Soif

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Il fait froid.

Si froid.

Où es-tu, désormais ?

J’ai soif de toi.


La nuit. Elle a tout envahi.


Elle s’est infiltrée dans les artères de la ville, de la moindre petite rue où nous jouions, enfants, jusqu’à ces avenues aux allures d'infini. Te souviens-tu des arbres qui se perdaient dans l'horizon ? Des trottoirs éventrés par leurs racines ? Et notre maison ? Celle dans laquelle je t’ai vue rire à t’en tordre de douleur, pleurer dans la plus subtile de tes discrétions et chanter d’une voix si fine et si fausse à la fois. Cette maison dans laquelle je t’ai simplement vue vivre et vieillir, le visage passé au fil de nos années... cette maison-là n’est plus qu’un gouffre sans âme égaré au cœur de ce chaos d'obscurité qui a dévoré notre monde.

Le soleil est un lointain souvenir, perdu dans la noirceur d'une nuit perpétuelle. Elle nous écrase de tout son poids, de toute sa force. Elle fait ressurgir chez nous ces étranges phobies de gosse qui nous glacent le sang.

Aujourd'hui, pourtant, c’est bien le froid qui me tue peu à peu.

Pas mes phobies.

Je n’entends même plus un cri, même plus de coup de feu.

Le silence est tombé, net, efficace, après ces longs mois de hurlements et d’atrocités, un silence compact, lourd, uniquement rompu de mes paumes qui se frottent l’une contre l’autre ou de mes pas qui font craqueler la neige durcie par le gel.


Suis-je seul ?


Viendra le jour où ne restera que le dernier d'entre nous.

Ou bien ce jour est-il déjà arrivé ?

Est-ce moi ?

Est-ce que je suis cette dernière âme solitaire perdue sur les restes corrompus de notre berceau ? Peut-être pas, mais l'impression est si prégnante, si envoutante.*


Si effrayante.


Toi.

Toi, tu me manques.

Tu n’es plus là.


J’emporterai avec moi ces images distordues qui mutilent ma réalité et lui arrachent ce semblant d’ordinaire qu’étaient nos vies avant que tout cela n’arrive. Tout est flou dans ma mémoire.


Est-ce toi qui hurlais ?


Et ce sang ?

J’ai peur de fixer ces souvenirs et de révéler leur vraie nature. Ils sont incertains. Aujourd'hui, je ne suis même plus sûr qu'ils aient existé. Je ne sais plus distinguer ma réalité de mes fantasmes aliénés.

L’horreur.

La folie.

Cet éclat dans tes pupilles.

Le silence, tranchant. Il est toujours là. Il m’enveloppe, gravite tout autour de moi. Depuis combien de temps suis-je là ? Je n’ai pas mangé depuis que ça m’est arrivé. Mais j’ai bu… tellement bu.


Quel jour est-on ?


Ce silence.

Me comprime.

Me broie.


Est-ce que je suis tout seul ?


C’est sans doute la fin, la dernière ligne droite. Le vent siffle, au loin, s’engouffrant je ne sais où. Je ne vois plus rien. Ce souffle glacial fait chanter le silence. Il lui donne cette note sombre, ce petit air de tragédie qui trotte sans cesse dans l’esprit.

La nuit a tout envahi.


J’ai soif.


Si soif.


Où es-tu, désormais ?

J’ai froid, sans toi.


Je me suis bâti un abri au cœur même de ce qui ronge mon monde. J’ai creusé la neige de mes propres mains, jusqu’à pouvoir m’ériger un cocon de glace. Je suis étonné de la chaleur que l’on peut y trouver. Pas suffisante pour survivre, mais bien assez pour ne pas mourir trop vite. Je suis entouré d’eau glacée et c’est là que je vais finir ma vie. Je m’éclaire d’une simple lampe torche.

Elle grésille.

Mes dernières piles vont vite s'essouffler.


La neige.


Mon réchaud n'a plus d'essence. Je ne pourrais plus la faire fondre.

J'en bois depuis si longtemps. Trop longtemps. Combien de temps ?

J’ai tellement soif, mais rien ne l’étanche.


C’est elle qui nous tue, la soif.


Elle devient si forte qu’on en perd l’esprit. Je le sais. J’ai assisté à tout ça. Ils se sont entretués pour boire, pour éponger ce mal qui les ronge de l’intérieur, qui dévore le corps et l'esprit. Cette douleur physique d'un besoin vital qui jamais n'est assouvi. J’en ai vu qui s’arrachait la gorge et la langue en espérant ne plus vouloir ou ne plus pouvoir. J’en ai vu boire à en mourir. Littéralement. Et même dans leur agonie, ils vomissaient et léchaient ce qu'ils régurgitaient.

Le monde s’éteint parce qu’il a soif.


J’ai soif.

Si soif.


Je ne sais pas ce que je dois faire pour que cela passe.

J’ai bu des litres d’eau, déjà, mais rien n’y fait.

Avant de venir m'enneiger ici, je vivais dans une vieille baraque abandonnée, tu sais, je ne supportais plus la vue de tes photos. Elles alimentaient une rancœur indigeste.

Je ne t'en veux plus, aujourd'hui.

J'ai compris.

Je crois.


Dans cette nouvelle maison, c'est le jardin que j'ai fini par ne plus supporter. Quand la soif est arrivée, j'ai bu tout mon stock d'eau en quelques jours. Au départ, je laissais traîner les bouteilles au sol et puis j'ai fini par les mettre dans le jardin, loin de mes yeux honteux. Des dizaines de bouteilles en plastique cachées sous la neige. Finalement, la vue du jardin m'a donné le tournis, parce que je savais ce qu'il renfermait.


Sous l'apparat, sous la couche épurée, dormait la vérité.


Alors, comme un animal en fin de vie, je suis parti me terrer dans un coin, là où personne ne pourra me voir mourir, dans le froid, dans la neige.


La neige.


Je peux la boire, la faire fondre dans ma bouche et la sentir ruisseler jusque dans mon corps.


Et l’eau.


L’eau.


Elle me fera du bien.


Ma gorge est si sèche.

Je dois boire.


J’arrache un bout de neige.


Je le croque.


Ça brûle mes lèvres, mon palet et ça lance une horrible douleur dans ma mâchoire.

C’est bon.

Le morceau est un peu plus grand que ma main.

Je le mange entièrement.

C’est bon.

Mais la brûlure est atroce. Insoutenable.

Ma soif est-elle étanchée ?


C’est toi.


Toi, la dernière personne que j’ai croisée.

C’est après toi que j’ai reconnu les premiers signes de la maladie. C’est ton sourire que je vais emporter avec moi, ce sourire souillé de sang qui s’est imprimé dans la douleur jusqu’aux tréfonds de ma mémoire. Je me souviens de ce que tu as fait. Je me souviens de ce que je t’ai fait.

Je me souviens de ta sœur.

De tout ce sang.

Non… Non.

Je ne veux pas me souvenir. Tu étais si belle quand tu riais. Un rire puissant, bruyant, qui comblait tous les silences du monde. Tu essayais vainement de cacher ton visage rougi, d’étouffer ta voix saccadée par ton fou rire. Souvent, tu changeais de pièce quand des larmes te piquaient les yeux. Tu sortais, en expirant doucement pour te reprendre, et tu revenais triomphante avant d’éclater de rire à nouveau.


Tu étais si belle quand tu riais.


Pourquoi as-tu gâché ce souvenir ? Pourquoi as-tu tout gâché ?


Des petits bruits dehors.


Comme des pas légers qui craquent sur la neige. Quatre à quatre.

Ils courent autour de moi. Je dirige la lumière vers l’extérieur pour apercevoir ce qui rôde et brise l'harmonie de silence. Le faisceau s’éclate sur les flocons de neiges affolés et, derrière eux, cette dérangeante obscurité.

Je me sens si seul, échoué au cœur de cet océan monochrome.


Des petits bruits dehors.


Juste au-dessus de moi.

Des pas, c’est certain.

Quelque chose grogne.

Les bêtes, elles aussi, ont soif.

J’éteins tout de suite la lampe, et mon monde en noir et blanc s'évanouit.


Je suis aveugle désormais.


Le silence s’empresse de ne me laisser que ces millions de bruits, si insignifiants lorsque la lumière éclaire le monde, mais qui hantent nos nuits et les comblent d’images et de peurs irrationnelles. Mon cœur s’emballe et claque contre ma poitrine. J’agrippe la lampe de toutes mes forces. J’écoute avec attention le moindre souffle, le plus petit des craquements.


Quelque chose gratte.


Ou alors est-ce le vent qui brasse la neige ?


J’ai soif.

Si soif.


Mince, ça n’a pas marché. J’ai toujours aussi soif, alors je prends un plus gros morceau de glace. À tâtons, je cherche un endroit du sol que je pourrais arracher. Trouvé. Je le croque. Ça fait toujours aussi mal. Mes lèvres deviennent un brasier. Je les sens gercées, craquelées, presque en sang, mais je les sens encore, c’est déjà ça.


C’est bon.


Un hurlement.


Humain.

Tout proche.


Ma respiration se bloque. Je n’ose plus bouger.

Une voix humaine crie de nouveau au cœur de cette nuit sans fin.

Une voix de femme.


Est-ce que c'est toi ?

M'as-tu retrouvé ?

Non, ce n'est pas possible.


Je t'ai tuée.


J’agrippe la neige.

Je ne la lâche plus.

Un coup de feu et ses échos.

L’adrénaline se rue dans mes veines.

J’entends des pas qui courent dans la neige. On crie encore. Un jappement, suivi d’un grognement. D’autres pas, plus petits, plus rapprochés, qui fuient.


La bête s’est enfuie loin d’ici.

Des pas, plus lourds que les premiers, juste au-dessus de moi.

J’ai le cœur qui s’apprête à éclater.

Des mots s’envolent dans le vent, un chuchotement léger, hésitant, presque inaudible.


Une voix féminine légère, fatiguée.


— Y’a quelqu’un ?

Non il n’y a personne. Ne viens pas. Je sais ce qu’il va se passer. Fuis. Loin d’ici. Loin de moi et de ce mal qui me ronge et va bientôt se nourrir de ma folie.


Fuis.


— J’ai vu la lumière. Où êtes-vous ?

Nulle part. Je ne suis pas là. Je suis perdu au cœur de cet univers où la soif ne s’étanche jamais.

— Hé Ho !

La voix se rapproche.

Elle est irrémédiablement aimantée par ma présence, comme si la nature voulait nous confronter, nous anéantir, tous ensemble. J’entends ses pas, si proches de moi. Et puis les flocons s'illuminent devant l'entrée et dansent à nouveau. Quelques fragments de neige s’effondrent de ce qui me sert de toit lorsque ses pas cognent, juste au-dessus.


Nous sommes allés trop loin.


— Vous êtes là ?

La voix qui s’élève est à l’entrée, juste en face de moi. Je ne respire plus.

La lumière bondit sur mon visage alors je croise mes bras pour m'en protéger.

— Je ne suis pas malade, n’ayez pas peur.

Moi, je le suis. Sors d’ici. N’insiste pas.

— J'ai tellement froid, reprend-elle. Est-ce que je peux m'abriter avec vous quelques heures. Je repartirai après la tempête.

La voix s’approche. J’entends ses pas, si près de moi.

— Je vais entrer.

Ses vêtements raclent les parois de mon abri.


J’ai soif.


Je hurle de toutes mes forces en lâchant ma lampe éteinte, je lui hurle de sortir d’ici.

Pris de panique, je l’entends glisser sur la neige glacée.

Un bruit sourd, étouffé.

L'obscurité est revenue.

Elle ne parle plus.

Plus un bruit.

Je reste sans bouger, juste quelques secondes.

J’attends.

J’attends d’entendre un geste, rien qu’un mouvement qui chuinterait sur la neige.

Pas un seul bruit.


J’attends.


Serait-elle inconsciente ?

Le silence est revenu. Ma respiration le berce et tous mes autres gestes aussi.

Sa respiration, également.

À tâtons, je cherche ma lampe torche. Je la serre entre mes paumes tremblantes. Je pose mon index sur le bouton, mais j’attends encore un peu avant de l’allumer.

Toujours pas de bruit.


J’appuie.


Le faisceau de lumière va percuter le plafond et il y reste, quelques secondes. Je descends lentement la lumière pour découvrir le corps inanimé d’une jeune femme au visage épuisé, Impossible de jauger son âge. Elle pourrait très bien avoir vingt ans, comme quarante. Elle porte une sorte de grand manteau surmonté d’une capuche cerclée de fourrures.


Elle ne bouge pas.


Le sol glacé est vraiment dur.

Son crâne a dû le percuter.


J’ai soif.


Non, ce n’est pas le moment de penser à ça.


Mais j’ai tellement soif.


Et si tu avais raison ?

Ton sourire, si beau, enivré de ce sang, tacheté de son sang. Ce sourire qui s’étire, bourré de cette satisfaction que je n’aurais jamais cru apercevoir après le commencement de cette fin du monde. Ton sourire, si beau.


Pourquoi as-tu fait ça ?


Et si tu avais raison ?


Si elle ne se réveillait pas… Je pourrais peut-être savoir.

Non… Non !

Je ne dois pas penser à ça.


Tu avais tort !


Tu n’aurais jamais dû !


Et c’est pour ça… c’est pour ça que je t’ai tuée, mon amour.


Sa main remue.


Sous ses paupières closes se dessinent de timides mouvements et, bientôt, elles s’ouvrent, en battant d’abord, puis complètement. Je laisse la lampe torche l’éblouir. Elle ne peut pas me voir. Elle n’aperçoit qu’un soleil qui lui brûle la cornée dans cette nuit sans fin.

— Vous… m’avez fait peur, marmonne-t-elle en protégeant ses yeux.

Je voulais te sauver la vie.

Trop tard maintenant.

Je connais déjà le dénouement de notre petite rencontre.


La soif… Elle va nous tuer.


— Je suis désolé.

C’est tout ce que je trouve à dire. Je présente mes excuses.

— Je suis vraiment désolé, insisté-je. Je ne voulais pas… hurler.

— Pas grave, dit-elle en se relevant.

— Ça fait… des semaines… que je n’ai plus vu... Je suis… sincèrement désolé.

Je pose la lampe torche de manière à ce qu’elle nous éclaire tous les deux, et on se regarde, là, un peu effrayés par ce qui nous attend, sans dire un mot.

— Il n'y a plus personne, dit-elle finalement pour briser le silence. Quelques bêtes affamées, parfois. Quelques rats à manger. Mais les hommes, les femmes, il n'y a plus rien. À part vous, peut-être. Ou peut-être pas.


Son regard se perd dans une dimension que je ne perçois pas.


Est-ce que tout ça est bien réel ?


Est-ce qu'elle est vraiment là, devant moi ?


J'ai l'impression d'entendre son cœur, qui bat, qui pulse.



Son sang.



Et puis le temps fait ce qu'il fait toujours, il passe. Une minute, peut-être une heure. Il s'étire, se prélasse avant de filer. Il n'est plus le même, le temps. Et alors qu'il se perd et s'oublie, moi, je ne pense qu'au martèlement, le bruit du cœur de cette jeune femme, si lourd, si fort qu'il brise le calme et dévore la tempête.

— Je suis bien là, avoué-je pour me changer les idées. Je sais ce que ça fait d'être seul trop longtemps.

Ses yeux s'agrippent à nouveau à la réalité et croisent alors les miens.

— On a du mal à distinguer ce qu'on rêve de ce qu'on vit, confirme-t-elle.

— C'est ça.

— Merci de me laisser me réchauffer.

— Vous aurez juste moins froid.

— C'est déjà ça.

Elle observe le réchaud, un instant.

— Il n'y a plus d'essence, mais j'irai en chercher après la neige.

— Elle s'est déjà arrêtée ? J'ai l'impression qu'elle tombe depuis ma naissance.


Je ne sais plus.


Je ne sais pas.


Depuis combien de temps suis-je ici ?


Est-ce qu'elle vient d'arriver ?


— Elle finit toujours par s'arrêter. Une accalmie, suivie de quelques lueurs dans le ciel. Juste une trêve avant la prochaine.

— Ah oui, c'est vrai. Je crois que je m'en souviens.

À nouveau, elle dérive vers un ailleurs qui m'est inaccessible.



J'ai soif.



— Arrête de penser à ça ! hurlé-je.

Elle sursaute, se replonge dans le présent, mais elle n'a pas peur.

— Penser à quoi ?

À boire.

— À ma femme. Elle est morte, il y a longtemps. Au temps d'avant. Il y a des centaines de tempêtes de ça, je crois.

— Vous mentez.


J'ai soif.

Tellement soif.


Comme un débris sur la mer, elle dérive une fois encore et emporte le temps. Une impression de journées qui s'envolent, de semaines, de mois, même si tous ces termes n'ont plus de sens, aujourd'hui.

— J'ai soif, avoué-je.

— Je le vois bien.

Alors qu'elle prononce ces mots, son regard n'a jamais paru aussi lointain.

— Alors, va-t'en.

— Je ne peux pas. C'est quoi le plus douloureux ? Mourir de froid ? Mourir de la soif ? Mourir de la soif d'un autre ?

Son cœur, je l'entends toujours, comme des coups de feu dans la nuit.

Elle baisse sa capuche et dévoile un visage émacié, découpé par des os qui étirent sa peau décharnée. Elle est si maigre, si faible. Des cheveux blond filasse tombent sur sa nuque.

Sa jugulaire y bat, visible, évidente.


Dans ma tête, elle tambourine.


— Prenez tout, ordonne-t-elle. Ne laissez rien.


J’ai soif.

Si soif.

Tellement soif.


Où es-tu, désormais ?

Il n'y a plus rien sur ce monde.

Plus de temps, plus d'amour, plus de joie : tout ce que tu as été, un jour. Tout ce que tu as détruit. Est-ce que tu te trouves dans un ailleurs merveilleux ? Dans l'une de ces dimensions qui aspirent sans cesse le regard de cette femme ?


Est-ce que l'on s'y retrouvera ?


— Je sais comment elle s'étanche, la soif, me dit-elle. J'ai tout vu, avant la solitude.

— Hors de question.

Je dis ça dans un murmure sans conviction. Ton sourire, peinturluré de sang, ce plaisir, ce soulagement. Tout est là, évident.

— Prenez tout, réitère-t-elle. Tuez-moi. Je n'en peux plus. J'ai tellement faim, tellement froid. Il est tant que ça cesse. Et si ma mort peut vous guérir, alors prenez tout !

Elle pleure, sans larmes, sans se cacher.

— Prenez tout !

Je salive rien qu'à l'idée.

— Je ne peux pas, je ne veux pas.

Je secoue la tête, puis recule tout au fond de mon abri.

— Prenez tout !

Elle se jette sur moi et colle sa nuque contre mes lèvres.

— Prenez tout !


Le parfum de son sang est exquis.


Le goût de sa peau est parfait.


Me comprime.


Me broie.


Me convainc.


J’ai soif.

Si soif.


Alors je mords à pleines dents et elle hurle de douleur, mais dans la douleur, elle psalmodie les mêmes mots.

— Prenez tout !

Le sang dégouline sur mes lèvres, dévale le long de ma langue.

— Prenez tout.

Et la soif, ma soif, se régale.

— Prenez...

J'avale une première lampée et, dans mon corps, un feu d'artifice de plaisir et de satisfaction fait pétiller mes veines.

— ...tout.

Le plaisir est indescriptible. Parfait. Alors je me jette sur elle, avide, la plaque sur le dos et mords plus fort encore jusqu'à sentir la chair se déchiqueter.

Et je bois.

— Pre...

Et je bois.

— ...nez...

Et je bois.

— ...tout

Et je bois.

Et la soif s'apaise, s'atténue.

Et je bois.

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