Episode 2 - Bienvenu en enfer (2)
De retour en ville, la jeune-femme se rendit dans un petit bar-café du centre. La devanture était sobre, mélange de vieux bois sombres et de pierres clairs taillées. L’enseigne affichait Demon’s Coffe. Les fenêtres faite en vieux vitraux sombres ne laissaient pas deviner ce qui se cachait à l’intérieur. Néanmoins, la porte poussée à intervalle régulier, laissait échapper une lumière clair diffuse, ainsi que des éclats de voix et de rire. Une ambiance chaleureuse s’en dégageait. Elle poussa la porte et pénétra dans le bâtiment. A l’intérieur, un mélange de couleurs lumineuses et de couleurs sombres, des tons chauds et des tons froids qui étonnamment ne juraient pas entre elles. Cela créait une atmosphère à la fois bizarrement agréable et étrangement dérangeant avec un on ne savait quoi d’inexplicable.
La jeune-femme adressa un signe de tête au barman, Drake qui était de service cet après-midi-là et se rendit dans la réserve où elle passa son uniforme de serveuse. Un t-shirt blanc tout simple en coton, une jupe patineuse à carreaux rouges noirs et blancs, des chaussures noires toute simple et une queue de cheval soignée. Elle alla récupérer son plateau derrière le bar, prit son bloc note électronique et commença à faire le tour des tables de sa section. Un sourire polit et professionnel collé sur le visage, elle prit en note chacune des commandes de ses clients avant d’aller chercher les consommations soit en cuisine soit auprès du beau brun ténébreux qui tenait le bar. A chaque passage de la jeune-femme il ne manquait pas de lui faire un compliment ou deux ou bien une petite blague, essayant désespérément de lui arracher un véritable sourire. Mais lui aussi ne récoltait qu’un sourire polit et emprunté. Néanmoins cela ne le décourageait toujours pas. Et pour tout dire, cela amusait beaucoup la jeune-femme qu’il continu d’essayer encore et encore. Ces petites distractions étaient un véritable bonheur pour elle, surtout lorsqu’elle devait affronter des clients difficiles.
— Ce sera un grand verre de whisky, commanda un homme seul d’une quarantaine d’année.
— Très bien, je vous apporte ça tout de suite.
Entre elle et le bar, une table de quatre hommes d’une vingtaine d’année qui en était déjà à leur sixième tournée alors qu’il n’était même pas encore dix-sept heure.
D’un pas décidé, la tête haute elle passa à côté d’eux, un seul objectif en vue : le bar qu’elle fixait avec détermination. La jupe de la jeune-femme eu le malheur d’effleurer le bras d’un des hommes. Encore alerte malgré son taux d’alcoolémie, il saisit sa cuisse et la serra impétueusement. Seulement à moitié surprise elle réussi à garder l’équilibre et à ne pas renverser les verres qui étaient sur son plateau. Droite comme un i et vraiment pas d’humeur à se laisser emmerder, elle tourna lentement la tête vers l’homme à qui la main remontait dangereusement le long de sa cuisse. Elle senti les griffes du type égratigner sa chaire. Elle ouvrit la bouche, mais n’eu pas le temps de sortir le moindre son. Drake, vif comme l’éclair, attrapa le poignet de la jeune-femme et la tira vers lui avant d’enfoncer son poing dans le visage de l’importun.
— Merci de ne pas toucher à nos serveuses sous peine de vous retrouvez la tête la première dans nos bennes à ordure, dit-il d’un ton très calme sous les esclaffassions des camarades tu types qu’il venait d’envoyer à terre.
Dans l’établissement, quelques têtes se tournèrent pour voir ce qui provoquait le raffut avant de retourner à leur occupation. Les conversations reprirent comme si de rien étaient. Il n’était pas rare que ce genre d’incident arrive au Demon’s, c’était même monnaie courante et les clients n’y faisaient plus attention sauf s’ils étaient, évidemment, les premiers concernés.
Les trois hommes se levèrent et aidèrent le « pauvre malheureux » à se relever. Il foudroya les deux collègues du regard et cracha du sang sur le carrelage. Il fit mine de réajuster sa veste.
— Aller venez, il y a des putes bien meilleures à ce faire ailleurs.
— Au plaisir de ne plus jamais vous revoir ici messieurs, répondirent à l’unisson et très poliment la jeune-femme et le barman un grand sourire sur les lèvres.
Les quatre hommes grognèrent en cœur et se dirigèrent vers la sortie.
Très discrètement la jeune-femme ouvrit la main droite, paume vers le ciel, elle effectua des mouvements circulaires en refermant et rouvrant les doigts à plusieurs reprises, le regard braqué sur la nuque du salaud qui avait osé la toucher. Devant elle, et à sa seule vu se matérialisa une petite âme d’énergie éclatante de lumière aux reflets bleutés. Elle releva sa main à la hauteur de son visage, abaissa la paume et souffla.
— Ne le lâche pas d’une semelle, murmura-t-elle.
L’âme se dirigea vers le salaud en question et s’y amarra solidement. Dans un même mouvement il esquissa un geste de la main comme pour chasser un insecte volant juste avant de passer la porte du café.
Un sourire satisfait sur le visage elle se tourna vers Drake.
— Je te remercie.
— Aucun problème Reina. Je suis là pour ça aussi.
Effectivement. Drake n’était pas seulement le barman mais également l’un des hommes de la sécurité. Généralement le jour il n’y avait pas trop de problème, une seule personne suffisait, mais à la nuit tombée, ils n’étaient pas moins de cinq. Six en rajoutant Drake lorsqu’il était de service de nuit. Reina inclina la tête en signe de remerciement et repris son service comme si de rien était, sans oublier de faire disparaître à l’eau de javel la petite flaque de sang.
Nettoyer des tables, accueillir les clients, les installés, prendre leur commande, aller chercher les commandes, leur ramener avec le sourire, débarrasser et rebelotte jusqu’à la fin du service. Le travail de serveuse n’était pas le meilleur du monde, encore moins le plus passionnant mais au moins cela rapportait de l’argent pour payer le loyer et manger. Et puis il aurait pu être bien pire s’il n’y avait pas la petite musique d’ambiance et les remarques de Drake. Ses collègues aussi étaient sympas, mais après le boulot la majorité d’entre eux restait des étrangers pour la jeune-femme. En réalité seul Drake était ce qui se rapprochait le plus d’un ami. Néanmoins ce n’était pas plus mal, Reina préférait généralement rester dans sa petite bulle. Rare étaient ceux autorisés à pénétrer à l’intérieur. Actuellement elles étaient deux à pouvoir la pénétrer, sa meilleure amie et sa coloc avec qui l’amour vache décrivait le mieux leur relation. La vie n’avait pas fait de cadeau à ces deux jeunes-femmes, c’est ce qui les rapprochait et les éloignait en même temps.
En ce mois de décembre la nuit tombait très précisément à 19h07 et était pleinement établie à 20h34. Aussi, aujourd’hui finissait-elle son service à 20h33. Reina se débarrassa avec joie de son uniforme et de sa queue de cheval pour enfiler son pantalon, son pull et son manteau. Elle ébouriffa sa chevelure de jais et se massa le crâne pour retirer la désagréable sensation d’enfermement. Si seulement tu pouvais réellement être enfermée dans une satanée cage, grommela la petite voix dans sa tête sur un ton acerbe. Reina n’en eu cure, attrapa son sac et alla s’asseoir sur un des tabourets devant le bar. Sans rien demander, un verre rempli de Yokaichi Shochu se matérialisa devant elle avec un petit parasol multicolore. Elle sourit malgré elle.
— Pas trop mal aux zygomatiques ?
Reina éclata de rire. Fort heureusement pour elle, elle n’avait pas encore commencé à boire.
— Tu n’as pas idée à quel point. Santé.
Elle vida le verre et le repoussa vers le jeune-homme qui ne l’avait pas quitté des yeux.
— Tu as quelque chose de prévu pour cette nuit ? demanda-t-il l’air de rien en essuyant un des nombreux verres étalés devant lui.
La jeune-femme fit mine de réfléchir, un doigt tapotant son menton, les yeux relevés vers le plafond. Farfouillant dans sa mémoire elle rechercha ce qu’elle avait notée sur son agenda resté chez elle. Normalement elle n’avait pas de mission de prévu pour cette nuit. Aucun rendez-vous de spécial… hormis un blondinet très malpoli.
— Je suis attendue, répondit-elle en souriant, une lueur carnassière brillant dans le fond de ses pupilles. On se voit demain même heure ?
— Ne va pas faire de bêtise.
— Moi ? Jamais.
Drake soupira en secouant la tête et lui souhaita une bonne soirée.
Reina poussa la porte du café. Dehors la nuit noire, illuminée par une centaine de réverbères et de phares de voitures, l’accueillie en même temps qu’une brise fraiche. Si elle avait vécu en campagne elle aurait très certainement inspiré à fond pour s’emplir les poumons de l’air pur de la nature. Mais elle n’était pas à la campagne. Dommage, il faudrait vraiment qu’elle songe à déménager, si seulement elle le pouvait. Elle jeta un coup d’œil à la voûte céleste cachée par les lumières de la ville et héla un taxi. A bord du taxi, la tête appuyée contre la fenêtre, les yeux rivés vers le ciel, elle s’imagina en face de l’enfoiré et essaya trouver quelle serait la meilleure façon de lui faire payer. Elle avait encore du temps pour y réfléchir, la nuit ne faisait que commencer après tout.
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