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Ma récupération fut très longue, trop longue. J'étais pourtant d'une nature très patiente, mais je n'étais pas fan de l'idée de rester dans une chambre d'hôpital. J'avais passé deux ans dans cette chambre déjà et j'avais un long chemin à parcourir pour en sortir selon les médecins. Mais une de mes principales qualités c'est la résilience. Et j'étais bornée, j'allais toujours jusqu'au bout de choses pour ne pas avoir de regret. Alors, je profitais de tout mon temps disponible c'est-à-dire beaucoup, pour faire des exercices de renforcement musculaire. Je n'étais pas encore capable de marcher seule, mais je récupérais chaque jour un peu plus d'autonomie et de force.
On m'avait retiré la sonde et je pouvais manger normalement, de la nourriture solide, enfin ça restait des repas d'hôpital, mais c'était quand même appréciable après tant de temps. Ce qui me permis aussi de me remplumer. J'avais quelques kilos de masse graisseuse et musculaire à récupérer. Un coma était un régime très efficace, mais peu recommandable.
Bastien venait travailler quasiment tous les jours et j'attendais à venue comme le messie. Il était mon rayon de soleil. Je vivais sa vie à l'extérieur de ces murs par procuration. Et Bastien avait énormément d'humour et ne pouvait s'empêcher de charmer toutes les jolies femmes qu'il croisait, sauf moi. J'étais sa patiente et notre amitié nous rapprochait plus comme des frères et sœurs. C'était un bel homme, bien sûr. Il avait beaucoup de qualité, mais je voyais en lui davantage un petit frère. C'était ironique, car il était mon aîné de deux ans en 2003. Puis un matin, après ma toilette, Bastien profita du fait que le service soit à moitié vide pour me faire une surprise. Il m'installa sur le fauteuil roulant, me couvrit d'une couverture et m'emmenait dans les dédales des couloirs du CHU.
Nous sortîmes vers un parc à l'arrière du bâtiment. L'air frais et l'espace libre autour de moi étaient euphoriques. Un vrai bain d'air frais et d'espace. Je me rendis compte à quel point je me sentais prisonnière de cette chambre d'hôpital. Une seconde surprise m'attendait assise sur un banc, ma sœur Marion, avec son plus beau sourire. J'avais envie de me jeter dans ses bras, si mes jambes avaient pu me porter, je ne me serais pas fait prier. Alors nous rattrapâmes le temps perdu. Ma sœur m'avait perdue pendant deux longues années et nous avions des choses à nous raconter. Enfin, je ne rentrais pas trop dans les détails de ma vie "rêvée" dans ma période de coma, car ma soeur trouvait ça trop étrange. Adolescentes, ma frangine et moi n'étions pas aussi proches que lorsque l'on était petite. On avait un an d'écart et cela nous avait rapprochés jusqu'à ce que l'on grandisse. Une jalousie et une compétition étaient nées entre nous. Ma mère ne pouvait s'empêcher de nous coller des étiquettes.
Petite, ma sœur était cataloguée, la fille préférée de notre père, ce qui me blessait beaucoup. Mon père était décédé lorsque j'avais huit ans et ma sœur neuf ans. Nos parents s'étaient séparés lorsque nous étions bébés et mon père n'avait jamais eu un comportement différent avec nous. Mais la graine était plantée et cela créa une rivalité entre nous qui grandissait. Ma sœur était intelligente, avait une mémoire dingue et était une artiste talentueuse. Et ma mère me rappelait à quel point elle était meilleure que moi. Moi j'étais, au dire de ma mère, la plus sage, la plus drôle et la plus généreuse. J'avais pour ma part, dépassé tout ça avec une discussion avec ma frangine lorsque j'avais vingt ans, enfin de ma vie dans mon coma. Je voulais crever l'abcès avec ma sœur pour nous rapprocher comme avant. Nous passâmes donc une bonne partie de la journée sur ce banc à discuter. Elle avait amené des kebabs et je dévorais le mien avec un plaisir incroyable. Ce qui fit pouffer de rire Marion. Avant de me raccompagner à ma chambre, elle m'interpella.
- 'ai quelque chose à t'annoncer. Une bonne nouvelle, me rassura-t-elle devant mon regard anxieux. J'ai discuté avec le médecin pour plaider ton retour à la maison dès que possible. Au début il était très prudent, mais devant les progrès énormes et la bonne reprise de ton poids de forme, il a accepté de rapprocher ta sortie de l'hôpital.
- Oh c'est super, je n'en peux plus d'être enfermé là-dedans. Ma vie ne se résume qu'aux repas, douche, et kiné. C'est déprimant !
Soudain, je réalisais que je n'allais plus voir Bastien. Il fallait que je trouve un moyen de le voir après ma sortie. Puis, une chose m'interpella.
- Mais, pourquoi le médecin a-t-il parlé de ça avec toi et pas avec moi directement ? Je suis majeure, que je sache ? Et je suis la principale concernée !
- Oui, mais je lui ai demandé si je pouvais t'en parler directement. Et puis, j'ai dû négocier avec lui sur les aménagements pour la suite des soins à domicile. Tu vas emménager chez moi, car l'appartement de maman est au troisième étage sans ascenseur. J'ai juste plaidé ta cause Lyly.
Le surnom que me donna Marion me rendit nostalgique. Je laissais tomber la discussion et puis j'étais trop crevée pour débattre.
Bastien accueillit la nouvelle avec sourire. Il était heureux pour moi et me promit de me voir le plus souvent possible. Ma sœur m'avait offert un portable à clapet alors le numéro de Bastien fut le troisième à être enregistré dessus, après celui de ma sœur et de ma mère. Je n'avais plus aucun contact de mon lycée et je ne tenais pas vraiment à prendre contact avec des adolescents immatures.
Le soir, je m'endormis avant de regarder cette maigre liste de contact. Celle qui me manquait le plus était celle d'Arnaud. J'aurais donné n'importe quoi pour entendre le son de sa voix et celle de mes enfants. Je me promis de le chercher dès que possible. S'il existait vraiment, cela pourrait vraiment tout changer pour moi.
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