Réunion inattendue
Liam
Mon regard tente de percer le noir, aidé par la lueur produite par mon portable. Mes yeux cherchent n’importe quoi sortant de l’ordinaire. Devant moi, le motard ne dit rien. Je sais que s’en est un à cause du blouson qu’il porte. Ça me fait penser aux séries télé. Si ça tombe, il a une arme. C’est toujours utile si jamais on venait à rencontrer des zombies.
– Qu’est-ce que tu regardes ? me demande la voix de celui qui m’accompagne.
– Rien…
Le type fronce les sourcils. Il n’est pas convaincu.
– Je… Enfin… Vous avez une arme ?
Ses yeux se lèvent au ciel.
– Bien sûr, j’ai un bazooka dans ma poche.
Je dois avoir l’air ahuri parce qu’il se met à rire.
– De toute façon, je ne vois pas en quoi une arme à feu changerait ta vie. Tu sais tirer ?
Il continue sans attendre ma réponse.
– Si tu ne sais pas tirer, ça ne te sera d’aucune utilité. Au pire, tu louperas la cible, au mieux, tu te tiras dessus !
– Ce n’est pas l’inverse ?
Vu le regard noir qu’il me jette, je comprends que je devrais me taire. Il est flippant ce mec !
Mon corps fait un pas en arrière. J’en ai marre. Tout ça, c’est la faute de Fabio qui a voulu s’arrêter dans ce motel pourri. Sans savoir pourquoi, je tourne les talons. Mes yeux se remplissent de larmes. En vérité, mon meilleur ami ne désirait même pas venir. Lui, il souhaitait qu’on aille au cinéma ou qu’on joue tranquillement à un jeu. C’est moi qui rêvais d’être à cette maudite fête, juste parce que des types m’ont invité. Je voulais être accepté. Mais au fond, cela devait encore être une façon de se moquer. Même si je le savais, je ne pouvais pas l’admettre. Le pire, c’est que maintenant peut-être que mon pote va mourir dévorer par les zombies, à cause de ma bêtise.
Je cours. Où ? Je n’en ai aucune idée. Derrière moi, j’entends la voix du motard qui m’interpelle. Tant pis…
Ma main passe sur mes yeux. Je veux oublier que je pleure, oublier que je me trouve dans le noir sans savoir ce qui arrive, oublier que j’ai perdu Fabio. Tout oublier…
– Reviens ! Qu’est-ce qui lui prend ?
Je m’essouffle. Même pas deux minutes que je cours et je suis déjà fatigué. Je fais pitié. Lorsque ma tête se relève, j’aperçois une lueur. Aussitôt, c’est vers elle que je me dirige. Plus j’avance, plus je me rends compte que je suis arrivé à la fin du bâtiment. Derrière, c’est le désert. Et si la menace venait de par là… Je me fige.
Le motard en profite pour me rattraper. Sa main se pose sur mon épaule, puissante. J’étouffe un cri.
– Tu n’es pas bien de te barrer comme ça ?
– Y a du feu !
Du doigt, je pointe le seau. Ce n’est qu’ensuite que je me rends compte qu’il y a des gens présents autour. Même s’ils s’éloignent pour se mettre à couvert, j’ai eu le temps de percevoir des mouvements. Mon sang ne fait qu’un tour. Fabio ! Je me retiens pour ne pas crier son nom.
– C’est qui ceux-là ?
La voix rauque me rappelle que je ne suis pas seul.
– Des humains !
Je sens l’homme se crisper à côté de moi.
– Je m’en serais douté.
Le motard va gagner le couvert du bâtiment en m’entraînant avec lui. Pour une fois, je ne dis rien. C’est pour mon bien. Enfin, je crois.
– Ils savent que nous sommes là, et c’est pareil pour nous, me souffle mon compagnon.
Ça ne m’explique pas ce que l’on doit faire. Sauf que je n’ose pas poser la question.
Après une minute de silence, le motard se met à crier.
– Nous savons que vous êtes là ! Qui êtes-vous ?
Est-ce qu’ils vont vraiment répondre à ça, s’il s’agit de tueurs sanguinaires ?
– De simples voyageurs qui ont eu le malheur de s’arrêter ici pour la nuit !
J’échange un regard avec celui qui m’accompagne. Est-ce qu’on peut leur faire confiance ?
– Vous pouvez leur demander s’ils ont vu Fabio ?
Je mets beaucoup d’espoir dans cette question.
– Est-ce que par hasard, Oscar ou Fabio serait avec vous ?
Il y a quelques secondes d’attente pendant lesquels mon cœur bat la chamade.
– Oui, je suis là.
Je n’en crois pas mes oreilles. Cette voix, c’est celle de mon meilleur ami.
Soulagé, je m’élance vers le feu. Ce n’est que lorsque j’arrive devant que je pense à un piège. Par chance, la silhouette de Fabio s’est détachée de l’ombre. Bras sur les hanches, il paraît en colère. Je ralentis puis m’arrête face à lui.
– Je croyais que tu ne voulais pas sortir parce que tu avais peur des zombies !
La raillerie dans sa voix est plus que perceptible.
– Je les ai bravés pour venir te sauver.
Cette phrase perd de sa force lorsqu’on s’aperçoit que je n’ai rien fait d’autre que crier et courir dans tous les sens. Par chance, mon ami ne sait rien de tout ça.
– Ils étaient nombreux ?
Mes yeux partent errer vers mes chaussures. Avec la lueur de l’ampoule en plus du feu, je les vois en détail. Le sable a laissé une belle couche de poussière sur le plastique blanc.
– Bon… Il n’y avait pas de zombies…
Je prends une grande respiration.
– Il n’y avait pas de fête, non plus…
Pour le coup, Fabio me dévisage d’un air surpris. Je suis content de voir qu’il ne s’y attendait pas.
– Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?
Je hausse les épaules, peu désireux de lui faire part de mon cheminement de pensée.
– Tu étais avec qui ? m’interroge mon ami.
– Un motard qui n’a pas d’arme.
Derrière moi, j’entends des pas. En tournant la tête, j’aperçois un peu mieux celui qui m’a suivi jusqu’ici. Dans la lumière, il est plus vieux qu’il en a l’air. Des petites rides creusent le contour de ses yeux.
– Pourquoi aurait-il eu une arme ?
Je reconnais bien là, le bon sens de Fabio. Du coup, je ne peux lui répondre que dans les séries télé, c’est souvent le cas. Ma bouche reste close. C’est mieux pour nous tous. L’idée de me ridiculiser une fois encore ne m’enchante pas.
Deux personnes s’approchent : un grand type et une jeune fille qui se tient à son côté. Je fixe ses belles boucles rousses. Elle est très jolie. Pas de la même beauté que la femme de ménage qu’on a croisée, mais jolie. Je suis sûr qu’elle irait bien avec Fabio. Pour le moment, il vaut mieux que je me taise. Je lui en toucherais un mot quand je pourrais.
– Tu as eu ta bouteille d’eau ?
Mon ami fait la grimace. Est-ce qu’il n’y en avait plus dans la machine ?
– Tu n’aurais pas un mouchoir ou une serviette en papier ?
La réponse aussi étrange que soudaine me laisse perplexe. Je tire pourtant un paquet de mouchoirs de ma poche pour lui en donner un. Aussitôt, il essuie ses doigts d’un air dégoutté.
– Ça part pas, ronchonne-t-il.
Curieux, je m’approche pour voir de quoi il parle. Sur sa main, des traces rouges me laissent à penser qu’il a coupé des steaks. Il me faut quelques secondes avant que mon cerveau ne comprenne de quoi il s’agit.
– Mon dieu, tu as tué quelqu’un !
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