Episode 1 - Au commencement (4)

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— Comme dit précédemment durant notre entretien du mois dernier Monsieur Jacobs, je ne peux malheureusement pas faire accélérer la procédure de divorce. Il y a des délais à respecter et votre femme n’est apparemment pas prête à céder du terrain voyez-vous, argumenta Vanity le nez plongé dans les dossiers de son client.

Monsieur Jacobs, un homme trapu et rondouillard d’une quarantaine d’années laissait Vanity perplexe dans son affaire. Il aurait voulu pouvoir divorcer dès qu’il avait franchi les portes du bureau de la jeune-femme. Or ce n’était malheureusement pas comme cela que ça se passait. Il fallait d’abord évaluer la situation, les motivations, établir une ébauche des conditions du client à faire ensuite parvenir à l’avocat de la partie adverse et tomber sur un commun accord. Ensuite venait la signature des deux parties sur leur volonté de divorcé et recommencer les échanges avec l’avocat de sa femme pour établir la liste des bien partager…etc. Ce que ne comprenait absolument pas son client. Un divorce n’était pas une mince affaire. C’était long et éprouvant tant pour les clients que pour les avocats chargés des dossiers. Aussi Vanity du faire preuve de son éternelle patience et de sa légendaire diplomatie pour convaincre son client qu’il n’y avait pas grand-chose à faire en attendant les signatures finales.

— Bien, quelle clause dans le contrat voudriez-vous revoir avant que j’échange avec maître Lens ? demanda-t-elle en lui tendant un exemplaire du contrat revu pour la cinquième fois.

Monsieur Jacobs attrapa lentement le bout de papier, chaussa des petites lunettes rondes qui lui faisait des yeux globuleux de crapaud et regarda le document.

Vanity attendit sagement que son client finisse de lire les corrections tout en pianotant sur son ordinateur portable à une vitesse remarquablement correcte, parcourant ses dossiers en attente. Est-ce que j’arriverais décemment à rattraper tous mes dossiers en retard ? s’interrogea-t-elle. Elle fit défiler les dossiers en attente, elle aurait volontiers grimacé si son client n’avait pas été là. Mais qu’importe. Elle était Vanity Crambel et aucune pile de papier, aucune, ne saurait avoir raison d’elle et de sa volonté de fer.

— Oh que non ! hoqueta monsieur Jacobs en abattant un poing grassouillet sur le bureau, faisant sursauter la jeune-femme. Il est hors de question qu’elle est mes nains de jardin ! Cette vipère d’Amazonia n’aura pas un seul millimètre carré de ma collection de nain !

Vanity resta de marbre devant les invectives de son client et se râcla la gorge avant de prendre la parole :

— Je veillerais à prendre des dispositions auprès de maître Lens, monsieur Jacobs. Voyez-vous autre chose à corriger que les nains de jardin ?

Il la regarda le visage rubicond, ses petits yeux grossit par les verres lançaient des éclairs haineux. En son for intérieur Vanity poussa un soupir et se fit la note que cela allait durer encore un moment.

Aussi fût-elle très surprise lorsqu’il lui répondit que non, mais qu’il serait intransigeant envers sa précieuse collection. La jeune-femme pu ainsi conclure rapidement l’entretien avec son client, lui priant de la tenir au courant d’éventuel détails qu’il voudrait ajouter ou retirer de la clause de divorce. Elle le raccompagna jusqu’à l’ascenseur et alla dans la salle de pause-café. Elle allait insérer une pièce dans la machine à café rutilante lorsque l’un de ses collègues l’interpella.

— Hey Vanity !

— Oh salut Creg, comment ça va se matin ?

— Ça roule et toi ? Dit, tu ne voudrais pas plutôt d’un vrai latte de chez Starbucks plutôt que d’un de ces pseudo café ?

Vanity esquissa un sourire à l’attention de son collègue et déclina gentiment son offre. C’est vrai que les lattes de chez Starbucks sont nettement meilleurs que ceux de la machine, néanmoins elle avait beaucoup trop de paperasse à gérer pour accepter la petite escapade.

Elle regagna son bureau, un gobelet en plastique rudimentaire dans la main et chaussa ses lunettes. Elle parcouru rapidement des yeux le contrat de divorce de son client et rédiger un mail soigner à l’attention de son confrère maitre Lens. La jeune-femme insista particulièrement sur le seul et unique désir de son client de se voir attribuer en totalement la collection de nain de jardin. Elle ne put s’empêcher de sourire en rédigeant le mail, puis un détail dans cette affaire attira son attention. Elle ouvrit le dossier de monsieur Jacobs et relu attentivement toutes les modifications effectuées jusqu’à maintenant. D’un commun accord entre avocat ils s’étaient mis d’accord pour partager les biens en deux, laissant ensuite à loisir leur client de change tel ou tel clauses. Vanity observa que sa femme – bientôt ex-femme – en demandait toujours plus au fil des corrections. Monsieur Jacobs concédant toujours aux caprices de celle-ci, ne chipotant réellement que sur des détails mineurs, la collection de nain par exemple. Qu’est-ce qui pouvait bien se passer entre ces deux-là ? Il y avait quelque chose de louche là-dessus, elle était bien tentée de découvrir quoi, mais malheureusement elle n’en avait pas le temps. Aussi rangea-t-elle à contre cœur le dossier, envoya le mail et passa au dossier suivant.

Vanity éplucha ses dossiers, envoya des mails, fit des recherches, passa un nombre incalculable d’appels et enchaîna les lattes bon marché de la machine à café. Midi sonna beaucoup trop vite à son goût et elle laissa échapper un petit juron en ayant au préalable vérifier que personne ne l’entendrait. Elle était encore loin de pouvoir clore l’intégralité de ses dossiers, mais elle avait relativement bien avancée. Creg repassa à son bureau et lui proposa de déjeuner dehors pour s’aérer un peu. Elle hésita une minute puis accepta sa proposition, jugeant qu’une pause s’imposait pour elle.

En sortant de l’ascenseur un frisson glacé parcouru l’échine de Vanity. Elle tourna la tête et rencontra les yeux à moitié fou du concierge qui la fixait d’une façon plus que dérangeante. Ne voulant rien laisser paraître de son trouble, la jeune-femme resserra les pans de son manteau et se rapprocha imperceptiblement de son collègue. Creg offrit une parole amicale au gardien comme s’il n’avait pas l’air de ressembler à un zombie, sourit à Vanity et la fit le précédé hors du cabinet. Dehors, le vent frais caressa ses joues en feu. Elle ferma les yeux quelques secondes et inspira à fond, tentant vainement de se débarrasser de la sensation désagréable du regard de Franc posé sur elle. Elle demanda ensuite à son collègue où est-ce qu’il aillait déjeuner, « surprise », lui répondit-il. Aussi, elle se laissa guider par le jeune-homme. Sur la route elle envoya un message à Jo « déjeuné avec Creg, je t’aime », la transparence étant le maître mot de leur couple. Non pas qu’ils n’avaient pas confiance l’un en l’autre, néanmoins, ils avaient décidé d’un commun accord de toujours se dire qu’ils faisaient et c’était ainsi devenu une habitude.

Creg décida de s’arrêter dans un petit bar-café au coin de la rue. Ils y faisaient apparemment les meilleurs desserts lui apprit-il en prenant place à une table proche de la baie vitrée. Le lieu était charmant. Une atmosphère chaleureuse régnait dans la pièce, les murs peints respectivement en jaune et en bleu ciel donnaient un l’éclat lumineux, tandis que le carrelage en carreaux blancs et noirs donnait un petit air rétro fort sympathique. L’arrière du bar était un étalage impressionnant d’alcool divers et variés, ainsi que de cafés, de thés et d’infusions. Toutes les tables étaient dispersées, çà et là dans la pièce de sorte à faciliter le ballet des serveuses, en tenues rétro elles-aussi. De petites tables rondes pour deux et des box pour 4 personnes ou plus le long des murs au fond de la salle.

— Tu es déjà venu ici ? demanda Creg en prenant le menu que lui tendait la serveuse.

— Non jamais, mais c’est charmant comme tout.

Le jeune-homme recommanda la spécialité du chef, à savoir une belle côte de bœuf en sauce avec accompagnement de frite à la graisse de canard. Vanity déclina sobrement et commanda à la place un bol de curry.

Ils discutèrent de la pluie et du beau temps, de leurs affaires respectives en cours sans violer la confidentialité de leurs clients. Il lui demanda comment se portait son fiancé et si elle ne se sentait pas trop mal encore par rapport à sa grossesse. Un vrai gentleman qui s’enquérait de la santé de sa collègue. Elle fit de même, demandant des nouvelles de sa femme et de ses deux petits garçons. Creg était tout bonnement intarissable au sujet de ses deux fils, Caleb trois and et Bennet huit ans. La jeune-femme écouta d’une oreille attentive, glanant ici et là des petites astuces et des petits conseils pour son futur enfant. En parler la rendait heureuse et lumineuse. Elle avait tant attendu que le petit bâton devienne positif qu’à présent rien que le fait de penser « je vais être maman » la mettait en émoi.

— Je suis vraiment impatiente de faire sa connaissance, dit-elle sur le ton de la confidence en enfournant une cuillérée de curry dans sa bouche. Cela fait si longtemps que Jo et moi on attend ce moment… j’ai encore du mal à réaliser.

— C’est normal ! Et ne t’inquiète pas, tout se passera bien tu verras.

Vanity acquiesça et ils se turent un moment, profitant tous deux de leurs repas fort délicieux, l’imagination de la jeune-femme l’amenant sur de belles terres pleines de layettes.

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