SANS SUITE 21/ Jour 5 : L'incompréhension
La nuit fut très courte, mais réparatrice ; j'ai dormi comme un loir, malgré l'impression d'une présence inhabituelle et profondément endormie dans mon lit, d'un bras inerte pesant sur ma taille, d'un souffle alcoolisé sur mon visage ou encore d'un léger ronflement. Mais ce n'était pas un rêve, Lukas s’est trompé de chambre dans la nuit, et il s’est couché près de moi, sans même que cela me réveille !
Je pensais souffrir d'un bon mal de tête dès le petit matin, mais au contraire, je suis en pleine forme, juste légèrement déçue de ne pas avoir pu me blottir dans ses bras quand il a ouvert les yeux. Peu importe, qu’il soit venu me retrouver et qu’il m’ait laissée dormir en partant, représentent une telle délicatesse. Il a pris soin de mon sommeil, il a pris soin de moi.
Le soleil brille et, à cette heure, la température n'atteint pas encore les trente degrés. Je n'éprouve aucun besoin d'allumer mon ordinateur. Le coeur en fête, j'ai bien plus envie de profiter de la fraîcheur matinale et de la petite brise de ce jour d'été.
Toute la troupe est assise autour de la table, sur la terrasse. Le visage de Lukas s'éclaire lorsqu'il m'aperçoit et il me gratifie d'un grand sourire.
— Carly ! Je t'attendais, s'écrie-t-il en se levant. Tu dois vite te préparer. Ton programme d'aujourd'hui est chargé. Boutiques pour te trouver une tenue, coiffeur, maquillage et manucure, enfin bref, tous ces trucs de femmes, quoi. Ça va prendre du temps et on en manque déjà.
Le charme est rompu. L’agréable clarté fraîche du petit jour laisse place à une grisaille étouffante, moite.
— Tu plaisantes, là ? Pourquoi veux-tu que je t'accompagne si ce que je suis te déplaît tant ?
Il semble surpris, mais son ton s'est durci lorsqu'il réplique :
— Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit. Tu vas mettre les pieds dans un monde que tu ne connais pas, le mien. Ou quelque chose qui s'en approche. Les vautours seront là, à te dévisager, à t'examiner, à nous épier. Je suppose que tu ne souhaites pas leur donner de raisons d'être leur proie. De plus, je dois préserver ma réputation.
— Lukas, s'il te plaît, arrête-toi maintenant, je l'avertis, sentant la colère monter.
Il poursuit pourtant, apitoyé, à moins qu'il ne soit horrifié :
— Carly, tu ne prends pas soin de toi, et ça se voit. Tes traits sont tirés par la fatigue, tes cheveux abîmés...
Cette fois, je crie :
— Arrête-toi de parler ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu es juste en train d'expliquer ce que tu penses de moi. Tu donnes raison à ta soeur ! Je ne suis rien ! Je n'ai pas ma place dans ton monde ! Même si je suis d'accord avec vous, sur ce dernier point, rappelle-toi que je ne t'ai jamais rien demandé. Je n'attends absolument rien de toi et surtout pas ton fric ! Pour faire de moi une autre personne, en plus ! Allez-vous faire voir, votre monde et vous, Monsieur Sullivan !
— Carly, attends ! Mon but n'est pas de te changer. Écoute-moi !
Je refuse d'en entendre davantage. Je vais me préparer, non pas pour accéder aux exigences de Monsieur, mais pour poursuivre ma visite du salon. C'est sans compter sur sa ténacité. Il m'agrippe le bras et m'attire à lui pour m'embrasser. Je résiste et essaie de le repousser, mais ses bras me maintiennent fermement. J'atterris contre le mur quand il me relâche. Je n'ai pas le temps de m'enfuir que ses mains encerclent déjà mes joues et que ses lèvres s'emparent des miennes, pour finir par se poser un peu partout sur mon visage.
— Écoute-moi, Carly, s'il te plait.
— Vous savez qu'il y a des chambres, ici ! s'énerve Sybille, alors qu'elle passe en trombe près de nous.
Perdue au milieu d'une tornade de sentiments, je les regarde tour à tour.
— Carly, m'appelle encore Lukas, ses doigts pressant toujours mes joues pour récupérer mon attention.
— Trouve-toi quelqu'un d'autre, Lukas, je lui réponds, les paumes sur sa poitrine pour le repousser.
— C'est avec toi que je veux y aller, Carly ! s'emporte-t-il. Avec personne d'autre !
Je suis scotchée. Les autres aussi. Cet aveu me réconforte autant qu'il m'effraie. Que dois-je en conclure ?
Il a baissé les yeux et ne les relève pas lorsqu'il reprend :
— Ça me ferait plaisir que tu m'accompagnes, et je sais que tu seras parfaitement à l'aise et à ta place en rectifiant seulement quelques petits détails. Dont je me moque complètement, mais auxquels les vautours attacheront de l'importance. Tu comprends ?
Il se tourne vers sa sœur.
— Prends la voiture. Tu pourras l'aider et la conseiller.
— Hors de question, mon très cher frère. Fais ce que tu veux, mais sans moi.
— Voilà pourquoi je n'ai aucune intention de m'engager avec une femme ; vous êtes trop chiantes quand vous avez décidé de nous mettre des batons dans les roues ! Carly, tu as quinze minutes pour te préparer. Ensuite, je t'emmène faire du shopping.
Je suis encore sous le choc de sa confidence. Elle est venue avec tant de spontanéité et sur un ton tellement sincère ! Même ses yeux exprimaient le regret. Ce pourrait-il qu'il soit chagriné à l'idée que je ne le crois pas ? C'est d'une voix hésitante que je lui réponds :
— Je peux avoir un peu plus de temps ? Ta sœur vient de s'enfermer dans la salle de bain.
Il reste intransigeant et m'indique les sanitaires communs. Il a encore gagné.
J'achève tout juste de me brosser les dents quand j'aperçois son reflet dans le miroir. Il est là. Derrière moi. Je peux lire son désir dans son regard.
— Je viens partager mon gel douche, prétexte-t-il sans me quitter des yeux.
— J'ai peur que quinze minutes ne suffisent pas.
Il ricane.
— Pas besoin de plus, tu le sais bien. Et puis, je vais t'aider.
Nos lèvres se retrouvent, ses bras m'enlacent et me soulèvent, et mes jambes s'enroulent autour de sa taille. La porte de la douche s'ouvre violemment, il me repose pour la refermer et passe précipitamment ma robe par-dessus ma tête. Une noisette de savon dans chaque main, il commence à faire mousser le produit sur mes épaules, mon dos, puis mes seins. Il refait couler l'eau dès que le minuteur s'arrête et ses vêtements sont trempés. Il me rejoint pourtant sous le jet d'eau et m'embrasse avec ferveur.
— Qu'est-ce qui se passe, Carly ? Qu'est-ce que tu m'as fait pour que j’aie sans cesse envie de toi ?
— Je ne sais pas, Lukas. Tais-toi et fais-moi l'amour.
Je m'acharne sur ce polo qui colle à sa peau pendant qu'il défait son pantalon, puis m’assure de son érection. Il passe derrière moi et appuie mes mains sur la faïence de la douche. Ses lèvres et sa langue effleurent mon dos, ses mains caressent mes seins, mes fesses, jusqu'à ce que ses doigts frôlent mon intimité. Je gémis à ce contact.
— Ça me rend fou de sentir l’effet que j’ai sur toi, Carly.
Cette manière de m'implorer en murmurant mon prénom, sa respiration chaude et haletante sur ma nuque et ses révélations me font littéralement fondre de désir. Je crie quand enfin il s'introduit en moi. Je ne veux pas qu'il se retire. Je veux qu'il reste en moi, contre moi, profondément. Mes hanches roulent, élargissent le cercle, de plus en plus. Il ne bouge plus ; il râle le diminutif de mon nom, tout bas, me demandant de ralentir la cadence. Il respire un grand coup avant de poser sa main sur mon bas ventre. Lorsque ses doigts rencontrent mon humidité, tous mes muscles se tendent et le plaisir qui me submerge m'arrache une nouvelle plainte :
— Lukas !
Aussitôt, les mouvements de son bassin reprennent et ses gémissements viennent se mêler aux miens. Il se retire et sans reprendre son souffle me retourne pour s'emparer de mes lèvres.
— Embrasse-moi encore, réclame-il.
— Lukas, nous avons un programme chargé, tu t'en souviens ? Nous n'allons donc pas passer la journée dans les douches.
Il ronronne toujours dans mon cou puis finit par s'écarter de moi, d'un bond en arrière, en exprimant son mécontentement à grand renfort de mots vulgaires et grossiers. Il prend tout de même la peine de m'apporter une explication, alors qu'il se bat encore avec ses vêtements mouillés :
— On pourrait rester ici et passer la journée à jouer sous la couette. Qu’en penses-tu ?
— Pour que tu me le reproches après ? Non, non, non. Que fais-tu de ta réputation ?
— Carly ! Lukas ! Vous êtes là ? nous surprend la voix de Sybille. J'aurais dû m'en douter. On veut juste savoir si on vous attend pour partir.
— Non. Bonne journée, s'empresse de répondre mon amant.
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