Mesquer-Quimiac
Couper le contact, et regarder à travers le pare-brise. Rien que d'ici, l'atmosphère est différente. Sortir de la voiture et s'étirer longuement. Entendre les "Aaaaah Aaaaah" des mouettes. Sourire.
Le chemin est étroit, il se faufile dans la dune. Peu de marche, et le voilà. Ce petit bout d'océan, parsemé de bateaux en attente. Tout de suite, le son nonchalant des vaguelettes qui s'échouent parvient aux oreilles. Elles sont régulières, et nombreuses : une toute les deux secondes vient chatouiller les pieds courageux.
Les chaussures et les chaussettes tombent : elles sont de trop. Les minuscules grains de sable chatouillent les plantes des pieds. La marche y est à la fois agréable, et difficile. Certains muscles de la jambe et du mollet protestent de cette sollicitation inattendue.
Le soleil est présent, il chauffe vite, malgré le petit dix-huit degrés affichés sur l'application de météo. Le pull tombe, et l'ami céleste ne tarde pas à picorer la peau de sa chaleur.
Le sable fin, vierge de pas humain, est parsemé de galets de couleurs variées : blancs, beiges, gris, noirs, ocres, roses, translucides. Ici, il y en a même un qui brille au milieu de ses congénères polis par les vagues. Des coquillages, pour la plupart brisés, se mêlent à eux. Des vestiges de coques, de palourdes ; de jolis arc-de-cercles striés, ou des spirales multicolores. Les algues noires leur offrent ça et là un tapis confortable.
La marée est montante. Paisiblement, les vaguelettes viennent s'échouer sur la plage. Elles apportent des résidus de l'océan avec elles. L'odeur salée de l'iode monte au nez. C'est piquant, c'est tellement prégnant que le goût du sel active les papilles.
Un petit voilier à toile rouge fend calmement les flots. Il fait le tour de la baie, jusqu'à l'école de voile. Ses deux occupants sautent à l'eau et l'arriment consciencieusement à une grosse bouée jaune. Un petit drapeau des pays celtes flotte au vent. Bretagne, Galice, Asturies, Pays de Galles, Ecosse. Pas voisins géographiquement, mais voisins de culture, pour sûr !
Par moments, lorsque les nuages blancs s'amusent à cacher le soleil, une brise fraîche vient caresser les bras. Tout de suite, la chair de poule parcourt la peau. Elle est aussi délicieuse que le reste.
La première plage est bordée de deux dunes – l'une pérenne, et l'autre, jeune, mouvante – et se termine en sa pointe, par un amas de rochers à escalader. À son sommet, des bancs attendent les voyageurs, face à la mer, pour un tête à tête intime avec l'horizon. Au loin, le Morbihan, Damgan, peut-être même, l’île de Houat. À l'infiniment loin, New-York. Ici, une cycliste a déposé son vieux vélo piqué de rouille, et pique-nique au pied du banc. Seule, avec la mer : l'introspection marine.
Poursuivant le chemin, la plage se fait différente. Beaucoup de rochers, zones idéales de pêche à pied, s'étendent avant de laisser place à une étendue de sable bordée de propriétés privée à la vue valant le million. L'eau y est glas, ce fameux bleu-vert breton de l'océan. Une bande indigo, une bande glas, puis le bleu de l'eau jusqu'à sa rencontre avec le ciel. Son bleu à lui est toujours aussi clair, et ses nuages l'habillent comme des boules de coton.
Pause déjeuner. Une fouta sur le sable, le popotin rencontre le sol. Un quignon de pain, du beurre salé, des radis. Une mouette aventureuse se pose à deux mètres de là. Elle regarde avidement le repas. Y-aura-t-elle droit, elle aussi ? Faisant semblant de rien, elle se rapproche en sautillant. Fait le tour, tente à gauche, revient. Non, elle n'aura droit à rien : le pain et le beurre sont toxiques pour les oiseaux. Déçue, elle repartira en volant vers ses congénères.
Pliage de la fouta, ramassage des déchets, fermeture du sac : c'est déjà l'heure de cheminer vers le retour. Mêmes rochers, même sable, même mer. Elle a grignoté les plages depuis deux heures. Quelques bienheureux paraissent ça-et-là au soleil. Certains ont même osé le bikini. Les derniers beaux jours de la saison se savourent avant l'arrivée de l'interminable pluie bretonne.
Retour à la voiture, du sable plein les chaussures. C'est un douce mélancolie qui s'insinue à l'idée de rentrer au bercail. Mais il n'est pas loin, le grand océan ; bientôt, nous reviendrons le voir.
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