6. Punch
Nathan
Ce matin, je me réveille avec un mal de tête horrible. C'est comme si une voiture m'avaitrenversé et en prime, m'avait roulé dessus. Je déteste cette sensation. En plus, j'entends mon cœur battre dans mon crâne, par de grands battements.
Doucement, je me lève en position assise dans mon lit. Ma tête me tourne sévèrement. Je n'ai qu'une envie, me recoucher. Malheureusement, j'ai une journée à l'école qu'il faut que j'assure. Si je rajoute des soupçons chez les élèves du bahut en plus des paris qu'ils font sur moi et Ashford, je leur donne le plaisir de colporter encore plus de chose sur moi, et ça, sur un plateau d'argent.
J'ai à peine posé mes pieds sur la moquette, que ma porte s'ouvre en furie. L'odeur de l'alcool et de la transpiration qui me pique le nez, m'indique tout de suite qu'il s'agit de mon père. Par instinct, je serre les poings.
Bizarrement, il ne dit rien. Cependant, il se rapproche de moi, les poings serrés le long de son corps. Lorsqu'il se retrouve devant moi, je m'attends à l'impact et dans les secondes qui arrivent, c'est ce qui se produit. Le poing de mon père vient cueillir ma joue. Cette fois-ci, il s'agit de mon autre joue, celle encore rose et fraîche. La douleur s'installe dans ma mâchoire et dans mes dents. Ma peau va très vite changer de couleur, elle aussi. Je vais avoir l'air fin avec deux bleus sur chacune de mes joues. On va me poser des questions.
Surtout, je ne relève pas la tête. J'ai bien fait sinon c'est mon nez qui aurait pris la vilaine claque qu'il me donne sur le crâne. J'entends résonner dans ma boite crânienne et mon mal de tête s'accentuer. Je serre les dents.
Toutes sortes d'insultes me viennent à l'esprit mais aucune d'elles ne franchissent le mur de mes lèvres. Tant mieux, sinon la deuxième raclée aurait été pire. Mais connaissant mon père, il aurait adoré prendre mes insultes comme excuses pour me laminer encore plus.
— Petit merdeux ! À cause de ta petite sortie en douce, ta mère était morte d'inquiétude ! Elle n'a pas dormi pendant des heures !
Je garde la tête baissée.
— J'espère que tu as une bonne raison pour être sorti si tard, petit con.
Je l'entends grogner tout près de moi. Soudain, je resserre les poings, m'attendant à un deuxième round, mais heureusement il n'arrive pas. En tout cas, pas tout de suite.
— Tu as vu l'heure ? Tu devrais être à l'école depuis deux heures !
Mon père soupire. Je lève légèrement le regard pour voir qu'il se tient la tête entre ses mains, faisant ressortir son bide de son t-shirt. J'ai envie de vomir à chaque fois que je vois ce qu'est devenu mon père.
— En plus d'avoir élevé un sale branleur, il va finir chômeur ! Putain bouge ton cul et habille-toi ! Si tu ne te rends pas utile à l'école, trouve-toi autre chose !
Sans réfléchir, je saisis l'opportunité. Je me lève vite, tellement vite que je manque de tomber. Mon père, ça, ne le manque pas. Merde, ça va être une très très mauvaise journée, aujourd'hui.
Brutalement, sa grosse main se pose sur mon épaule. Il me tire vers lui, pour m'observer de ses yeux verts, tout à l'opposé des miens que je tiens de ma mère. Ils sont injectés de sang. Un coup d'oeil rapide à mon réveil m'apprend qu'il est à peine dix heure du matin. Eh ouais, il est déjà bourré à cette heure bien matinale. Il faut croire qu'il veut établir des records. De toute façon, il n'a rien de mieux à faire.
— J'ai pas fini ! Tu étais où hier soir ? Et n'envisage pas de mentir, je peux le sentir quand tu essaies de te payer ma tête.
Je l'observe dans les yeux, fixement, dans un air de défi. Sale gros sac ! Lui aussi, m'observe attentivement, le regard dur.
— Parle ou c'est moi qui te fait parler !
Sa voix me fait l'effet d'une gifle. Elle est tellement forte et sèche. Parfois, je demande comment c'est possible qu'un père soit aussi violent avec son propre enfant, son propre fils. Et ensuite, je me souviens que mon père existe et que c'est exactement ce qu'il est. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je suis juste un sale morveux, un petit con, qui mérite sa raclée tous les soirs. Pour tout et n'importe quoi.
— T'en veux encore ? Parle !
Il me crache au visage. Je ne réagis pas. Mais lorsque ses mains enserrent un peu plus mes biceps et que la douleur commence à se faire ressentir dans mon corps, je laisse échapper un faible gémissement qui le fait sourire de malice, et je lâche tout.
— J'étais chez un gars du lycée qui faisait une soirée chez lui.
Il me regarde avec dégoût. Puis il me renifle en faisant un bruit dégueulasse avec son nez.
— T'as bu ?
J'opine sans dire un mot. Ma gorge est sèche.
— T'as fumé de ces trucs illégaux ?
— Ouais, et c'était bon.
Les mots sont sortis tout seuls de ma bouche. Sûrement parce que mon corps en a marre de subir tous les sévices de mon père et que mon cerveau ressent de plus en plus cette douleur aiguë dans mes muscles qui se propage en plein vers ma poitrine comprimée dans ma cage thoracique.
Mon père plisse les yeux avant de libérer un de mes biceps pour me balancer un autre coup dans le visage. J'accuse sans ciller une seule fois.
— Tu me fais honte ! Dégage avant que je te saigne !
Toujours en caleçon, je ramasse vite fait un jogging qui traîne sur le sol et attrape un haut en plus d'un sweat dans mon placard. En éclair, je passe dans la salle de bain pour m'habiller, me brosser les dents et passer un coup d'eau fraîche sur mes deux joues. Ma tête est affreuse. Elle fait peur à voir.
En me regardant dans le miroir, je soupire un grand coup. C'est mort, tout le monde va se douter de quelque chose. Le truc c'est que mon père s'en fout que les gens parlent de sa façon de me traiter. Qu'il sache que c'est sa faute, il s'en occupe pas. Pourtant les conséquences pourraient très grave pour lui et ma mère. Mais le problème c'est qu'il sait très bien mentir et embobiner ma mère par la suite, quelques fois. Il sait se mettre à l'abri quand les gens parlent trop. Même si une part d'eux ne le croit pas, il leur fait comprendre qu'il ne vaut mieux pas chercher les ennuis. Il fait peur.
— Tu dégages de ma maison putain !
J'entends la voix de mon père venir du salon, qui fait vibrer les murs de la maison. Je ne tarde pas et dévale les escaliers pour prendre la porte d'entrée. Le petit déjeuner peut attendre, même si mon ventre réclame ce qui lui est dû. Je ne peux pas risquer de rentrer pour attraper seulement une pomme ou un truc dans le genre. C'est trop dangereux et surtout, ça ne vaut pas le coup.
Ce matin, je prends mon vélo pour aller plus vite. Les deux heures de la matinée sont déjà passées. Je suis bien en retard. Je devais être dans les vapes quand mon réveil à sonner.
J'arrive bientôt devant le lycée. Immédiatement, j'entre dans le hangars à vélo pour l'attacher. Une fois que c'est fait, je marche jusqu'à l'entrée. Comme à l'heure habituelle, le groupe des sportifs, avec Ashford, Matt, Olivia et presque toute l'équipe, sont juste devant. Au coin fumeur. Je les entends discuter et même rire.
Pendant un moment, j'hésite à passer devant eux. Mais je n'ai pas le choix, je dois absolument passer à mon casier avant d'aller en classe. D'un pas décidé et franc, la capuche de sweat relevée sur ma tête, je passe près d'eux. Lorsque je marche devant eux, ils s'arrêtent de parler. Un coup d'oeil en biais m'apprend qu'ils me regardent. Heureusement, ils reprennent à parler activement, le regard loin de moi. Bien sûr, seul un regard reste insistant sur moi. Il me brûle. Je sais que Ashford sait qu'il s'agit de moi et qu'il m'observe attentivement durant toute ma marche, seulement par provocation. Comment ne pas le détester quand il fait ce genre de chose ?
Je prends une grande inspiration en poussant la porte. Les couloirs grouillent de monde, mais heureusement personne ne semble faire attention à moi. C'est un soulagement. En silence et doucement, je me dirige vers mon casier. Comme prévu, je récupère mes affaires.
En fermant mon casier, je m'aperçois que quelqu'un est accoudé contre le casier voisin au mien. Je tourne aussitôt la tête pour voir à qui j'ai affaire. Lorsque je repère les cheveux roux de Iliana, je pousse un soupir. Elle me répond par un léger rire moqueur.
— Tu t'attendais à qui ?
Sa voix est enjouée et douce. Tout ce qu'il me faut pour démarrer cette journée, d'une meilleure humeur. Iliana me regarde, un sourire chaleureux sur le visage. Je sais qu'elle a remarqué mes marques et mes bleus mais elle ne fait aucune remarque. Je lui en suis reconnaissant.
— Personne en particulier en fait...
Son sourire perd de son ampleur. Elle fixe quelque chose ou plutôt quelqu'un derrière moi. Je fronce les sourcils et me tourne immédiatement. Le groupe des sportifs est en train de franchir la porte. Pour éviter leurs regards, je me concentre sur Iliana et leur tourne le dos. Je sais bien que je vais les voir bientôt, mais autant retarder le moment au maximum.
C'est fou, ça fait juste deux jours qu'on s'est rencontré avec Ashford, Matt et leur groupe et j'ai déjà envie de les fuir à chaque fois qu'ils croisent ma route. Je n'aime pas du tout ça. Comme je n'aime pas certaines choses en fait. Ce sentiment étrange passera vite.
— Nat ?
La voix de Iliana me fait revenir sur terre. Je lui souris faiblement.
— Je vous ai vu hier soir avec Ashford... en fait, une partie des gens à la soirée vous a vu dans le jardin de Kyle. Tu veux m'en parler ?
Ce qui est encore plus fou, c'est que je connais Iliana depuis seulement deux jours aussi, et je n'ai jamais eu autant envie de parler et de rester avec quelqu'un. C'est simple, je n'ai jamais vraiment réussi à me faire des amis. En tout cas, pas ce genre d'amis, ceux en qui tu peux avoir confiance et avec qui tu parles dès que tu les aperçois dans ton champ de vision.
— Il m'a demandé si je pouvais le suivre dehors et je l'ai fait. On a discuté, enfin on s'est un peu engueulé. Je l'ai traité de connard, lui aussi m'a traité de connard. Et puis, il y a un truc bizarre qu'il m'a dit. Il me l'a répété trois fois.
Iliana fronce les sourcils, curieuse de savoir ce que Ashford m'a répété autant de fois.
— Il m'a dit de faire gaffe. Faire gaffe à mon entourage. Je ne sais pas ce qu'il a cherché à me dire. J'étais furieux hier soir et je le suis encore. Ce mec est vraiment bizarre.
— Pour avoir été dans son collège et dans son lycée, ce mec bizarre comme tu dis, joue un rôle sans cesse. Il observe son environnement et cherche à se faire des potes pour assurer ses arrières. Mais tu as raison, il est sûrement bizarre, comme tout le monde.
Je ris.
— Quoi ?
— Rien. Mais dis-moi... tu le défends là ou je me trompe ?
Elle hausse les sourcils tout en levant les yeux au ciel. Son geste me fait sourire.
— Je ne le défends pas du tout, je t'exprime mon ressenti. Bien sûr, je garde la même opinion et le même avertissement que je t'ai fait ce premier jour sur eux. Si tu te frottes à ce groupe, ils ne te lâcheront plus.
Je grimace.
— Je crois qu'il est trop tard. Olivia a l'air de m'apprécier et je m'entraîne tous les soirs avec Ashford Saint pour tenter de rentrer dans leur équipe de football américain.
— C'est une pimbêche, Nat.
Elle grogne, avant de se diriger vers notre classe. Je la suis tranquillement.
— Je sais bien que tu vas intégrer cette équipe, et j'espère bien que tu ne me laisseras pas tomber pour autant hein ?
Je lui souris sincèrement avant de la prendre dans mes bras. Iliana pose sa joue sur mon épaule, dans un geste tendre.
— Ne pense pas ça. Regarde, ça fait seulement deux jours qu'on se connaît, presque trois avec aujourd'hui, et je te prends déjà dans mes bras.
Elle rit et le rythme de mon cœur s'apaise aussitôt. Je m'autorise même à fermer les yeux pendant cette embrassade amicale.
— Moi aussi, je te laisse me prendre dans tes bras je te rappelle. Et tout le monde sait que je ne suis pas une fille facile. On va dire que d'ordinaire, je suis plutôt asociale.
— Si je dois déduire une chose c'est que nous sommes des exceptions l'un pour l'autre alors.
Elle acquiesce avant que la cloche ne sonne la fin de la pause. Nous entrons à l'intérieur de la classe pour nous placer et le cours commence quelques minutes plus tard. Je passe la deuxième partie de la matinée à dessiner sur mes cahiers de cours, sous l'oeil critique et attentif de ma voisine.
*
* *
J'ai quelques minutes de retard lorsque j'arrive à l'entraînement. Je n'ai pas encore le temps de jeter un coup d'oeil sur les différents rôles qu'on trouve dans une équipe de football américain. D'ailleurs, je n'ai toujours pas de tenue. Le Coach bronche un peu, avant d'aller me la chercher. Je l'enfile sans attendre.
Le soleil m'éblouit lorsque je rentre sur le terrain. Cette fois Ashford ne discute pas avec Matt, il installe les exercices. Les mêmes que la dernière fois puis d'autres nouveaux, en plus.
Sans se parler, nous commençons par courir. Puis une fois les trois tours effectués, je réalise les exercices de la dernière fois sans qu'il me le demande. Je sens son regard me scruter et vérifier chacun de mes gestes. Il me reprend quelques fois sur ma posture ou alors sur ma vitesse. Puis nous passons aux nouvelles activités. Cette fois, je dois m'entraîner à lancer, mais également à lui faire une passe en arrière.
L'entraînement dure près de deux heures, comme la dernière fois. Je l'aide à ranger dans le silence, puis je file dans les vestiaires. Comme d'habitude, je me dis que je prendrai une douche chez moi.
Je marche vite dans les couloirs pour ne pas me faire prendre, mais malheureusement je croise le Coach avec Ashford sur mon chemin. Lorsque j'arrive à leur hauteur, le Coach se retourne vers moi, l'air sévère. Ses yeux s'attardent sur les bleus sur mes joues. Tout à coup, je me sens mal à l'aise.
— Tu peux faire confiance à l'équipe Nathan. Si tu as un problème quelconque, tu peux venir m'en parler ou si tu te sens plus proches de tes coéquipiers, tu peux leur en faire part.
— Oui, Coach.
Il plisse les yeux quelques minutes, en m'observant attentivement.
— Je suis responsable de vous, moi aussi, donc pas de faux pas ou de mensonges.
— Oui, Coach.
— Très bien. Filez les jeunes !
Sans demander mon reste, je les dépasse pour passer prudemment la grille blanche. J'entends les pas pressés de Ashford derrière moi. Il essaie sans doute de me rattraper, mais ma marche est assez soutenue. Il réussit tout de même à se placer à côté de moi.
— On devrait aller te chercher une tenue pour les entraînements, tu ne crois pas ?
Je me stoppe soudainement, un peu sonné par sa question. Les mots mettent du temps à atteindre ma boite crânienne et à prendre du sens. Les propos du Coach résonnent encore à l'intérieur de moi et me donnent des sueurs froides.
— Ouais, ça serait bien.
Ma voix est enrouée. Ashford n'en fait pas de cas, il se contente de hocher la tête à ma réponse.
— On se contacte par Messenger ?
— Pour ?
Je l'entends rire légèrement avant de se reprendre immédiatement.
— Pour aller chercher ton équipement. Je peux pas y aller tout seul, il me faut ta taille, ta pointure et c'est mieux d'essayer.
Je déglutis. Tout à coup, je me sens bête de ne pas avoir fait le rapprochement entre le sujet et sa question. Mais sur le coup, ça m'a semblé tellement bizarre qu'il me parle de se contacter sur Messenger.
— Ouais, bien sûr. Sur Messenger, ça marche. Salut.
Ashford me regarde partir sur mon vélo, de mon côté, puis je le vois bifurquer sur une autre route. Pendant le trajet vers la maison, je me demande comment je vais faire pour me payer cet équipement. Puis après, je me rappelle que Todd me doit un service. Sans me poser de question, je décide de l'appeler aussitôt rentré chez moi.
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Hello tout le monde ! J'espère que vous allez bien !
J'ai conscience que ça fait très longtemps que je ne suis pas venue ici pour alimenter mon histoire, mais me revoilà hihi. J'espère que vous avez aimé ce nouveau chapitre ! J'attends vos commentaires et vos annotations avec impatience. Bises.
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