

— Tu crois que j’ai de la gêne avec toi ? Franchement, ça n’a jamais été aussi fluide avec une autre personne comme ça l’est avec toi. Je t’aime, conclut-il en souriant.

— Je t’aime aussi, chuchoté-je en déposant un baiser sur sa joue alors que la serveuse vient prendre notre commande.

Je n’ai même pas regardé la carte, et Sacha n’est pas mieux que moi, si bien que nous nous dépêchons de la parcourir pour choisir ce qui nous fait envie. Disons qu’avec notre volonté de passer du temps tous les deux, on en a presque oublié nos papilles. C’est un peu dommage, au restaurant, quand même, mais je crois que je pourrais me perdre dans ses beaux yeux des heures durant. Oui, moi aussi, je suis une romantique, de temps en temps.

— Est-ce que ta sœur t’a dit qu’elle dormait à la maison, ce soir ?

— Oui et j’ai compris que ça voulait dire que tu dormais chez moi ! répond-il, tout sourire.

— Si tu veux bien de moi, oui. Tu sais que c’est ma première nuit loin de Mathis depuis ma fugue de mère indigne ? J’ai confiance en ta sœur, évidemment, mais ça me fait bizarre…

— Là, tu ne fugues pas, tu profites de la vie et s’il y a le moindre souci, on n’est pas loin. Tu pourras vite rentrer et être là pour lui, si nécessaire.

— Oui, c’est différent, c’est sûr. Est-ce que je t’ai dit à quel point je te trouvais génial avec lui ?

— A part la fois où je me suis barré parce qu’il était malade, non ?

— A part cette fois où tu m’as fait une petite crise de jalousie, oui, souris-je alors que je sens sa main caresser ma cuisse.

— Il est trop gentil, ton fils. Franchement, ce serait difficile de ne pas l’aimer.

— Gentil et futé, ouais. Tu sais qu’il a essayé de m’amadouer avant que je parte en me disant que j’étais jolie pour que je change d’avis et contredise ta sœur ?

— Il a juste dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Tu es une femme magnifique !

— Ok, pour quoi tu veux m’amadouer, toi, au juste ? ris-je.

— Tu n’as pas une petite idée ? demande-t-il, mutin, en faisant remonter sa main sur ma jambe.

Je pouffe, ou je glousse comme une ado, je ne sais pas bien. Surtout que je sens ses doigts glisser sous le tissu et sa paume enserrer délicatement l’intérieur de ma cuisse. Merde. Pourquoi on est au restau, déjà ?

— Sacha, le réprimandé-je sans grande conviction, à la limite du gémissement. On doit trinquer à ton appartement, je te rappelle.

— On fête mon appartement, on peut célébrer comme on veut, non ?

— Oui, certes… Mais à ce rythme-là, on ne verra pas la couleur du tiramisu… et le pire, c’est que je crois que je ne le regretterai même pas.

— Moi non plus, je ne regretterai pas. Et ça nous fera une excuse pour revenir, en plus !

J’aurais presque envie de lui dire qu’on peut sauter le repas et passer à la gourmandise, mais je me ravise en voyant nos plats arriver. Sacha a choisi une pizza qui me donne l’eau à la bouche, sans parler de mes raviolis maison saupoudrés de parmesan.

Est-ce que je suis du genre à piquer dans le plat de mon voisin ? Clairement. Et j’ai l’occasion de constater que Sacha a la même maladie que moi. C’est un premier rencard alors que nous sommes déjà ensemble, et je dois avouer que j’aime beaucoup ce moment. Loin de la maison, un vrai tête-à-tête qui nous permet de continuer à nous découvrir sans un petit monstre qui nous interrompt pour que Sacha puisse jouer avec lui, ou parce qu’il a faim. C’est juste lui et moi. Deux adultes qui échangent, mais aussi deux amoureux qui se lancent des regards, se touchent, s’embrassent. Deux adultes qui se tiennent à peu près à carreau et prennent le temps de déguster un délicieux tiramisu à deux… même si ma cuillère finit accidentellement sur son nez à un moment donné, me faisant littéralement éclater de rire au beau milieu du restaurant. Une ado amoureuse ? C’est bien possible, mais il y a longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien dans ma peau et dans ma tête. Et c’est à lui que je dois ça, ce petit jeune que mes parents n’accepteront sans doute jamais dans la famille mais qui me rend heureuse, tout simplement.

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