La robe de poupée

2 minutes de lecture

On les avait livrés le matin-même.

On les avait déballés des cartons dont certains portaient, de travers, la mention "FRAGILE".

On les avait lavés, pesés, mesurés, photographiés, triés par genre et type, répertoriés.

On les avait, par la suite, succinctement vêtus.

Puis on les avait mis en rayon.

Et l’incessant ballet se répétait chaque quinzaine.

Il faut dire que, pour cette marchandise d’occasion, forte était la demande.

A quelques pas de là :

- J’en voudrais une.

- Mais tu en as déjà deux

- Je n’ai pas dit "un" de plus mais "UNE"!

- Pourquoi ne pas la faire ?

- Parce que je n’ai pas le temps.

Parce qu’en j’en veux une tout prête et que je jugerai parfaite.

- Admettons.

Un peu plus loin après :

- Madame, Monsieur, bonjour !

Avez-vous idée de ce que vous voulez ?

- Oui, une à la chevelure brune, au teint clair.

- Et pour les yeux ?

- Peu importe.

Et Madame de feuilleter le catalogue grossièrement imprimé, maugréant de ne savoir sur quoi porter son choix.

D’un coup, son index cocha une case.

- Je veux celle-là !

- Euh, il y a comme un problème, elles sont deux… inséparables.

Le grand et le petit modèles.

Deux pour le prix d’une, ça vous dit ?

- Puisque je vous dis que je n’en veux qu’une et que c’est la petite !

Dites-moi plutôt son pedigree.

- Ah, ma bonne dame, une histoire si sordide que je n’ai pas de mot pour la raconter.

Et puis, il faut que je vous dise : elle n’émet aucun son, pas plus qu’elle ne pleure.

- Tout à fait ce qu’il me faut : une qui ne sera pas, en inutile bruit, dérangeante.

- Affaire conclue !

Signez-là, s’il vous plait.

Et, n’oubliez pas que, si elle ne vous convient pas, vous pouvez toujours la ramener.

On vous la changera.

- Parfait !

C’est ainsi que l’on coupa le cordon familial qui reliait les deux fillettes.

C’est ce jour-là que Louise, âgée de 2 ans, est devenue le jouet d’une femme en mal de poupée de porcelaine et qui s’en amusera un temps… avant que de la remettre sur le marché… des enfants laissés-pour-compte.

Les deux soeurs ne se retrouveraient que 16 ans plus tard...

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