Chapitre 23

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Lorsque la nuit tomba, Johany n'avait pas parcouru beaucoup de kilomètres depuis son dernier arrêt, parce qu'il traversait toujours les montagnes et avait la sensation de rouler à l'infini sur la même route sinueuse.

Il s'arrêta dans un des nombreux hôtels indiqués sur son plan, un bâtiment de plain-pied qui s'étendait sur la longueur. La chambre de Johany était minuscule et sentait le renfermé, mais il commençait à avoir l'habitude des hôtels crasseux et de toute façon, il n'avait pas la tête à inspecter la propreté des lieux.

Pour se déplacer sans avoir recours à Google Maps, le jeune homme s'était orienté toute la journée grâce à l'unique carte du Laos qu'il avait gardée. Elle était précise et il avait songé que mettre à l'épreuve son sens de l'orientation ne pouvait pas être une mauvaise idée. Il s'était en effet bien débrouillé pour se repérer en fonction du plan, même s'il n'avait parfois fait que suivre la même route pendant des heures.

Lorsqu'il se coucha ce soir-là, Johany avait le coeur encore lourd et ne trouva pas le sommeil avant plusieurs heures.

Il se rendait compte qu'il avait couru après le sourire d'Amber comme il courait après celui de sa mère, qui ne faiblissait jamais sur la photo qu'il avait d'elle. Il l'avait sortie avant de s'endormir pour la contempler à la lueur de sa lampe de poche et lui parlait à voix basse. Il lui en voulait. Il l'accusait d'être responsable de son malheur et l'insultait, des larmes de rage roulant sur son oreiller moisi. Il se sentait seul, abandonné, à bout de force. Son voyage n'avait pas commencé depuis très longtemps, mais il avait déjà l'impression de se décourager.

Pourquoi tenait-il tellement à la retrouver, au fond ? C'était elle qui l'avait laissé, qui n'avait jamais cherché à le revoir. Il se donnait trop de mal pour une personne qui ne l'aimait pas. Car si elle avait préféré fuir à l'autre bout du monde plutôt que de l'élever, c'était bien parce qu'elle ne l'aimait pas, non ? Johany ne savait plus s'il avait ou non envie de poursuivre ses efforts pour elle.

Qu'allait-il lui dire en la retrouvant, si cela arrivait un jour ? Qu'il avait grandi dans le mensonge jusqu'à apprendre la vérité, qui l'avait pour tout dire traumatisé ? Que depuis toujours, il ressentait un grand vide qui ne s'était jamais comblé à cause de son absence ? Qu'il aimerait aussi connaitre son père biologique, si elle savait où il était ? Et ensuite quoi, il rentrerait en France, irait travailler pour Louis et sa copine dans leur nouveau fast-food ?

D'ailleurs, s'il la retrouvait, voudrait-elle lui parler, aurait-elle des excuses à lui faire ? Serait-elle émue par sa démarche, regrettait-elle d'être partie et serait-elle heureuse de faire sa connaissance, ou bien en colère qu'il l'ait retracée ?

Il ne pouvait qu'imaginer son caractère et lui inventer une personnalité, lui qui n'avait entendu d'elle que quelques phrases balancées par ses parents adoptifs. Ces derniers n'en avaient d'ailleurs dit que du bien, même si elle avait abandonné son fils, au final.

Johany finit par jeter la photo au bord de son lit, dépité et plus énervé qu'autre chose. Il éteignit sa lampe de poche et soupira longuement. Il savait que ses pensées ne le laisseraient pas en paix, il n'espérait donc pas dormir avant plusieurs heures.

Dehors, il entendait les cris de quelques oiseaux nocturnes. Au bout d'une heure, il se leva et sortit prendre l'air. La chaleur de sa petite chambre était étouffante et il se sentait mal. Il se rappela qu'il n'avait même pas mangé dans la soirée, les quelques arachides qui étaient restées coincées dans sa gorge avaient été son seul encas depuis l'aube.

Le jeune homme marcha quelques temps au bord d'un chemin de terre et laissa ses pensées s'envoler dans le vent qui balayait la rue.

Le lendemain, il avait prévu de rouler longtemps. Il voulait visiter un parc sauvage réputé, qui avait été conseillé par les locaux. Il n'avait même pas envie d'y aller pour prospecter afin d'en apprendre plus, il avait simplement envie de se faire plaisir.

Sa génitrice pouvait être n'importe où. Et il s'en fichait. Désormais, il ferait passer sa quête au second plan et penserait plus à son propre bonheur.

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