Lionel Dubonnet vient de vivre une journée mouvementée et décevante. Son entreprise de vente par correspondance bat sérieusement de l’aile. La concurrence, bien trop présente pour une petite organisation comme la sienne, est en train de le sécher, lui et ses employés.

Cette fois-ci, David peine contre Goliath, d’autant plus qu’il y a plusieurs géants à ses trousses. Lionel ne s’est jamais senti aussi petit.

Il va sûrement devoir déposer le bilan d’ici peu. Une autre possibilité s’offre à lui et elle ne l’enchante guère plus : revendre l’entreprise. Le geste en lui-même ne lui parait pas reluisant, mais il y a pire : l’acheteur. Rachid, un gros bonhomme aussi affreux qu’ hautain, n’ayant réussit dans les affaires qu’avec chance, mépris et, comble de l'ironie, fainéantise. Tout l’opposé de Lionel, qui loin d’être un homme parfait, avait tout de même toujours respecté ses collaborateurs et travaillé dur. Se séparer de sa création, de ses efforts, pour les donner à « la définition même du gros naze », le dégoûtait, au littéral comme au figuré. Lui vendre l’entreprise pourrait néanmoins sauver quelques collègues du chômage, à l’inverse de la banqueroute.

Tout de même, quel gâchis…

En rentrant de chez lui, sous la pluie et à pied sur un trottoir, Lionel reçoit une énorme giclée d’eau de la part d’une voiture.

• ENFOIRÉ ! SALOPERIE ! gronda t-il avec toute la force de ses cordes vocales.

Le chauffeur n’a sûrement pas fait exprès, mais Lionel n’a pas l’humeur de se poser ce genre de questions.

Presque arrivé à son appartement parisien, il se rend compte qu’il vient de marcher dans une énorme crotte canine.

• Mais putain … Jure t-il, la larme à l’œil, presque à bout de nerfs.

Pour couronner le tout, lui et sa femme reçoivent ce soir sa belle sœur et son mari. Il va donc falloir simuler une jovialité inexistante.

Plus tard dans la soirée, à la fin du repas en compagnie de leurs convives, alors que tout c’était plutôt bien goupillé, la belle-sœur de Lionel lançe de sa voie de bobo et avec désarroi :

• Il n’avait plus ce modèle de manteau à fourrure en stock aux Galeries Lafayette, quelle journée épouvantable !

En entendant cela, Lionel ne peut retenir un énorme rire nerveux et méprisant. Tout comme il ne peut contenir son bras droit d’envoyer le contenu de sa tasse de café encore bien chaud en plein dans la tête de son interlocutrice.