Découverte au distributeur de boisson
Fabio
À peine entré dans la chambre, Liam décide d’étaler sa carte sur le lit. Je le regarde en réprimant l’envie d’en faire une boule pour la jeter. Si j’avais de l’argent, je paierais bien des acteurs pour dire que la fête était super, mais terminée à présent.
– Si on dort pendant quatre heures, on sera reposé et…
Voilà qu’il recommence. Je vais l’attacher avec sa carte pour être tranquille.
– Pas de demi-nuit. Des nuits complètes !
– Mais on va manquer tout…
J’abandonne, j’en ai marre.
– Pour manquer quelque chose, il faudrait qu’il y ait quelque chose à manquer !
Liam me fixa avec des grands yeux.
– Comment ça ?
– À ton avis pourquoi est-ce qu’on ne trouve pas la fête ?
Mon meilleur ami hausse les épaules.
– Parce que nous ne sommes pas doués ?
Qu’il ne prenne pas son cas pour une généralité. Alors que j’attrape la carte et la roule en cylindre pour la ranger, un cri nous fait sursauter. Liam qui assit sur le lit se redresse en vitesse. Moi-même, je tends l’oreille sans pouvoir m’empêcher de frissonner.
– C’est quoi ça ?
Je ne peux qu’avouer mon ignorance.
– On dirait que quelqu’un est en danger, murmure mon ami.
Sa main soulève le rideau devant la fenêtre pour voir ce qu’il se passe dehors. Évidemment, il n’y a rien. Il fait sombre à l’extérieur. Rien ne bouger. Pour peu, on pourrait se croire seul et abandonné.
Je me force à reprendre contenance. Pour ne pas l’inquiéter, je joue la voix de la raison.
– Ici, c’est un motel quel danger pourrait-il y avoir ? C’est sûrement des gens qui s’amusent à se faire peur.
– Vraiment ? Il est un peu con leur jeu alors…
Je n’ajoute rien.
Le silence s’installe dans la chambre, pesant. En vérité, nous guettons tous les deux le moindre son qui pourrait nous informer sur ce qu’il se passe à l’extérieur.
– Si c’était une invasion de zombies ? souffle Liam.
Je me demande s’il plaisante ou s’il est sérieux.
– On est dans la vraie vie…
Nous échangeons un regard. Après, une hésitation, je prends sur moi.
– Je vais aller chercher de l’eau.
Ma proposition prend Liam au dépourvu. Il en lâche son coin de rideau.
– Mais ça peut-être dangereux ! En plus, pourquoi on aurait besoin d’eau ?
Mes sourcils se froncent d’eux-mêmes face à sa réflexion.
– Peut-être pour boire. De l’eau dans une bouteille en plastique, tu vois ce que c’est ?
– Je n’ai pas soif !
– Moi si !
Sur ce point, je ne mens pas. Un verre d’eau glacé me fait plus qu’envie.
– Prends l’eau du robinet !
– Pas sûr qu’elle soit potable. Tu as remarqué l’état du bâtiment ? Je vais aller au distributeur.
– Mais…
D’un geste de la main, j’arrête Liam. Dire qu’il m’a pris la tête avec sa fête et que maintenant, il ne veut plus bouger de cette chambre.
– Je t’en rapporte une, si tu le désires.
Après un temps de réflexion, mon ami récupère la carte, toujours dans ma main.
– Tu peux y aller ! Mais s’il y a des zombies, je ne viendrais pas te sauver.
Je soupire.
– Merci. Tu me fais chaud au cœur !
D’un geste, je déverrouille la porte puis l’ouvre.
– Je reviens.
– Toque trois fois comme ça, je saurais que c’est toi. En attends, je ferme à clé.
Je me retiens de rire pour m’avancer sur le chemin qui dessert les diverses chambres. La lumière ne s’allume pas sur mon passage. Soit le détecteur de mouvement est mort, soit c’est les ampoules. Après le cri que j’ai entendu précédemment, je prends sur moi pour ne pas paniquer. Hors de questions d’avoir l’air ridicule. Tout doit avoir une explication simple. Peut-être que quelqu’un a eu peur d’un rat. Vu l’état du lieu, ça serait tout à fait possible.
La main dans la poche, je poursuis ma route. Si j’ai un doute, je pourrais toujours sortir mon portable. J’avoue qu’on a connu mieux comme arme, mais il fait de la lumière.
Il n’y a pas âme qui vive dans le coin. En même temps, la nuit, il fait froid dans ce foutu désert. La chair de poule couvre mes bras. Je n’ai pas pensé à récupérer mon sweat-shirt dans le coffre de la voiture. Disons que j’étais tellement content d’avoir convaincu Liam de s’arrêter que j’en ai oublié le reste.
Devant moi, se découpe soudain la silhouette d’un distributeur automatique. Je m’approche tout en sortant mon portefeuille. Si j’avais été intelligent, j’aurais cherché mes sous avant d’arriver. Mon souci, c’était que je ne connaissais pas le tarif. Sans savoir pourquoi j’imagine déjà que ça va me coûter un bras pour une minuscule bouteille.
J’actionne le bouton qui met en route la fonction « lampe torche » mon portable. Cela me permet de découvrir les prix sur la machine. Deux dollars la bouteille d’eau. À ce niveau-là, c’est du vol. Toutes mes économies vont passer en connerie. Tout ça, à cause des bonnes idées de Liam. Je le retiens sur ce coup-là.
Comme je ne peux pas faire l’impasse sur la boisson, je laisse la machine happer mes billets. Ma main tape les chiffres pour faire connaître mon choix avant de valider. Le distributeur se met en branle. La lumière est pointée droit sur la bouteille d’eau. Elle vacille puis tombe. Alors que je vais glisse ma main pour l’extraire de la cavité, je sens un truc poisseux sur mes doigts. Le dégoût me prend à la gorge, sans même savoir de quoi il s’agit.
Cela dit, je récupère quand même mon bien. Après tout, j’ai payé pour. Hors de question de le laisser. Je pourrais toujours laver ma main et la bouteille, une fois de retour dans la chambre. Le faisceau lumineux s’abaisse afin que je puisse distinguer le liquide visqueux. Lorsque je découvre la couleur de ce dernier, mon corps fait un bond en arrière. Je manque de me casser la figure.
Du rouge foncé colore mes doigts. À mieux y regarder, il y en a sur le bas de la machine… C’est comme si quelqu’un avait saigné là…
Avec difficulté, j’avale ma salive. Mes oreilles sifflent. Il faut que je me reprenne. Autour de moi, il n’y a que le silence. Mes pensées s’activent et partent dans tous les sens : vers Liam et ses histoires de zombies, vers les films d’horreur que j’ai vus… Une petite voix me crie pourtant de rester rationnel et que tout cela doit avoir une explication. Sauf que je ne l’écoute pas. Je préfère prendre mes jambes à mon cou avec ma bouteille d’eau dans une main et mon portable dans l’autre, qui projette de la lumière n’importe où, ce qui ne fait qu’accentuer ma peur.
Avec difficulté, je retiens mon cri. Je ne sais même plus où je vais. Je cours sans but. Tout s’arrête lorsque quelqu’un m’attrape par le bras. Je veux hurler, mais je n’y parviens pas. La bouche ouverte, je me fige.
Annotations
Versions