Le petit pain au lait

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Fiona jouait dans la neige. Ces doigts sont froids et rouges, mais elle s'en fichait, elle continuait à faire des jolies boules toutes rondes.

Elle se releva enfin, souffla sur ses doigts endoloris par le froid et aperçut la vitrine de la boulangerie achalandée de mille douceurs rondes et parfumées.

La fillette saliva d'envie, mais n'osa entrer : elle se contenta de regarder, émerveillé par tant de nourriture étalée devant ses grands yeux d'enfant affamée.

Elle sautillait d'un pied sur l'autre, les doigts dans sa bouche pour les réchauffer, quand elle entendit une voix :

-"Bonjour jeune demoiselle ? Que fais-tu toute seule, dehors par ce froid ?

La fillette tourna la tête vers la boulangère. Elle fut partagée entre l'envie de prendre ses jambes à son cou et éclater de rire en voyant de la farine sur le bout du nez de la dame. Elle choisit ni l'un, ni l'autre, et resta plantée devant la vitrine aux mille douceurs.

Elle chercha des yeux Alicia. Où était-elle passée ?

La fillette, toute à son jeu dans la neige, avait complétement oublié de la suivre.

Elle tendit son doigt en direction des maisons près des remparts.

– Où est Alicia ? J'ai dormi dans son lit tout chaud moi !

Elle se frotta le ventre, au supplice devant toutes ces douceurs, puis soudain son visage s'illumina : Elle sortit un sou de sa petite bourse, accrochée à sa taille, et le tendit à la boulangère tout en montrant un pain dans la vitrine.

Elle lui fit son plus beau sourire et la regarda de ses yeux, bleu-ciel, agrandis par la gourmandise.

Les éclats de rire de la boulangère eurent l’effet de détendre la fillette. Elle fit un large sourire et fixa le pain au lait de ses yeux clairs agrandis par le ravissement.

Elle hésita un temps, pensant rêver, puis saisit le cadeau tout chaud. Elle le colla un temps à ses lèvres gelées et inspira profondément sa bonne odeur.

Enfin assurée que le mirage n'allait pas s'envoler en fumée, elle leva les yeux emplis de gratitude vers la boulangère :

Trugarez !

Son petit pain, contre sa joue, elle se laissa mener, jetant, de temps à autre, des regards alentour pour voir si elle apercevait Alicia ou Florian.

Elle quitta ses recherches pour répondre à la boulangère.

– Fiona !

La fillette avait l'habitude d'être prise en charge pas les gens de son village de naissance depuis la mort de ses parents.

Même si ce village lui était inconnu quinze jours auparavant, elle en avait déduit que c'était sa nouvelle demeure. Elle suivit donc la boulangère sans la moindre inquiétude.

Tout en marchant, les pieds de la fillette s'enfonçaient dans la neige, glaçant un peu plus ses pieds trempés et gelés, mais elle ne le ressentait plus le froid, elle était juste heureuse et mangeait son petit pain tout en savourant la promenade et la main chaude de la gentille boulangère.

À peine entrée à l’intérieur de la chaumière, ses joues s’enflammèrent face au contraste qu'il y avait entre le froid rude de la rue et la chaleur des lieux.

Kher à toi ?

La petite roussette regarda tout autour d'elle, ses narines envahies de bonnes odeurs sucrées.

Son petit pain englouti, elle n'avait plus faim, mais elle aimait regarder toutes ces douceurs rondes.

Elle commençait à se sentir bien dans cet espace chaleureux. Son corps se réchauffait. Elle regarda la boulangère et pointa un doigt vers les pains aux noisettes, de viande, d'épice et les tartes.

C'est toi qui as fait tout ça ?

Elle lui fit un large sourire et ses yeux s’illuminèrent.

- Tu sais faire les crêpes aussi ? Moi, je sais faire ! Alicia, elle a montré à moi. C'est avec la farine et on fait un trou dedans et on met l’œuf, mais pas la coquille. Après, on met le lait et on tourne et ça fait la pâte. Après c'est les grands qui fait parce que ça brule.

La fillette se laissa porter et lui montra ses mains

- Hoo, il faut les laver !

Elle tendit ses bras vers la jeune femme pour être conduite près d'un point d'eau.

La petite roussette joua un temps avec la mousse sur ses mains, soufflant pour faire voler des bulles qui se mirent à danser dans la lumière, s'habillant avec les couleurs de l'arc-en-ciel.

Fiona les admira en riant puis revint aux crêpes.

- Il faut la farine, les œufs et le lait, mais le feu, c'est toi qui fais !

Elle observa la boulangère et lui demanda avec sérieux :

- Tu veux mettre le jambon ou la confiture dedans ?

La fillette se mit à rire quand la boulangère s'étonna qu'on puisse y mettre du jambon.

- Voui avec les crêpes marron. Avec les jaunes, on met la confiture

Elle secoua la tête : non, elle n'avait jamais rencontré Lisia la spécialiste, mais en revanche :

- Alicia, elle sait faire !

Elle riait aux éclats de voir la grande tourner dans tous les sens comme un papillon géant.

Enfin les choses sérieuses commencèrent. La petite apprentie observa avec attention. Elle ferma les yeux quand elle vit un doigt atteindre son nez et rit en imitant la coquine qui avait blanchi le bout de sa frimousse. Elle leva le doigt farineux en l'air, essayant de viser le nez de sa compagne de jeu.

Elle aimait bien la boulangère. Serte pas autant qu'Alicia, mais une tendre complicité grandissait entre les filles.

La fillette prenait goût à la pâtisserie et se sentait à l'aise dans ce lieu, parfumé de bons pains chauds.

Après cette belle partie de rigolade et de pluie de farine, il était temps d'en laisser pour faire la pâte.

La petite imita la grande et retroussa ses manches. Elle attendit que la boulangère mette la farine dans le bol pour faire un trou dedans.

La fillette éclata de rire

-Nan on met de la farine, mais pas avec le blé, avec le ...

La fillette mordilla son index, cherchant le mot tout en la regardant.

-sazin

Les souvenirs de sa mère lui reviennent : elle la vit faire les galettes de sarrasin avec du fromage et des épaisses tranches de jambon fumé. La douce voix de sa mère qui chante, son sourire...

La petite, perdue dans ses souvenirs, semblait ailleurs. Elle suçait son pouce tout en câlinant sa poupée, le regard fixant les images qu'elle seule apercevait.

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