Depuis combien de temps suis-je ici ? Combien d'heures ? De minutes ? Et que pourrais-je dire des secondes ? Dans ce monde où l'éternité règne, je suis une bien piètre déesse du temps.

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 Mon nom est Frandolen, j'aime écrire des histoires. Petite, je compensais mon manque de papier par de la terre limoneuse. Le sol se creusait à l'encre de mon imaginaire, qui disparaissait avec aisance les jours de pluie. J'observais les voisins, ma famille, quelques inconnus puis j'inventais des histoires à leur sujet. Une vieille sorcière amoureuse d'un chat, un banquier généreux envers les pauvres, un chasseur qui se noue d'amitié avec un renard, tous ces contes suffisaient à me rendre heureuse. Ce petit bonheur s'illuminait dès l'instant où j'observais un passant lire mes écrits. Vraiment, c'était le bon temps.

 Penser à ce moment me rend nostalgique. Aujourd'hui, si cet instant existe, je suis une divinité. Moi, la petite humaine fragile, j'ai atteint le rang divin. J'ai gardé mes cheveux blancs, hérité de ma mère. J'ai conservé mes pensées, ma personnalité. Mes choix m'ont conduits ici, tout droit dans le piège posé par le destin.

 Et maintenant, j'écris. Tout comme je le faisais autrefois. Je ne raconte plus sur les autres, mais seulement sur moi-même. Ennuyeux, n'est-ce pas ? Je déteste parler de ma personne, et pourtant, je juge cette action nécessaire. Je ne dois pas oublier ce que je suis ou celle que je ne serais jamais. J'ai beau être une déesse, je suis enfermée loin du monde, loin de tout. Seule une personne me tient compagnie : ma Némésis.

 Je n'ai jamais voulu de cette vie, je n'ai jamais souhaité ce confinement ! Cette cage, sans temps et aux barreaux éternels, je la déteste ! Cette bête immonde que l'on me force à garder, je la méprise ! Si seulement, je pouvais remonter le temps et revenir à cette douce enfance. Je suis une divinité, je suis puissante, le temps est à ma merci ! Si je le décide, je peux revenir en arrière. Pour cela, je n'ai qu'à dire ce mot :

RETOUR

  Dès l'instant où je dicte cet ordre, la cage retrouve son état initial. Le monstre reprend la place qu'il occupait autrefois. J'efface ses souvenirs du futur, je recréé tout à mon image. Tout... sauf moi. J'ai beau remonter le temps, ma présence ici est inévitable, je ne peux pas aller au-delà de cet instant. Cette cage est un monde, le nôtre, et nul ne saura en échapper. Après tout, c'est l'unique raison de ma présence.
 Je m'ennuie, j'en ai assez d'être ici. Mais bien sûr, personne ne peut l'entendre. Tout ce que je dois faire, c'est garder éternellement une bête. Ce temps, où j'étais heureuse, est hors de ma portée, comme s'il n'avait jamais existé.

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