Chapitre 1 : La routine quoi !
J'essayais de préparer les enfants pour l'école sans stress et sans pleurs. Ce n'était pas gagné. Mila avait décidé que les céréales de son frère étaient plus grosses que les siennes et je sentais la crise de jalousie pointer du nez. Je n'avais pas envie de commencer la journée à jouer l'arbitre. Car à partir de deux petits, on a vraiment l'impression de ne faire que ça.
Je menaçais ma fille de manger ses céréales si elle n'en voulait pas. Étrangement, elle se pressa de les finir.
J'étais assise à table en train de déguster mon café tout en faisant défiler mon programme de la journée sur mon téléphone et en écoutant une playlist de vieux Jazz. J'ai toujours aimé organiser mes tâches à l'avance. Les rayons du soleil traversaient la vitre et éclairaient la pièce d'une douce lueur.
Je jetais un coup d'œil aux infos, la crise sanitaire était interminable et il me tardait de retourner à la vie normale, sortir au théâtre, au restaurant, emmener les enfants aux musées.
Je soupirais quand mon compagnon revint de la salle de bain. Son odeur de cèdre et de musc blanc envahit la salle à manger. Arnaud se pencha vers les enfants et leur rappelait qu'il était l'heure d'aller à l'école. Il me prit dans les bras et m'embrassa dans le cou. Ce qui me provoqua un frisson agréable.
— Bonjour la plus belle femme au monde. Tu as bien dormi ma chérie ?
— Oui ça va. Raphaël ne s'est pas levé à cinq heures du matin et il n'a pas réveillé sa sœur, donc on peut dire qu'on progresse.
Je me retournais vers mon fils qui me souriait d'un petit air coquin.
Mon homme m'embrassa avant de partir avec les enfants. Je finissais de préparer mes affaires pour le travail en fredonnant la chanson « it's a good day » de Peggy Lee puis je partais pour le boulot.
J'étais secrétaire dans un service de communication du ministère de la Santé. L'antenne où je travaillais était à Toulouse. J'avais un travail stable et des collègues sympas et compétents, pour la plupart. Ce n'était pas toujours passionnant, mais je n'avais pas à me plaindre.
La journée défila à toute vitesse, entre les notes, les mails, les appels téléphoniques et les réunions, j'avais hâte de rentrer chez moi au calme.
Nous avions couché les enfants de bonne heure et nous en avions profité pour nous retrouver sous la couette avec mon conjoint. J'adorais ces moments d'intimité et de douceur.
Je dormais dans un sommeil de plomb et j'avais du mal à me réveiller. Étrangement, je n'arrêtais pas de rêver que je me réveillais, et je commençais à angoisser à force. Mes paupières me semblaient tellement lourdes et un son sourd bourdonnait dans ma tête. Il devenait de plus en plus fort et ce fut une voix lointaine que je perçus.
— Lydie, tu m'entends ? Oh mon dieu Lorie ! Appelle une infirmière !
Je n'arrivais pas encore à ouvrir les yeux, car ils étaient, comme tout mon corps, totalement collés au lit. La gravité terrestre ne m'avait jamais semblé aussi forte. Je reconnus la voix de ma mère et de ma sœur Marion.
— Lydie ! Ouvre les yeux, je t'en supplie ! Dis cette dernière.
La voix suppliante de ma sœur m'alerta. Je fronçais les yeux et me forçais à soulever mes paupières avec un effort soutenu. J'entendais les voix de mes proches, de médecin et d'infirmières. Ils m'encourageaient à poursuivre mes efforts. Au bout d'un temps interminable je réussis enfin à ouvrir les yeux et je alors stupéfaite. J'étais dans une chambre d'hôpital, ma mère et ma sœur me fixaient avec des larmes de joie plein les yeux. Mais quelque chose m'interpellait dans leurs visages. Ils étaient plus jeunes et leurs voix aussi. Je secouais la tête et l'infirmière me nettoya les yeux avec du sérum physiologique.
Sentant mon trouble, le docteur me questionna.
— Bonjour, je suis le Dr Jalon. Je suis médecin réanimateur. Est-ce que vous savez comment vous vous appelez ?
— Oh-Ohhhui. Ma voix était tellement sèche.
— C'est normal que vous ayez du mal à parler. Prenez votre temps.
On me redressa dans le lit. Tout mon corps était engourdi. L'infirmière m'humidifia la bouche.
— Lydie Chambon. J'avais la voix d'une fumeuse cancéreuse en stade final.
— Exacte. Savez-vous où nous sommes ?
— A l'hôpital ?
— Oui. Mais dans quelle ville ?
Je fronçais les sourcils et j'observais autour de moi à la recherche d'indices sur mon lieu. Voyant que je ne lui répondais pas, le médecin m'expliqua ce qui s'était passé.
— Lydie, nous sommes à l'hôpital de Nîmes. Nous sommes le 24 avril 2003. Vous êtes ici parce que vous avez été renversé par une voiture. Vous êtes resté dans le coma durant presque deux ans.
— Non, vous vous trompez. Nous sommes en 2021 et on est à Toulouse. Je vis à Toulouse avec mon compagnon et mes enfants.
— Lydie ce n'est pas possible, car vous n'avez que vous avez dix-neuf ans et que vous êtes là depuis deux ans.
Me sentant complètement perdue, le médecin demanda à ce que je reste seule pour me reposer.
Je devais faire un cauchemar. Je fermais les yeux en priant pour que j'oublie tout à mon réveil.
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