choix moral
Dans le noir depuis plusieurs minutes, la gorge serrée, l’adrénaline se diffusant dans mes veines, la lumière venait de s’allumer. J’étais dans une pièce sans fenêtre, devant moi un moniteur muni de deux boutons. Un rouge et un vert.
Alors que j’étais hagard, en train de me demander ce que je faisais assis sur cette chaise dans cette salle morne, une voix dans un haut-parleur s’adressa à moi.
— Bonjour Marc. Tu dois te demander ce que tu fais là. L’avocat de renom que tu es a toujours été d’une grande droiture dans ses plaidoyers. Ta renommée vient du fait que le jury parvient toujours à comprendre ton point de vue par le verbiage que tu utilises pour les convaincre. Aujourd’hui, je te propose de passer de l’autre côté du miroir et de te retrouver à la place du juge et des jurés. Dans la pièce d’à côté, il y a Stéphane, père de famille, sans histoire, à peine trois contraventions pour mauvais stationnement. Il y a un "mais", tu t’en doute.
La tension montait en moi telle une corde prête à rompre.
— Ne me dites pas qu’il me la joue à la Saw ? me demandais-je en mon for intérieur.
— Je viens d’avoir une discussion avec Stéphane et il accepte de tuer les cinq personnes qui sont séquestrées dans la pièce juxtaposée à la sienne afin d’avoir la vie sauve. Stéphane est pour le moment attaché à une chaise et sera libéré si tu appuies sur le bouton vert. Il pourra donc tuer les cinq innocents pour enfin pouvoir s’échapper d’ici. Si tu choisis par contre d’appuyer sur le bouton rouge, une seringue de morphine hautement dosée lui sera injectée directement entre les vertèbres, il mourra sans souffrir et tu seras libre ainsi que les cinq personnes qu’il devait tuer.
J’étais harnaché par une ceinture métallique dont il était impossible que je me libère. Seuls mes bras étaient libres de leurs mouvements. L’angoisse s’insinuait en moi comme un serpent dans les galeries d’une taupe, la sueur froide qui me parcourait le dos rendait ma respiration saccadée et laborieuse. Je regardais de tout côtés à la recherche d’une échappatoire.
— Si tu n’as pas pris ta décision d’ici dix minutes, la lumière s’éteindra et tu mourras de soif attachée à cette chaise que tu ne pourras pas quitter. Tous les individus ici présents mourront également du choix que tu n’auras pas fait. Réfléchis bien Marc, le sort de ces gens dépend de ton choix.
Un compte à rebours s’alluma devant mes yeux ahuris. Dix minutes, c’est le temps que j’avais pour me décider. Malgré toutes les analyses que je pus faire de la situation, une m’apparaissait plus tangible que les autres. Tuer, quel que fussent les raisons est un acte odieux qui ne supporte aucune justification. Mais il restait l’hypothèse de ma responsabilité dans le massacre de cinq personnes si je ne faisais rien.
Mes doigts crispés serraient les accoudoirs de mon fauteuil. Mes pensées fusaient à une vitesse ahurissante. Je restais paralysé plusieurs minutes avant de me rendre compte que le compte à rebours était presque à son terme. Il était temps de me décider.
Ma main se leva et frôla le bouton vert, elle continua d’avancer vers le bouton rouge et se figea entre les deux. Comment mettre tout ceci en balance ?
Mon instinct me disait qu’il valait mieux tuer une personne plutôt que d’en voir mourir cinq, mais cet homme innocent avait une famille et avait accepter de tuer sous la contrainte, il ne l’aurait jamais fait autrement. De plus, mon geôlier pouvait très bien mentir et je n’avais aucun moyen de savoir si mon choix et mon action auraient réellement un effet ou non sur la réalité.
Une minute… Il était temps d’agir. Je pressai le bouton rouge. Un écran s’alluma et je vis un homme attaché à un siège se faire injecter une dose létale de sédatif avant de s’avachir sur lui-même.
La tête me tournait, je ne pouvais pas croire que j’avais mis ainsi fin à la vie d’autrui. Le prétexte de cette décision me paraissait de moins en moins clair plus les minutes s’égrainaient devant ce spectacle désolant et figé.
Soudain, je fus libéré. Je titubais me dirigeais vers la porte de sortie. Je l’ouvris et entendis une ovation assourdissante.
— Surprise !!
Des applaudissements pleuvaient de partout, je ne comprenais rien à ce qu’il m’arrivait. Tout ceci n’était qu’une farce ?
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