À bord de l'abîme

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Argos fit quelques pas vers la rambarde du bateau, s’y accouda. Il observa l’horizon, ses pensées le tourmentant moins. Il sentit que sa douleur s’était atténuée, sans un regard dans sa direction, il sut que son compagnon de voyage s’était approché.

- Je ne doute à présent que tu a effectivement besoin d’une quête, dit Alfirin.

- Depuis que je me suis enfui du repaire d'Hadès, les événements se sont enchaînés les uns à la suite des autres, dit Argos.Quand j'ai accepté la proposition de Naranwe qui souhaitait mon appui, en quelques journées, j’ai vécu un conflit qui n’était le mien, j’ai rencontré un demi-dieu à la force de Zéus et des mortels ainsi qu’un parent qui souhaite me voir en cendres. Si j’avais su ce qu’il adviendrait…

- Si tu avais su ce qu’il adviendrait, tu serais une créature sanguinaire puis mort de la main des Chasseurs de Surnaturels ou de la notre, dit Alfirin d’une voix mesurée. Préfères-tu être enterré dans les profondeurs de la terre ou être en vie ?

Il détourna le regard, préféra garder sa défense. Percevant une présence à leur encontre, ils se retournèrent en voyant un marin tenant deux écuelles contenant un potage de légumes et de viande salée. Ils prirent précautionneusement le récipient et remercièrent le mortel. Ils s’assirent sur le plancher de bois du vaisseau, prirent leur ustensile de forme arrondie puis commencèrent à se nourrir. Le jeune dieu qui sentit que le repas le réchauffer peu à peu, le termina en une dizaine de cuillérées. Il prit la gourde à l’intérieur de sa besace, buvant à grande gorgées. Remarquant le regard amusé de l’Amazonide, il abaissa le bras puis referma le contenu.

- Tu t’es somme toute décidé à de restaurer de manière convenable, dit Alfirin.

- Puisque je t’accompagne, il faut bien que j’améliore mon état de santé au risque de te voir mourir de manière inapproprié, réplique Argos.

- Comme tu semble d’humeur à dialoguer, dit Alfirin en se levant. Je te propose un exercice à l’épée. Celui qui tombera au sol se verra le droit de ne prononcer aucun mot jusqu’au dernier repas de la journée.

Il mis la gourde dans sa besace, se redressa sur ses jambes puis observa les alentours. Voyant qu’ils étaient seuls sur le pont, il se disait que les marins prenaient sans doute le repas à l’intérieur de la cale ou la cambuse. Il accepta sa proposition, se mit à plusieurs centimètres de l’endroit où se trouvait l’Amazonide. Il dégaina son épée de son fourreau, fit quelques pas et aussitôt leur lame se croisèrent, n’ayant remarqué qu’elle détenait une telle vitesse d’exécution. Elle l’écarta sans effort, prit appui sur sa jambe dominante et attaqua sans attendre le duelliste qui porta ses coups avec une certaine précision malgré un épuisement évident.

Elle esquiva la pointe du tranchant de l'arme de son adversaire, mit la paume de sa main sur celle qui tenait le manche verticalement. Argos qui se remémora soudainement le regard de son paternel, le corps transpercé de ses griffes, sentit son épée lui échapper subitement. Tandis que le résonnement de son arme qui tombait au sol lui parvint de manière lointaine, il s’écroula sur le pont du navire. Il ouvrit les yeux, son regard se porta sur le plafond soutenu par des poutres en bois. Il était allongé dans un large tissu qui oscillait légèrement. Il tourna la tête, vit Alfirin tenant une galette de pain. Il s’aperçut tout à coup d’une douleur à la tête qui s’éveilla, s’assit sur le bord de cette étrange couche.

- Je considère ce malaise à l'égal d'une victoire de notre exercice, dit-elle. Tu t’es alité pendant la journée.

Elle lui tendit une part de galette qu’il prit, détacha un morceau avant de l’avaler.

- Arrivons-nous bientôt au rivage ? demande Argos.

- En effet, dit Alfirin. À la lueur de l’aube.

Il observa l’apparence de son compagnon de voyage, pensa qu’il devait changer d’accoutrement avant d’amarrer dans un lieu qu’il ne connaissait. Il remarqua alors qu’elle le regardait avec insistance.

- Qu’aurions-nous à affronter dans cette contrée qui ne m'est familière ? dit Argos.

- Nous allons apporter notre appui à un peuple asservi par un esprit démoniaque qui a pris possession du corps d'un empereur, dit Alfirin.

- Cela ne semble être une quête ordinaire, dit Argos. Quel est le moyen de détruire cet être malfaisant ?

- D'après la missive que j'ai reçu d'une des Amazonides présente sur ces terres, nous n'avons guère de renseignements à son propos, dit Alfirin peu confiante. Cependant, elles ont essayé d'affronter des hommes ayant une force surnaturelle. Quelques unes ont été captives depuis un long moment.

Le jeune dieu réfléchissait alors à cet échange . L' aspect de cette situation dans laquelle se trouvait ce peuple était périlleux. Il lui fit alors part de ses préoccupations.

- En effet, dit Alfirin. Cela est la raison pour laquelle j'ai décidé d'entreprendre ce voyage dans l'immédiat.

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