Bienvenue à El Paso ! Epilogue
Un mois après les tragiques événements de cette journée, Jamie vivait avec ses amis, gracieusement hébergé dans la maison du shérif. Il était cependant très contrarié car, contre toute attente, l'étranger lui avait menti. Jamais il ne lui avait laissé un quelconque mot lui permettant de comprendre un peu mieux les événements qui le concernaient. Il avait seulement pu obtenir du shérif une liasse de documents qu'il s'était empresser de feuilleter. Parmi ceux-ci se trouvèrent nombre d'articles de journaux relatant des faits divers sur la ville d'El Paso ainsi que le meurtre d'un couple anti-esclavagiste. L'un de ces articles, notamment, était accompagné d'un télégramme dont le contenu l'avait chamboulé.
"Suis El Paso... STOP... Shérif soupçonné de meurtre... STOP... Prière contacter Major Hatch... STOP... Aide requise... STOP... Attaque apache dans trois jours... Urgent... STOP"
Mais il n'eut pas plus d'informations que cela. Un beau jour pourtant, alors que ses amis et lui-même commençaient à retrouver une vie normale, une lettre lui parvint au bureau de leur protecteur.
"Mon cher Jamie J,
J'espère que tu ne m'en voudras guère de t'avoir caché mon identité si longtemps, mais je me le devais pour le bon déroulement des événements.
Lorsque le meurtre de tes parents est parvenu jusqu'à Lubbock, je ne pouvais faire autre chose que m'intéresser à cette affaire ; je le fis certes dans un intérêt purement professionnel, mais je me devais aussi de le faire personnellement. Qu'aurait donc pensé de moi mon frère si je n'avais pas fait tout ce qui était en mon pouvoir pour protéger ce qu'il avait de plus cher à ses yeux ?
Mes recherches et savants interrogatoires à El Paso m'ont permis de découvrir que le shérif était à l'initiative de cette sordide démarche. Au moment des faits, bien sûr, il n'était pas encore shérif mais la mort de tes parents lui permit justement d'accéder à cette fonction. Et même s'il "n'appuya pas sur la gâchette" -il laissa ce soin à ses adjoints - il n'en reste pas moins, à nos yeux, le seul responsable. Je t'avais dit lors de notre première rencontre qu'aucun habitant de la ville ne pouvait être mis en cause dans ce meurtre compte tenu du fait que les bonnes actions de tes parents et le départ des derniers noirs étaient intervenus bien des mois avant leur disparition tragique. Je m'étais trompé... et décidais ainsi d'"envoyer un signal fort"...
L'annonce de l'attaque par les apaches bouscula cependant quelque peu mon organisation et je dus tenir compte de cet imprévu. Fort heureusement, je connaissais de longue date la réputation du Major Général Hatch, de son régiment "hors du commun" et de leurs exploits. Ils me parurent tout indiqués pour donner une suite et une issue "heureuse" -sous certains aspects- à ces événements. C'est la raison pour laquelle je câblai à mon adjoint de Lubbock afin de lui demander de prévenir cet homme.
Je dois cependant admettre qu'au gré de mes échanges avec ce militaire de carrière, je lui ai découvert une moralité quelque peu douteuse dont sa réputation ne faisait guère état. Ce qui compliqua encore ma tâche. Je décidais cependant de jouer avec ses passions et d'attirer son attention sur l'absence de morale de cette ville... Qui plus est, en bon soldat qu'il, il y avait fort à parier qu'il aurait besoin, à un moment ou un autre, d'une carte sinon de la région, du moins de la ville. Aussi avais-je pris la liberté de "visiter" le bureau du shérif lorsqu'il eut le dos tourner et d'y trouver une carte dont il ne m'a pas été difficile de modifier certaines légendes ; j'accentuai ainsi, à leur insu, les sentiments partagés par les habitants sur les hommes de couleur noire. Les passions du Major firent le reste... à mon grand désarroi. J'étais loin d'imaginer qu'il laisserait la population se faire massacrer sans ciller. Car pendant que d'innocents civils étaient scalpés, le Major et ses hommes exécutaient les apaches sans défenses restés au camp. Lorsque les guerriers rentrèrent victorieux, le régiment les extermina sans sommation.
Même à y regarder de près, cette histoire n'a que peu de morale. Aussi voulus-je racheter en partie ma conscience en confrontant ce militaire au difficile exercice de la justice. Je crains malheureusement qu'il ne s'en soit pas relevé. Vois-tu Jamie, la morale a souvent ceci de dramatique qu'elle se retourne contre toi, en dépit des actions honorables que tu souhaiterais mettre en oeuvre.
Je me console, à l'heure où je t'écris ces lignes, en me disant que toutes mes actions n'auront pas été vaines et que tu pourras trouver -enfin !- la sérénité. Pour ce nouveau départ, je t'encourage à découvrir notre ancienne demeure familiale, celle-là même qui nous vit grandir, ton père et moi. Nos ancêtres l'avaient baptisée "Cottonfield Hill". Tu la trouveras à une heure de cheval à l'Est de Lubbock. Les champs de coton t'aideront...
Puisses-tu toujours avancer fièrement sur le chemin sinueux de la conscience morale...
Warren J. Brett
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