Dans l'obscurité
Les barreaux étaient brûlants, je le sentais au travers du tissu râpeux de ma tunique, le sable voletait autour de moi, la poussière avait asséché mes lèvres et collait à ma peau puante de sueur. Je n’étais pas la seule dans ce cas, au loin, je pouvais entendre des cris et des suppliques, pouvais-je m’estimer chanceuse de ne pas voir ? Pourtant je sentais tout, l’odeur du sang, des viscères pourrissant au soleil… J’entendais le bourdonnement des mouches et les claquements des fouets. Je devinais le bruissement d’un feu à quelques pas. Je fronçai les sourcils en entendant le choc du métal… mais légèrement différent. Je frottai ma joue à mon coude, pour repousser en arrière mes cheveux. J’avais les bras levés, accrochés aux barreaux de la cage, le moindre de mes gestes faisait glisser les maillons des chaînes contre le métal. À mes côtés, d’autres étaient dans la même situation, je pouvais percevoir huit… non, sept respirations. Quelqu’un venait de mourir. Je fermais les yeux et détendis mes épaules. L’air était étouffant et le soleil brûlait affreusement ma peau. Un cri d’agonie se termina dans un gargouillis immonde. Il n’y eut plus de bruit, enfin, plus d’agonie. Les esclavagistes avaient dû finir de s’amuser et de faire le tri parmi leurs proies. Le marché allait donc bientôt commencer. Je devinai maintenant, que le bruit métallique que j’avais entendu était en réalité les fers qu’on plongeait dans le feu pour marquer les esclaves qui seraient vendus. L’odeur de la chair carbonisée allait bientôt s’élever. J’eus un triste sourire, je doutais d’avoir cet honneur, j’étais aveugle. J’allais donc mourir. Soit.
Tout le monde meurt un jour, non ?
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