Johany n'avait pas envie de partir. Il se sentait bien dans cette atmosphère de confidences et de citronnelle. Il voulait en savoir plus sur Dao et creuser ce lien qui s'était instantanément créé entre eux.

Il avait le restaurant pour lui tout seul et la pleine attention du jeune homme mais il ressentait un pincement au coeur en songeant que ce dernier n'aurait malheureusement aucun autre client ce midi-là, ce qui n'était pas rare dans le coin.

Dao allait commencer à faire la vaisselle mais ils continuaient de parler. Johany le suivit dans la cuisine, qui était ouverte sur le restaurant. Exiguë, embarrassée de casseroles, de planches à découper et de woks, elle était cependant plutôt propre malgré le désordre.

Dao commença la plonge en parlant de sa vie sur l'île, qu'il n'avait quasiment jamais quittée. Johany lui posait des questions pour prolonger la discussion ; de toute manière, il n'avait rien à faire en rentrant chez lui à part lire, dormir ou écrire dans son carnet.

• I love cooking for people. I used to cook with my mom and my uncle when I was younger, lui apprit Dao, même si Johany ne comprit que la moitié de sa phrase. My mother died too, five years ago. And my father left us when I was a kid.

Johany décela l'essentiel du message et compatit avec le jeune homme.

• I'm sorry... We have the same story in this point, remarqua-t-il.

C'était vrai que la mort de leur mère et le départ de leur père biologique leur faisaient des points communs, pas forcément les meilleurs, mais ils pouvaient se comprendre. Dao lui confia qu'il n'avait pas l'habitude de parler autant à des inconnus, les clients ne discutaient que rarement avec lui de la sorte. Johany ne put s'empêcher de sourire à ses mots, sans bien savoir pourquoi ça lui faisait chaud au coeur d'entendre qu'il était un client particulier.

• I'm usually very shy, avoua encore Dao. I don't like to speak about my past and my life.
• Same. Enfin, me too, I am shy with strangers, but with this trip, I am beaucoup plus euh... comfortable to speak, enchérit Johany en hochant la tête pour montrer son approbation.

Lorsque Dao eut fini de nettoyer la cuisine, Johany repartit enfin. Il avait l'impression de flotter dans les airs, comme lorsqu'il s'était débarrassé de toutes ses affaires en trop. Il ne savait pas très bien où il mettait les pieds et faillit tomber en percutant le chien qui dormait au pas de sa porte.

• Tiens, t'es revenu, finalement ? l'interrogea Johany, qui souriait démesurément. Tu veux à manger ? C'est vrai que par ici, vous mourez de faim, tes amis et toi... Viens, tu n'as qu'à finir mes cacahuètes, si t'aimes ça.

Le jeune homme rentra dans sa maisonnette rose sur pilotis et en ressortit avec le petit sachet d'arachides donné par l'hôtel de Luang Prabang. Il l'ouvrit en grand et le posa par terre. Le chien lécha les cacahuètes et se mit à les croquer.

• Ah ouais, tu es affamé, commenta Johany, surpris. Je pensais pas que ça te plairait. Tu sais, c'est pareil pour moi. Enfin, je crois. Je ne sais pas trop. C'est nouveau, ça ne m'est jamais arrivé... On verra bien.